Quand les motards imposent leur loi dans le désert

Quand les motards imposent leur loi dans le désert

En cette saison, le Sud attire, des Européens, mais aussi des Algériens, venus du Nord pour profiter de la douceur et des trésors du désert. En théorie du moins. Car, à Taghit, certains touristes ne semblent pas rechercher la beauté tranquille des dunes. Juchés sur leurs motos, ils dévalent les pentes de sable à toute vitesse, ou s’exercent au rodéo sur la route principale. Un phénomène qui prend de l’ampleur. Pour le plus grand malheur des habitants et des touristes, obligés de subir les nuisances de ces motards trop bruyants.

Le vacarme des motards en séjour à Taghit s’est propagé à 100 kms à la ronde. Jusqu’à Beni-Abbès. Si le bruit s’est perdu dans le désert, la rumeur, elle, a franchi les dunes. Un groupe de touristes français, rencontrés à l’hôtel Grand Êrg de Beni-Abbès, confirme ce côté dérangeant des motards: « Nous venons de passer deux jours à Taghit. Ici, c’est bien plus tranquille car nous ne sommes pas importunés par les motos ».

Mais le lendemain matin, surprise. A l’entrée de la ville, nous sommes accueillis par une troupe de motards, sans casque, ni protection, s’exerçant à lever les deux roues avant de leurs engins, dans un rituel bien connu en Algérie : c’est à qui « cabre » le plus longtemps son engin.

« Ils viennent, en général, d’Oran », explique Mustapha, médecin à Alger, venus passer quelques jours de vacances à Taghit avec sa famille. « Le problème n’est pas de faire de la moto, c’est de rouler dans la ville et les dunes situées juste au-dessus des habitations », poursuit cet habitué des lieux, qui aime lui-même venir dans le désert pour pratiquer le quad sur les dunes. « Mais je prends soin de m’éloigner de dix à quinze kilomètres de la ville », précise-t-il.

La nuisance sonore, qui risque fort de faire fuir les touristes en quête de tranquillité, n’est pas la seule provoquée par ces groupes de motards descendus du Nord. « Ils laissent leurs déchets derrière eux » témoigne un guide de Taghit qui a ramassé, un jour, plusieurs sacs de détritus abandonnés en pleine dune par un campement de moutards.

Outre les touristes, la population s’agace elle aussi de plus en plus de ces agissements importuns. Même si peu d’entre-eux osent l’avouer ouvertement. « La liberté s’arrête là où celle d’autrui commence », résume sagement un septuagénaire de Taghit, ancien professeur d’anglais. Une règle simple de civisme, certes, mais que les habitants de Taghit aimeraient aujourd’hui voir respectée. Car il en va de leur sécurité. Les dunes étant le terrain de jeu des enfants, un accident est vite arrivé.

Silence des autorités

La situation est telle que Tewfik, gérant de l’hôtel Bordj Taghit, envisage désormais de porter plainte. « Ce n’est plus possible de supporter les bruits des motos jusqu’à minuit »,  dit-il. « D’autant que la route principale passe juste sous les fenêtres des chambres de l’hôtel ». Faute de réglementation, les abus se multiplient, au fur et à mesure que le nombre de motards augmente au fil des ans. Les habitants avaient pourtant pris les devants. « L’année dernière, nous avons rencontré le chef de daïra pour lui demander un terrain où les motards pourraient s’installer, mais il n’y a jamais eu de suite », témoigne le gérant d’une boutique d’artisanat du souk.

Pire, lorsque certains habitant sont allés se plaindre auprès de la gendarmerie, on leur a répondu : « Contentez-vous de manger ce que les motards vous apportent et taisez-vous ! », témoigne cet ancien professeur d’anglais rencontré sur le marché.

Le butin risque de ne pas suffire à nourrir grand monde. Les retombées économiques se limitent, en effet, à un peu d’eau et de nourriture achetés chez les commerçants du souk, incapables du reste de contenter la demande locale, comme en ce samedi soir. Les gérants d’hôtels, les guides, les artisans, les chameliers, eux, peuvent toujours attendre leur part. Pendant ce temps, comme le reste de la population, ils subissent plus qu’ils ne profitent.