Que cherche Ouyahia ?

Que cherche Ouyahia ?

En dépit du refus du FLN, parti majoritaire, et des rejets de sa propre mouvance, Ahmed Ouyahia persiste dans son projet d’alliance ou de création d’un pôle politique soutenant le président Bouteflika.

Dans un entretien fleuve au quotidien arabophone Echourouk paru avant-hier, le secrétaire général par intérim du Rassemblement national démocratique (RND) a expliqué que le FLN n’a émis que des réserves et non un refus sur son projet, affirmant en outre que sa proposition sera discutée juste après la fin du mois de ramadhan lors d’une rencontre avec Amar Saâdani.



Pour Ouyahia, les partis qui soutiennent le programme de Bouteflika doivent « impérativement » réagir et faire face au discours « radical » de l’opposition. « Peut-être que des tels malentendus sont dus à l’absence de coordination et au manque de rencontres entre nos partis », explique-t-il, estimant que des mécanismes seront créés à l’avenir pour pouvoir éviter de telles différences.

Le patron du RND pense même, pour justifier cette situation et prouver qu’il n’existe aucune rivalité entre son parti et celui du FLN », que le « parti majoritaire ne pourrait être que la locomotive » en cas de naissance d’un pôle politique entre les partis qui siègent au gouvernement de Sellal. Une phrase qui pourrait atténuer quelque peu la « mini-crise » qui défraya la chronique le mois passé, quand Saâdani rejeta sans aucune forme de débats la proposition d’Ouyahia.

Pourtant, dans un autre entretien au quotidien El Khabar paru hier, Saâdani, le secrétaire général du FLN, n’a pas hésité un seul instant pour critiquer la proposition d’Ouyahia, remettant en selle la fameuse différence entre les deux grands partis politiques du pays. C’est ainsi que Saâdani juge que l’alliance présidentielle n’a « rien donné par le passé » et que la formule usitée n’est pas dans l’intérêt du FLN. Indirectement, Saâdani critique la méthode Ouyahia, expliquant que le « FLN propose la création d’un large front des partis et des associations qui soutiennent Bouteflika », alors qu’Ouyahia veut plutôt « un clash avec l’opposition ».

« Si l’objectif est de soutenir le président Bouteflika, alors pourquoi se limiter à une alliance de quelques partis politiques ? », s’interroge encore la patron du vieux parti. Parenthèse fermée sur cet épisode, Ouyahia pense toutefois que les partis de la mouvance présidentielle ne doivent pas rester silencieux face aux attaques ciblées de l’opposition.

Pour le leader du RND, le discours de cette opposition, notamment celle qui se regroupe dans la Coordination nationale des libertés et pour la transition démocratique (CNLTD), est « populiste » et risque de mener le pays vers la dérive. Selon lui, le chef de l’Etat et sa famille, plus précisément Saïd, son frère et son conseiller à la Présidence, font l’objet d’une « campagne monstrueuse de dénigrement », allant jusqu’à accuser son frère de « fomenter un coup d’Etat », ou d’avoir pris le pouvoir.

Autrement dit, Ouyahia suggère aux différentes sphères du pouvoir et à ses partisans politiques d’être plus agressifs en matière de communication politique et médiatique, de ne plus laisser des espaces ou de rester « évasifs » à propos des accusations ou des soupçons qu’émettent certaines tribunes de l’opposition sur la gestion des affaires de l’Etat.

C’est ainsi qu’Ouyahia se dit prêt à participer à des « face-à-face » télévisuels avec quiconque parmi ceux qui, « à chaque fois, émettent des doutes ou lancent des accusations à propos de la destination finale des 650 milliards de dollars que l’Etat a consacrés aux trois plans de développement ».

Quoi qu’il en soit, les deux sorties d’Ouyahia et de Saâdani pourraient encore une fois alimenter les chroniques et surtout « doper » l’opposition qui ne lâche pratiquement rien pour lancer des critiques et des flèches à l’endroit du pouvoir.

Cependant, les observateurs pensent qu’au-delà d’une certaine convergence de vue dans la « guerre frontale » contre l’opposition, voire dans son durcissement, entre les deux « mastodontes » du pouvoir, il existe des divergences « stratégiques » entre le FLN et le RND. Saâdani vient de donner un aperçu dans son entretien d’hier, quand il pensa qu’Ouyahia a opté pour une démarche plutôt « conflictuelle », celle qui concrétise le clash avec l’opposition, sans aucune possibilité de rapprochement ou d’une éventuelle trajectoire vers l’entente ou le consensus.

Saâdani semble vouloir « bonifier » son offre de « front élargi » en évitant de verser dans l’attaque frontale, la polémique. Il laisse la porte « entrouverte » à des ralliements ou de possibles réajustements de politiques chez des formations et des associations. Ainsi, si Ouyahia propose la constitution d’une entité politique forte et fermée, Saâdani propose plutôt un conglomérat hétéroclite pour tous ceux qui veulent prendre un « wagon » dans le train bouteflikéen.