Que cache la visite du général Ward à Alger ?

Que cache la visite du général Ward à Alger ?

Le général William E. Ward, chef du Commandement militaire américain pour l’Afrique (Africom), a félicité les Verts pour leur brillante qualification en Coupe du monde au détriment de l’Egypte. Au-delà des propos de circonstance, qu’est venu faire à Alger l’Afro-américain, à l’occasion de sa première visite en Algérie?

W.E.Ward qui a, successivement, été reçu par Bouteflika, Guenaïzia et Ahmed Gaïd Salah, les trois responsables de l’ANP, a déclaré : «Je suis venu entendre les points de vue des responsables civils et militaires algériens sur la situation». Que cachent ces propos, sinon des choses plus graves: la sécurité dans la région du Sahel et la lutte contre le terrorisme?

Cela signifierait-il que Al-Qaïda pour le Maghreb islamique est en train de constituer une menace sérieuse ou ne s’agit-il que d’une démarche visant à intégrer et entraîner l’Algérie sur un terrain sur lequel elle ne souhaiterait pas trop se hasarder? Pour les Américains, «la situation est préoccupante».

Cette préoccupation a, constamment, été exprimée par l’administration américaine, que ce soit sous Bush Junior ou Obama. Cela prouve que les questions de sécurité échappent au contrôle de la Maison-Blanche.

L’Algérie qui avait fait face, seule, à la déferlante terroriste, a refusé la tutelle des Américains qui n’avaient pas apprécié l’étendue de la menace. Ce ne sera qu’après l’attaque du 11 Septembre que les avertissements algériens seront pris au sérieux.

Si telle avait été la préoccupation des Américains qui avaient déclaré la guerre mondiale au terrorisme, pourquoi avoir attendu six longues années pour monter un Commandement militaire, l’Africom, pour surveiller le Sahel?

«Les activités terroristes et criminelles dans le Maghreb et la région du Sahel continuent d’être une menace pour toute la région et au-delà», avait affirmé le responsable militaire américain, à Alger, tout en s’engageant à collaborer avec l’Algérie sur les questions de sécurité, et en agitant la traditionnelle carotte de l’assistance à l’armée algérienne.

Question pertinente: Qui de l’Africom ou de l’ANP est en position d’apporter une contribution effective dans la lutte contre le terrorisme? S’agit-il seulement de terrorisme ou ce combat cache-il autre chose qui ne prenne en considération que les seuls intérêts américains?

Pourquoi avoir attendu 6 ans?

Alors que l’Amérique avait été attaquée le 11 septembre 2001, il faudra attendre le 6 février 2007 pour que le président Bush annonce que les Etats-Unis allaient créer un nouveau commandement militaire pour l’Afrique, sous le nom de « Africa Command » ou « Africom », un outil qui vient compléter le Commandement Européen (Europe), le Commandement Central (Egypte, Corne de l’Afrique, Moyen-Orient et Asie Centrale) et le Commandement du Pacifique qui assurait l’administration des liens militaires avec Madagascar et les autres îles de l’Océan Indien.

Jusqu’à la création de l’Africom, ces trois commandements se préoccupaient principalement des autres régions du monde qui représentaient un plus grand intérêt pour les Etats-Unis, à l’exclusion de l’Afrique qui était perçue comme un terrain régional durant la Guerre froide, ou zone annexe aux relations Etats-Unis/Europe.

La situation changera quand l’administration Bush déclarera que l’accès aux fournitures de pétrole de l’Afrique serait dorénavant défini comme un « intérêt national stratégique ».

La proclamation de la guerre mondiale contre le terrorisme allait servir les intérêts stratégiques des Américains et ce sera, naturellement, vers l’Algérie, pays riche en pétrole et sortant du terrorisme, que les regards allaient se tourner.

La lutte contre le sida, prétexte humanitaire

A l’inverse des autres commandements évoqués, l’Africom n’aura pas le contrôle de grandes unités militaires, mais sera une structure hybride civile et militaire.

Cette situation cadre, en apparence, avec les efforts qui visent à réduire le coût induit par la présence de troupes hors du territoire américain, mais démonte en revanche que l’Africom n’est qu’un paravent dont la mission officielle est la surveillance militaire du Sahel mais qui est, en réalité, chargé de barrer la route aux Chinois qui prennent trop d’envergure et dont les capacités de pénétration ont mis à nu les faiblesses des Européens à défendre leurs terrains de chasse de prédilection, les anciennes colonies.

Un examen minutieux permet, en effet, de se rendre compte que la différence alléguée entre l’Africom et les autres commandements n’est pas aussi réelle que les autorités de l’administration Bush ont voulu le faire croire. Il est évident que Washington a d’autres intérêts en Afrique.

En plus de la guerre contre le terrorisme, l’accès à des fournitures d’énergie et aux autres matières premières stratégiques, il y a aussi la compétition avec la Chine et les autres puissances économiques en émergence pour le contrôle des ressources du continent.

Mais ces intérêts sont cachés derrière les promesses de lutte contre l’épidémie du VIH/SIDA et contre les autres maladies émergentes, l’appui aux efforts de maintien de paix et de résolution de conflit et l’intervention dans les catastrophes humanitaires.

Mais, l’accomplissement de ces trois objectifs n’est pas la raison principale pour laquelle Washington déploie un si grand effort et une si grande attention au continent.

Qui sont les régimes amis?

Les Etats-Unis préféreraient que les régimes amis en Afrique prennent une part active dans la réalisation de ces objectifs afin qu’ils puissent éviter une implication militaire directe en Afrique, en particulier au moment où leurs soldats sont très profondément engagés dans des guerres en Irak et en Afghanistan et se préparent à des attaques éventuelles contre l’Iran.

L’espoir que le Pentagone puisse trouver des supplétifs africains qui pourraient agir au nom des Etats-Unis est précisément la raison pour laquelle Washington est en train d’accorder une si grande assistance en matière de sécurité à ces régimes et la raison pour laquelle il aimerait en fournir même davantage dans l’avenir.

L’Algérie est-elle un de ces amis? Difficile de répondre par l’affirmative d’autant plus que l’ancien ministre des Affaires étrangères avait brutalement évacué l’idée en déclarant avec fracas que l’Algérie n’abritera jamais une base militaire américaine.

Serait-ce là le véritable motif qui lui avait valu son éviction du gouvernement, ou ne s’agit-il que d’une manœuvre diplomatique dont le Président Bouteflika a le secret pour échapper à la pression exercée par les Américains?

Miloud Horr