Quand les banques financent l’import-import

Quand les banques financent l’import-import

Beaucoup d’algériens le suspectaient déjà : l’argent des banques publiques sert à financer la machine infernale de l’importation des produits en tous genres.

Des voitures aux gadgets du toc chinois, en passant par des produits cosmétiques à la qualité douteuse, les devises tirées de la vente du pétrole sont ainsi dilapidées au détriment du financement des projets d’investissement qui auraient pu relancer la PME et offrir des postes d’emploi à une jeunesse oisive.

C’est hélas, l’aveu fait ce matin par le délégué général de l’Association des banques et des établissements financiers (Abef), Abderrazak Trabelsi lors de son passage sur les ondes de la radio chaîne III. «Le financement de l’investissement productif est une chose qui reste loin d’être dominante. Ce dernier est globalement le parent pauvre», a-t-il déclaré.

M. Trabelsi en veut pour preuve que pas moins de 12 milliards de dollars ont été accordé en crédits à l’importation, alors que pour l’investissement productif le montant est bien plus modeste. Le chef de l’ABEF constate qu’il est «plus facile d’importer que de produire en Algérie».

Voici donc la plus grande tare de l’économie nationale où les opérateurs économiques préfèrent importer des marchandises et les revendre en l’état plutôt que de construire une usine sans trop savoir si ses produits seront écoulés.

De l’argent pour importer mais pas pour investir !

Autrement dit, contrairement à l’idée reçue selon laquelle les banques algériennes ne donnent pas d’argent, les chiffres de Abderrazak Trabelsi prouvent le contraire. Elles financent même en quantité industrielle ! Mais quoi ? L’importation.

Une activité pour laquelle ces établissements bancaires ne prennent aucun risque puisqu’ils récupèrent tout de suite (et même bien avant avec le crédit documentaire) la contre valeur du crédit en devises accordée aux importateurs. En revanche, les banques rechignent à mettre de l’argent pour accompagner un investisseur dans un projet de production. Du coup, les opérateurs sont fatalement obligés par les banques de se recentrer sur l’import-import, qui plus est, offre une significative plus value.

La froide réalité des chiffres

Les banques, elles aussi, gagnent au change en devenant non pas un outil au service de l’économie nationale mais un comptoir à caisse pour vendre l’argent…

«La Banque d’Algérie vient de publier le rapport trimestriel pour 2013 et qui vient confirmer une série de rapports établis depuis des années et qui révèle, très concrètement et de manière chiffrée et sans équivoque, qu’il y a une croissance extrêmement importante des crédits. On a un taux de croissance à deux chiffres, quand beaucoup de pays souffrent d’une faiblesse de la croissance des crédits» souligne le chef de l’ABEF.

Sauf que ces chiffres ronflons concernent quasi exclusivement les opérations d’importations qui ne servent qu’à inonder le marché national par des produits de luxe ou de qualité douteuse qui concurrencent le produits local par des prix très bas. Comble du paradoxe, les banques censées être l’un des moteurs de la relance économique s’avèrent être un indépassable frein à l’investissement.

Mais pour inverser cette tendance qui écorche la notion de «patriotisme économique» si galvaudée, il va falloir changer complètement de politique. Tout un programme dans un pays où on ne sait pas encore comment ramasser les ordures ménagères…