Quel avenir pour les relations entre Alger et Paris ?

Quel avenir pour les relations entre Alger et Paris ?

Comme ses prédécesseurs, le désormais ex-ambassadeur s’est employé, surtout, à vendre l’image du régime et à le défendre.

L’ambassadeur d’Algérie à Paris, Abdelkader Mesdoua, va quitter son poste, moins de deux ans seulement après sa désignation. Son limogeage a été décidé dans le cadre d’un large mouvement diplomatique, dévoilé jeudi dernier, par la Présidence. Annoncé sur le départ depuis plusieurs semaines, Abdelkader Mesdoua est considéré comme un des représentants du système Bouteflika que la nouvelle équipe au pouvoir est en train de démanteler.

Son sort semble avoir été scellé après le soutien public qu’il a apporté, en mars dernier, à la candidature de l’ex-chef de l’État à un cinquième mandat.

Alors que les Algériens commençaient à investir la rue pour s’opposer à la réélection de Bouteflika et demander le changement de régime, il s’est improvisé porte-parole du clan présidentiel, en déclarant à la chaîne française d’info en continu, CNews, que l’ancien chef de l’État avait, en dépit de son état de santé, “sa tête de 20 ans” et décidait seul.

Défendant l’option du cinquième mandat, Mesdoua avait ajouté que Bouteflika “estime qu’il a encore quelque chose à faire pour ce pays et qu’il veut mener le navire Algérie à bon port”.

À la suite de cette sortie médiatique très critiquée, l’ambassadeur a été, quelque peu, forcé au silence. Son compte twitter a été fermé au public jusqu’en juin. Les principaux tweets publiés depuis concernent les célébrations de la victoire des Verts à la CAN.

Habituellement, Abdelkader Mesdoua utilisait les réseaux sociaux pour faire écho de ses activités protocolaires. Son compte twitter a été ouvert, aussitôt après sa nomination en octobre 2017, dans le cadre d’une campagne de communication engagée par l’État pour réhabiliter l’action diplomatique à l’étranger, principalement en France, et se rapprocher des expatriés.

Promu au poste — convoité — d’ambassadeur à Paris, grâce au coup de main de l’ex-ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, dont il était l’un des très proches collaborateurs, Mesdoua avait pour mission d’améliorer la qualité des relations algéro-francaises, réputées comme très fluctuantes.

Mais beaucoup se demandent s’il avait vraiment les compétences pour remplir ce rôle. Son bilan dans la capitale parisienne s’avère, en effet, très mitigé. Comme ses prédécesseurs, le désormais ex-ambassadeur s’est employé, surtout, à vendre l’image du régime et à le défendre. L’État français s’est lui-même accroché au pouvoir vacillant de Bouteflika et de son clan, incapable d’anticiper et de jauger la colère populaire. Au début du mouvement citoyen et avant le retrait de Bouteflika de la présidentielle, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait déclaré : “Il faut laisser le processus électoral se dérouler.”

Face aux critiques, la diplomatie française a, par la suite, très rapidement modifié sa position, estimant que c’est au peuple algérien de décider de son destin. La crise en cours continue, néanmoins, de préoccuper les autorités hexagonales, pour plusieurs raisons.

La France détient d’énormes intérêts économiques en Algérie et tient à la stabilité politique du pays, un pivot dans la région du Maghreb et du Sahel. Le président Macron a, de nouveau, abordé le sujet ces derniers jours, au cours d’un entretien avec son homologue russe, Vladimir Poutine. Entre Paris et Alger, les contacts semblent, en revanche, plus succincts.

Les chassés-croisés diplomatiques, qui avaient marqué l’ère de Bouteflika, ont été carrément interrompus. Il faudra attendre l’arrivée du nouvel ambassadeur algérien à Paris, Abdellah Baâli, probablement début septembre, pour voir comment les relations entre les deux pays vont évoluer.

Réputé pour être un diplomate chevronné, le remplaçant d’Abdelkader Mesdoua a passé une partie de sa carrière à l’ONU (de 1996 à 2005). Abdellah Baâli a présidé l’Assemblée générale des Nations unies en 2004. En 2008, il a été nommé ambassadeur aux États-Unis.

S. L.-K.