La visite du directeur général du Fonds monétaire international à Alger est perçue différemment par les économistes algériens.
Depuis la crise des subprimes qui a ravagé les économies des pays industrialisés fin 2008, l’épisode de la crise économique n’a pas encore connu son épilogue.
A ce titre, des gouvernements cherchent à sortir de l’impasse par divers mécanismes pour restructurer leurs économies et relancer leur tissu industriel.
Les patrons du Fonds monétaire international ne sont pas étrangers à cette logique. Raison pour laquelle Dominique Strauss-Kahn part en pèlerinage pour amadouer des Etats, dont l’excédent monétaire a été gonflé durant une période en 2008, lorsque le baril avait dépassé les 90 dollars. Les pays pétroliers essentiellement.
La visite du directeur général du FMI à Alger précède, il est utile de le souligner, la réunion qui aura lieu ce vendredi au sein même de cette institution internationale. Le menu de cette rencontre aura pour thème le doublement du capital du FMI. Dans ce cadre, Dominique Strauss-Kahn aimerait sans doute avoir l’avis favorable des autorités algériennes.
«L’Algérie a mangé le pain noir avec le FMI»
Pour le docteur Chems-Eddine Chitour, «l’Algérie n’est pas dans la même situation qu’il y a 15 ans. Sur ce point, le FMI s’intéresse grandement à la santé économique et financière de l’Algérie». Il est utile de rappeler dans ce sillage qu’en juillet 2010, les réserves de change de l’Algérie ont été évaluées à plus de 150 milliards de dollars, et ont rapporté presque 4,50 milliards de dollars en 2009. M. Chitour affirme que «l’Algérie est sollicitée pour contribuer à renforcer et consolider le fonds du FMI».
Pour rappel, lors du sommet londonien du G20 qui a eu lieu en avril 2009, plusieurs pays ont reçu l’appel de cette institution internationale pour acheter des obligations. Le but étant de rassembler 500 milliards de dollars, la somme nécessaire pour sortir de la crise. Hormis quelques pays qui n’ont pas hésité à répondre favorablement, à l’exemple de la Russie et de la Chine, d’autres gouvernements ont préféré attendre la suite des événements, comme l’Algérie et l’Arabie Saoudite.
Toutefois, M. Chitour tient à rappeler que «l’Algérie a mangé du pain noir avec le FMI durant les années 1990». On s’en souvient lorsque les patrons du Fonds monétaire international avaient obligé les autorités algériennes à appliquer un programme d’ajustement structurel.
Plus de 400 000 emplois ont été supprimés et des entreprises ont perdu la crème de leurs ouvriers. La compression des effectifs a été un coup dur pour des milliers de familles, et ce, en pleine période de terrorisme sanguinaire.
«Une opportunité à saisir par les entreprises»
Abderrahmane Mebtoul pense que «Dominique Strauss-Kahn cherchera à comprendre l’orientation économique des autorités algériennes depuis la LFC 2009 et le retour du volontarisme qu’elles ont affiché».
Tout en rappelant que l’ancien homme fort de la gauche française a été invité par les structures de la Banque mondiale installées en Algérie, M. Mebtoul estime que l’Algérie peut tirer bénéfice de cette visite, car le FMI reste pour les investisseurs un indicateur de premier ordre.
«Vu l’aisance financière de l’Algérie, le FMI peut lui donner une bonne image», a-t-il estimé. En effet, en plus des rapports de la Banque mondiale et des bureaux d’études internationaux, ceux du FMI sont consultés et pris avec une grande considération par les entreprises de divers horizons. Mais la thèse de l’élargissement des ressources
du FMI pour alimenter les pays en crise est la plus plausible. Elle est défendue par l’économiste Mustapha Mekideche qui affirme que «cette visite entre dans le cadre du désir exprimé par le FMI de vendre des obligations, destinées principalement aux pays qui ont un excédent de réserves».
«L’Algérie est un pays en bonne santé du point de vue macroéconomique. Elle pèse dans la région du Moyen-Orient-Afrique du Nord (Mena) et sur le continent africain. A partir de ces données, la visite de Dominique Strauss-Kahn lui permettra aussi d’entrer en contact avec la Banque centrale d’Algérie», pense notre interlocuteur.
Cependant, M. Chitour n’oublie pas de dire que «la politique de Strauss-Kahn est semblable aux idéologies des partis de la droite occidentale, même s’il est issu de la gauche». «Disparition de la solidarité et mise en place d’un capitalisme pour la victoire du libéral, telle est la politique du Fonds monétaire international», estime-t-il.
Par Mehdi Bsikri