C’est un changement de ton et de vocabulaire pour le moins singulier : autant Ahmed Ouyahia, secrétaire général du RND que le patron du FLN, Amar Saadani ont curieusement mis de l’eau dans leur vin en se montrant disponibles à discuter avec l’opposition pour peu que celle-ci respecte les institutions de la république : comprendre ne pas remettre en cause la légitimité du président, encore moins de réclamer une élection présidentielle anticipée ou l’application de l’article 102.
Il n y a pas si longtemps, le FLN et le RND ne rataient aucune occasion pour descendre en flammes l’opposition regroupée au sein de la CNLTD. S’ils ne l’accusent pas d’être coupée des réalités nationales, de semer le désespoir et de manquer cruellement de vision pour une sortie de crise, ils ne se privent pas d’aller jusqu’à l’accuser de constituer le relais de certains esprits malveillants à l’étranger qui cherchent à déstabiliser le pays. Mais à examiner de près et d’analyser les propos d’Ouyahia et de Saadani, il ressort clairement l’abandon de la littérature belliciste au profit d’un langage plus conciliant qui peut suggérer l’amorce d’un début de dialogue entre le pouvoir et l’opposition. «Le RND est disposé à dialoguer avec l’opposition, mais celle qui respecte les institutions », a affirmé Ahmed Ouyahia à l’ouverture du congrès extraordinaire de son parti. «Concernant son positionnement politique, le Rassemblement demeurera sans aucun doute, fidèle à son soutien au Président Abdelaziz Bouteflika, et sera aussi un appui loyal au Gouvernement.
Dans le même temps, c’est mon espoir que notre formation politique pourra développer un effort commun avec les autres partis de la majorité présidentielle. J’espère aussi que notre Rassemblement sera ouvert au dialogue avec les partis de l’opposition autour de tout projet ou initiative respectueuse de la Constitution et des Institutions du pays », a déclaré Ahmed Ouyahia. Même si à la clôture des travaux, il est revenu à la charge pour critiquer ceux qui se sont livrés à des « tours de clowns », dans une allusion à la protestation des partis lors de l’adoption de la loi de finances à l’assemblée à l’automne dernier, il n’en demeure pas moins que dans ses résolutions le RND a tendu la main à l’opposition.
«Le Congrès réaffirme à tous les forces politiques nationales et à tous les citoyens qui se reconnaissent dans la Constitution et les lois de la République, la disponibilité du Rassemblement à dialoguer, travailler, et collaborer avec eux à tous les niveaux, dans tout ce qui peut servir l’Algérie notre Patrie à tous. Cette disponibilité s’exprime d’abord et naturellement en direction des forces politiques avec lesquelles, le Rassemblement partage le soutien au Président de la République.
Cette disponibilité au dialogue et au travail ensemble au service de l’Algérie, s’exprime également en direction des formations politiques de l’opposition que le Rassemblement National Démocratique, salue », indique le texte de la résolution politique. Dans la résolution économique et sociale, le RND réaffirme les vertus du dialogue dans cette conjoncture difficile sur le plan économique en raison de la contraction des recettes, conséquence de la chute des prix du pétrole. «Il (RND, ndlr) appelle également à un débat sur les questions économiques et sociales, au sein de la classe politique et de la société civile, pour dégager chaque fois que possible des consensus.
Le RND sera toujours disponible pour de tels débats, y compris avec l’opposition », notait la résolution. Pour sa part, le SG du FLN, Amar Saadani, a affirmé devant les secrétaires des mouhafadhas que son parti «était disposé à coopérer avec l’opposition politique, qu’elle soit de droite, de gauche ou islamique, pour servir les intérêts suprêmes du pays », affirmant que sa formation «n’est pas contre l’opposition mais contre ceux qui veulent s’accaparer les institutions ». «Et c’est là une ligne rouge », a-t-il dit. Rappelant que son parti «a milité pour que l’opposition ait les acquis dont elle jouit aujourd’hui dans la Constitution », Saâdani dont les propos ont été repris par l’agence officielle a estimé que «l’existence d’une opposition nationale qui œuvre pour l’intérêt du pays est nécessaire pour proposer des alternatives », ajoutant que «l’opposition en Algérie existe mais qu’elle est infiltrée par des personnes dont la seule préoccupation est l’accès aux postes». Le FLN, a-t-il dit, «veut une opposition nationale forte qui corrige les déséquilibres et propose des alternatives au plan social, politique et économique ».
Dès lors la question coule de source : le pouvoir qu’incarnent les deux partis, en l’occurrence le FLN et le RND, confronté à la crise et redoutant probablement des troubles sociaux, cherche-t-il à jeter les passerelles avec l’opposition et sortir ainsi du dialogue de sourds ? Ou cherche-t-il à la piéger, étant convaincu qu’elle va refuser ? Ainsi, il aura le mérite, aux yeux de l’opinion, d’avoir tenté et que l’échec incombera à l’opposition. S’il faut se garder de tirer des conclusions hâtives, l’amorce d’un dialogue sérieux avec tous les partis demeure la meilleure garantie pour une sortie de crise. Reste que les conditions posées de part et d’autres risquent de s’avérer des pierres d’achoppements insurmontables, notamment celles inhérents à la légitimité des institutions.