Les Tunisiens ne décollèrent pas. Onze jours après le départ de Zine El-Abidine Ben Ali, le gouvernement de transition provoque toujours un tollé. Les Tunisiens ne veulent pas que leur révolution soit confisquée par une partie.
Un véritable dilemme du fait que les concessions faites par le Premier ministre, Mohammed Ghannouchi, n’arrivent toujours pas à calmer la rue, alors que le pays est complètement paralysé par une grève générale. En effet, la contestation de ce gouvernement a pris de l’ampleur hier, avec l’installation d’un campement devant les bureaux du Premier ministre et l’arrivée de manifestants venus en cortège – dit «caravane de la libération» – depuis le Centre, l’Est et l’Uuest du pays. Des milliers de manifestants ont assiégé, hier à Tunis, le palais de la Kasbah, siège des services du Premier ministre où des quelques heurts ont eu lieu avec la police. Mohamed Ghannouchi tente de s’y maintenir, tandis que des manifestants très déterminés réclament depuis une semaine la disparition du gouvernement provisoire qu’il a formé. «On restera jusqu’à ce que Mohamed Ghannouchi et les autres dégagent !», scandaient les manifestants, selon l’agence AFP. Les manifestants, qui exigent depuis une semaine la démission du gouvernement d’union nationale, en raison de la présence controversée dans ses rangs de caciques de l’ancien régime Ben Ali, ont vu à nouveau leurs rangs grossir. Le gouvernement transitoire résistera-t-il à la pression de la rue ? Pas si sûr. Sans leaders, les Tunisiens, d’après l’ampleur des manifestations, sont déterminés à aller jusqu’au bout de leur révolution. Par ailleurs, certains opposants disent «non au chaos» et il faut aller vite pour composer un gouvernement qui calmera au moins la moitié des Tunisiens, puisque, selon eux, le soupçon sur un éventuel coup d’Etat militaire est de plus en plus plausible. Détermination des uns à tout changer après vingt-trois ans de dictature, volonté des autres de composer pour éviter le chaos : la Tunisie est tiraillée entre ces deux aspirations, sous les yeux d’une armée très présente dans les rues mais, jusqu’ici du moins, impassible.
Mot d’ordre de grève «illimitée
La grève illimitée, lancée par les instituteurs tunisiens a compliqué également la tâche du gouvernement de Mohammed Ghannouchi. Alors que les cours devaient reprendre hier, l’appel à la «grève générale», lancé par la centrale syndicale UGTT, est suivi par la quasi-totalité des enseignants, selon le syndicat de l’enseignement primaire. Le directeur de ce syndicat, Nabil Haouachi, a déclaré à l’AFP que «cette grève illimitée des instituteurs tunisiens connaît un succès sans précédent dans le pays».
«C’est ce que confirment les taux de participation dans les régions (…) Ce taux atteint les 100% à Médenine (sud-est), Sidi Bouzid, Kasserine (centre-ouest), Béja, Jendouba (nord-ouest) et Kairouan (centre) (…) Il est de 90% à Zaghouan (près de Tunis) où il n’y a pas de tradition syndicale tandis qu’on s’attend à une forte participation à Tunis». «On ne peut pas appliquer l’ordre d’un gouvernement qu’on ne reconnaît pas», a déclaré Nejib Sellami, membre de la Fédération de l’enseignement secondaire.
Par Hocine L.