Que deviendra-t-il après son limogeage?

Que deviendra-t-il après son limogeage?

La décision de Bouteflika de débarquer, mardi dernier, son désormais ex-conseiller spécial et ministre d’Etat et la manière dont il l’a fait auront certainement des conséquences immédiates et visibles sur le paysage politique.

Il y a d’abord Saâdani qui devrait certainement songer désormais à profiter sérieusement des vacances qu’il est en train de passer quelque part. Il pourrait même songer à les prolonger du moment que plus rien ne presse de reprendre le travail à Hydra, puisque celui qui lui disputait le fauteuil et le leadership du FLN ne le fera plus car il a été mis hors de cause et hors course, brutalement et avec pertes et fracas, par Bouteflika.

Mais il n’y a pas que lui qui soit directement concerné par le limogeage de son prédécesseur à la tête du FLN. Il y a aussi les autres. Les bruyants ainsi que les faux bruyants de ce vieux parti qui ont, paraît-il, juré de ne pas se taire jusqu’à déloger Saâdani de sa chaise de secrétaire général. Ceux qui n’ont pratiquement jamais cessé de vouloir organiser des rencontres et qui, malgré tout, affirmaient ne pas pouvoir se taire sur la non-légitimité de l’actuel secrétaire général du FLN. Que feraient-ils désormais?

La disgrâce dans laquelle est tombé Belkhadem et la manière dont il a fait la chute pourraient donner à réfléchir à présent à ceux qui, quitte à déstabiliser le vieux parti et à le donner en spectacle, n’ont jamais cessé de manoeuvrer. Oui, il est certain qu’ils réfléchiront dorénavant deux fois plutôt qu’une, avant de s’en prendre au nouveau patron du FLN. Même lesdits redresseurs auront tendance à ne plus rien vouloir redresser! C’est donc Saâdani qui a le plus bénéficié de la mise hors d’état de nuire de Belkhadem puisque, non seulement son plus grand adversaire est ainsi parti mais il est assuré aussi, que plus personne ne s’en prendra à lui.

Le limogeage de Belkhadem est aussi à regarder comme un avertissement aux ministres et autres cadres supérieurs de l’Etat, quant à la nécessité d’adopter désormais un comportement qui ne dérange en rien leur employeur. Tous ceux qui aimaient tant parler au nom du président de la République devraient hésiter dorénavant à le faire. Cela servira certainement de leçon à beaucoup.

De son côté, Belkhadem doit d’abord digérer le coup qu’il a reçu et retrouver les forces de réfléchir à ce qu’il devrait faire désormais. En effet, l’homme était assommé le jour de l’annonce de la décision de son limogeage et, contacté, par quelques médias le jour-même, il n’avait pas trouvé mieux que d’accuser le frère de Bouteflika et son successeur à la tête du FLN d’être derrière son malheur. Il s’est même dit étonné de se voir reprocher sa participation à «l’université d’été du Front du changement (FC), animé par Abdelmajid Menasra et à laquelle a pris part Ali Benflis, Ahmed Benbitour, Sid Ahmed Ghozali, Ahmed Attaf, Abdelaziz Rahabi…» (1).

Il sera d’autant plus difficile pour l’ex-chef de gouvernement de digérer le coup, car le risque est très gros qu’il se retrouve abandonné par tous, y compris ceux qui, hier encore, lui tournaient autour. Oui, Belkhadem sera seul, très seul et c’est malheureusement ainsi que cela se passe chez nous. Dès que quelqu’un quitte ses fonctions, tout le monde s’en éloigne jusqu’à ses plus proches. Comme s’il avait attrapé la lèpre ou… l’Ebola! La chose sera d’autant plus difficile car, à 70 ans, il serait très difficile à l’homme d’entretenir le rêve de revenir un jour de cette traversée du désert qui s’annonce longue, lourde et insupportable pour lui. Il se verra ainsi trahi par ses amis et par l’âge et n’aura plus alors que deux alternatives: se tourner vers l’opposition ou créer son propre parti.

Interrogé par quelques médias, Makri le chef du MSP «ne voit pas d’inconvénient à ce que Belkhadem rejoigne l’invitation de l’opposition pour la transition démocratique». (2) Mais est-ce que Belkhadem irait rejoindre l’opposition? Jusqu’à présent, il a fait preuve d’un mépris total pour l’obligation de réserve et il a fait preuve aussi d’une grande défaillance quant au comportement que devrait avoir un homme d’un aussi haut rang dans les rouages de l’Etat, mais s’il rejoignait l’opposition, du moins maintenant, il montrerait qu’il n’a rien compris à rien!

En effet, un simple militant qui quitte, de son plein gré ou non, un parti pourrait en rallier un autre, mais ceci sonnerait faux pour Belkhadem car ce n’est pas du comportement d’un chef de parti.

L’alternative qui reste alors à Belkhadem, c’est de créer un nouveau parti. S’il désire rester dans l’arène politique, c’est le seul moyen mais saura-t-il le faire agréer? Il y a beaucoup à parier que non! Et saura-t-il trouver des militants? Il s’en trouvera certes, quelques opportunistes qui voudraient monter dans le train mais ils ne seraient pas nombreux. Pas assez, en tout cas, pour lui permettre de se remettre à rêver à nouveau!

Pour tout dire, l’ex-conseiller de Bouteflika est pris dans un piège terrible. Il ne peut être ni au FLN ni dans un des partis d’opposition ni même créer un nouveau parti. C’est la solitude qui lui ouvre ses horribles bras et c’est le silence qui le guette. C’est, comme l’ont dit déjà certains confrères, «la mort politique» d’un homme qui, depuis de longues années, a nourri de longues et interminables critiques pour son comportement, pour ses effets vestimentaires, pour ses idées et, surtout, pour ses ambitions que beaucoup ont toujours trouvées illégitimes.