Relire Wikileaks. Lors d’une audience accordée à un diplomate américain du NEA (Near Eastern Affairs), le 25 février 2008 dans son palais à Marrakech, le roi du Maroc Mohamed VI évoquait avec son hôte du Département d’Etat les relations avec son voisin de l’Est, l’Algérie. Mohamed VI reconnaissait que ces relations sont dans l’impasse en raison du conflit sur le Sahara occidental et que le Maroc n’a aucune relation avec l’Algérie.
A la question de savoir si les autorités marocaines ont une idée sur les intentions du président algérien Abdelaziz Bouteflika, Mohamed VI indique Bouteflika s’apprête « à amender la constitution pour accomplir un troisième mandat », le diplomate Welsh a répondu « avec ironie que Bouteflika agit ainsi sans l’aide des Syriens ».
Le chef de l’Etat algérien, 73 ans, arrivé au pouvoir en avril 1999, a amendé la loi fondamentale en novembre 2008 pour faire sauter le verrou qui limitait l’exercice présidentiel à deux mandats. Ce triturage de la Constitution lui a ainsi permit d’être réélu en avril 2009 pour un troisième mandat.
Au cours de la même audience, rapportée dans un mémo classé confidentiel en date du 28 février 2008, révélé par Wikileaks et publié par le quotidien espagnol El Pais, le roi du Maroc a fait, en revanche l’éloge de l’ambassadeur d’Algérie à Rabat, qu’il qualifie de « frustré » pour ses « efforts inlassables afin d’améliorer les relations bilatérales. Mohamed VI indique ensuite: « Nous n’avons aucune relation avec l’Algérie, hormis une coopération limitée dans le domaine de la sécurité. »
Larbi Belkheir, décédé en janvier 2010, a été nommé ambassadeur à Rabat en 2005. Homme de réseaux, fin connaisseur des arcanes du pouvoir algérien, familier du palais royal, Belkheir n’a pas pourtant réussi à décrisper la tension entre les deux pays voisins.
Le mémo du diplomate en fait porter le chapeau au président algérien. « En dépit des possibilités évidentes de coopération dans l’agriculture, l’énergie et une foule d’autres domaines, le Président Bouteflika et son gouvernement ont clairement préfèrent le statu quo», note le mémo.
Le souverain chérifien, ajoute le document, a fait remarquer à son interlocuteur américain qu’il « s’est même rendu à Alger pour essayer de sortir de l’impasse, mais le gouvernement algérien continue d’insister sur le règlement de la question du Sahara occidental avant de procéder à d’autres initiatives bilatérales ou régionales. »
Mohamed VI, 47 ans, s’est rendu Alger en mars 2005 pour assister au 17eme somment de la Ligue Arabe. Bouteflika l’avait à l’époque accueilli avec le traditionnel baiser sur les deux joues. Les deux hommes s’étaient rencontrés deux fois e suite, notamment au cours d’un long tête-à-tête à Zeralda, sur la côte ouest d’Alger, là où précisément a été signé en 1988 le traité portant création de l’UMA (Union du Maghreb Arabe). La lune de miel n’aura duré que le temps d’un sommet.
En dépit des apparences, et loin du protocole, Mohamed VI et Bouteflika ne s’apprécient guère. Entre ce deux là, il y a un fleuve qui charrie méfiance, mépris, condescendance et haine. Au cours d’une audience accordée à un diplomate américain, le chef de l’Etat algérien a qualifié le souverain marocain d’homme « peu ouvert » et « manque d’expérience ».