Le dépôt de candidature d’Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat présidentiel en Algérie, en dépit des interrogations sur sa santé, a poussé d’autres candidats, convaincus que le scrutin est joué d’avance, à jeter l’éponge. Un fatalisme largement souligné par la presse nationale mardi.
« Qu’importent le handicap, la santé chancelante, un bilan de gouvernance décrié, l’usure d’un règne long de 15 ans, les attentes et espérances citoyennes, Abdelaziz Bouteflika succombe de nouveau aux sirènes du pouvoir. » Le quotidien francophone El Watan, à l’image d’une grande partie de la presse algérienne, a vivement critiqué, mardi, la candidature officielle d’Abdelaziz Bouteflika, qui briguera un quatrième mandat lors de la présidentielle du 17 avril. Le président sortant, âgé de 77 ans et au pouvoir depuis 15 ans, l’a personnellement déposée, la veille. Malgré sa maladie.
Une proclamation « liminaire, expéditive, en guise de sevrage pour plus de 22 mois d’éclipse de l’espace public », n’a pas manqué de relever l’éditorialiste d’El Watan, qui a décrit « une image altérée et une voix inaudible » du candidat-président. Bouteflika était en effet muré dans le silence depuis l’AVC dont il a été victime le 27 avril 2013. Son dernier discours public remonte à mai 2012, à Sétif (ouest), lors duquel il avait laissé entendre qu’il fallait désormais faire place aux jeunes.
« Une forme d’humiliation »

Pour Karim Kebir, journaliste au quotidien francophone Liberté, interrogé par metronews, le quatrième mandat que Bouteflika va briguer constitue « une régression aux yeux d’une bonne partie des Algériens ». « Certains n’hésitent pas à voir dans cette candidature une forme d’humiliation d’autant qu’elle va à contre courant du vent de changement qui souffle dans la région, comme en Tunisie », ajoute-t-il.
Un avis partagé par Soufiane Djilali, à la tête du parti Jil Jadid (« Nouvelle Génération »), qui nous explique pourquoi il a renoncé, comme plusieurs autres candidats de l’opposition, à la course à la présidentielle à la suite de l’annonce de Bouteflika. Celle-ci « a jeté un froid dans le pays et a provoqué une déprime nationale. Une incompréhension générale, qui se transforme en colère, règne désormais. Bouteflika ne bénéficie d’aucun soutien populaire, si ce n’est de ceux soucieux de leurs privilèges, et s’avère incapable de gouverner ».
Ces derniers jours, la perspective d’un quatrième mandat a déclenché de nombreuses manifestations à travers le pays. Certains rassemblements d’opposants ont été violemment réprimés, à l’image de celui des fondateurs du jeune mouvement « Baraka ! » (ça suffit ndlr) arrêtés mardi devant le Conseil constitutionnel alors qu’ils tentaient de protester. Pour Karim Kebir, « la répression, la fermeture du champ politique et l’interdiction de manifester, sans compter les difficultés sociales, empêchent probablement beaucoup d’algériens de descendre dans la rue pour exprimer leur ras-le-bol ». Mais, conclut-il, « cette lassitude chez certains et cette indifférence chez d’autres sont assimilables au silence qui précède la tempête ».