Ahmed Ouyahia est un personnage décidément indécrottable. Cette semaine, il en a fait, à nouveau, la démonstration. Ramassé à la petite cuillère par Amar Saâdani, qui a refusé ses offres d’alliance insistantes, parce qu’il ne lui « fait pas confiance politiquement », le voilà de nouveau sortir la grosse artillerie contre l’opposition, cet ennemi facile.
Histoire probablement de faire oublier les humiliations qui lui sont infligées par le chef du FLN, Ahmed Ouyahia a donc choisi le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, pour apparaitre sous les oripeaux d’un preux chef de parti à l’offensive et surtout soucieux des « intérêts supérieurs de la nation ». Il est vrai qu’il a besoin de cultiver l’image d’un chef autoritaire, prêt à l’abordage, pour se grandir aux yeux des militants du parti à quelques mois de l’élection du secrétaire général du RND.
Mais, Ouyahia a-t-il vraiment besoin de « vomir » ainsi sur l’opposition, de la vilipender, de l’accuser de haute trahison, alors que la match est vendu d’avance pour son sacre à la tête du RND ? A moins que ses tartarinades bravaches, dont il est coutumier, ne visent qu’ à envoyer des gages d’allégeance à qui de droit.
Mais toujours est-il, rien ne justifie le procès en trahison qu’il a fait à l’opposition, dont on se demande d’ailleurs pourquoi elle n’a pas encore réagi. Car les propos d’Ouyahia sont gravissimes. Qu’ a-t-il dit en substance ? La veille de la célébration de la fête de la femme, c’est-à-dire le 7 mars, Nouara Djaffar, membre de la direction nationale a lu aux militantes du parti un message du secrétaire général par intérim. Au lieu de concentrer son propos sur la cérémonie, voire sur les acquis de la femme algérienne, surtout avec la nouvelle constitution qui lui confère de nouveaux droits, Si Hmed gratifie l’opposition d’un joli bouquet d’accusations.

En vrac, il trouve que cette opposition se réjouit des difficultés actuelles du pays. Que son seul objectif est de prendre le pouvoir, sans avoir de propositions à faire valoir. Que -et c’est là le plus grave- cette opposition ne serait qu’un relai des forces extérieures qui cherchent à reproduire coûte que coûte un « printemps arabe »en Algérie.
Ainsi donc, l’opposition est promue malgré elle au rang de cinquième colonne. Pas moins ! Mais si le chef du RND a les preuves de ces accusations, qu’attend-t-il alors pour les mettre à la disposition de la justice ?
Un mélange des genres qui nuit l’image consensuelle du président Bouteflika
Les observateurs auraient pu mettre les charges récurrentes d’Ouyahia contre l’opposition sur le compte des classiques querelles politiciennes entre partis politiques en besoin de positionnement. Mais dans son cas, cette lecture n’est pas pertinente. Pour la simple raison qu’il est aussi Directeur de cabinet du président de la république. Une fonction qui lui impose de la retenue, de la réserve, mais surtout une hauteur par rapport à la mêlée politique.
Même s’il prend à chacune des ses sorties la précaution de dire qu’il parle en tant que chef du RND, qu’il le veuille ou non, Ouayahia implique dans ses outrances partisanes le président de la république. D’autant que nous ne croyons pas que le président Bouteflika soit actuellement animé de desseins hostiles à l’égard des partis de l’opposition pour lesquels il a le plus grand respect.
Preuve de ce respect, la dernière révision de la constitution dans laquelle plusieurs nouvelles dispositions confortent le rôle de l’opposition qui reste un acteur incontournable dans l’échiquier politique. Cette double casquette d’Ouyahia, autant elle lui profite, autant elle nuit l’image consensuelle du président Bouteflika qui se doit, par conséquent, de mettre fin à cette situation de mélange des genres pour le moins inadmissible sur le plan de l’éthique politique.