Et de quatre ! Après dix mois de crise jalonnés de manifestations, de violences meurtrières et de vaines promesses, le président Ali Abdallah Saleh a enfin signé mercredi l’accord proposé par les pays du Golfe afin de ramener le calme dans l’Etat le plus pauvre du monde arabe. En échange de son immunité judiciaire, il a signé un accord de transfert du pouvoir à son vice-président. Saleh est ainsi le quatrième dictateurs arabes à tomber après Ben Ali, Moubarak et Kadhafi.
La cérémonie de signature, qui s’est déroulée à Riyad, en Arabie saoudite, a été retransmise en direct par plusieurs télévisions arabes.
La chaîne publique saoudienne a montré un Saleh souriant, assis à côté du roi Abdallah, apposer sa signature sur quatre exemplaires du plan de sortie de crise, avant d’applaudir brièvement. Le dirigeant yéménite, au pouvoir depuis 33 ans, s’est engagé à le céder à son vice-président et à pleinement coopérer avec le gouvernement de coalition proposé.
Cette signature -attendue depuis des mois- ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire du Yémen secoué depuis janvier par un mouvement de contestation populaire.
Des dizaines de milliers de Yéménites sont descendus dans les rues de Sanaa, la capitale, et d’autres villes, pour réclamer la démocratie et la fin du régime, bravant la répression des forces gouvernementales qui a fait des centaines de morts.
La situation est devenue chaotique, le Yémen se retrouvant en situation de quasi-guerre civile: des milices tribales affrontent les forces de l’ordre dans plusieurs régions et des militants liés à Al-Qaïda se sont emparés de localités entières dans le sud du pays, profitant des troubles pour renforcer leur position.
En vertu du plan élaboré par le Conseil de coopération du Golfe (CCG) et soutenu par la communauté internationale, Ali Abdallah Saleh doit transférer le pouvoir à son vice-président Abed Rabbo Mansour Hadi dans les 30 jours, en échange de son immunité judiciaire (un point de l’accord que critiquent ses opposants). En outre, une élection présidentielle anticipée doit avoir lieu dans les 90 jours après la signature.
L’accord appelle également à une période de transition de deux ans, au cours de laquelle un gouvernement d’unité nationale serait chargé d’amender la Constitution, d’oeuvrer en faveur d’un retour à la sécurité et entamerait un dialogue national sur l’avenir du pays.
Saleh devient ainsi le quatrième dirigeant emporté par le vent de la contestation dans le monde arabe, après Ben Ali en Tunisie, Moubarak en Egypte, feu Kadhafi en Libye. Mais c’est le premier dont le départ fait l’objet d’un accord négocié.
Saleh s’est accroché au pouvoir de longs mois, en dépit des manifestations appelant à sa démission et d’une tentative d’assassinat en juin. Grièvement blessé dans une attaque contre le palais présidentiel, il s’est rendu en Arabie saoudite pour y subir des soins hospitaliers durant plus de trois mois.
Reste que la signature de Saleh ne devrait pas grandement apaiser les protestataires, qui exigent davantage de réformes politiques et affirment que les formations d’opposition ayant approuvé l’initiative des pays du Golfe sont compromises par des arrangements de longue date avec le président.
Le Yémen, pays pauvre et montagneux de la péninsule arabique qui compte quelque 25 millions d’habitants, a une valeur stratégique aux yeux de ses alliés du Golfe, particulièrement l’Arabie saoudite, et des Etats-Unis. Géographiquement proche des grands champs pétrolifères du Golfe, il domine des couloirs de navigation clés en mer Rouge et en mer d’Arabie.