Le tribunal de Tizi-Ouzou arbitrera, en juin, le procès de « l’affaire du port d’Alger ». Un scandale qui a levé le voile sur les méthodes d’intimidation brutales de certains membres du DRS (Services algériens) dans les années 1990.
Ils seraient entre 4000 et 6000. Certains parlent de 40 000. Peu importe leur nombre. Un seul et même souvenir amer réunit ces cadres et anciens fonctionnaires des administrations publiques et des entreprises d’Etat algériennes. Tous ont été victimes de procès montés de toutes pièces afin de les écarter de leurs postes suite à des rapports bidonnés par des enquêteurs du DRS, les puissants services de renseignement militaire algérien, au cours de la sombre décennies 1990.
Certains ont passé plusieurs années en prison au nom d’une soi-disant détention préventive. D’autres, ont été condamnés à la prison ferme avant d’être relâchés. Interrogés dans les salles obscures de la police politique algérienne, plusieurs ont sombré dans la démence. D’autres gardent encore des séquelles encore vives de leurs passages dans les cellules des prisons algériennes.
Réhabiliter les victimes
Aujourd’hui, tous ces cadres ont les yeux rivés sur le tribunal de Tizi-Ouzou qui doit arbitrer, au cours du mois de juin, le procès de l’affaire du Port d’Alger. Un évènement historique. Il s’agit de la première affaire de réhabilitation des cadres injustement emprisonnés suite à une enquête bâclée par trois colonels du DRS à l’origine d’un scénario machiavélique pour dérober à des manutentionnaires privés un marché de 12 millions d’euros.
Après plusieurs années d’une rude bataille judiciaire, ce procès s’ouvrira dans le sillage de l’arrêt de renvoi de la Cour Suprême d’Alger qui a reconnu officiellement que les faits reprochés aux victimes de cette affaire ne s’appuient sur aucun élément concret. Pire, le rapport de la Cour Suprême reconnait des anomalies et des irrégularités dans les procès précédents qui ont condamné à la prison les victimes de cette affaire. Celle-ci pourrait bien inaugurer le cycle de réhabilitation des cadres injustement emprisonnés promis par Amar Saâdani, le patron du FLN.
Selon plusieurs sources au coeur du sérail algérien, le procès de Tizi-Ouzou sera le premier vrai test du clan présidentiel d’Abdelaziz Bouteflika. Après avoir détrôné le général Toufik, la présidence ira-t-elle jusqu’au bout dans sa nouvelle redistribution des cartes en réhabilitant les victimes des pratiques des anciens officiers du renseignement militaire ?
Le général-major Tartag, nouveau patron du DRS restructuré, va-t-il collaborer avec la Justice pour inculper Llex-colonel Lahlou dit Sofiane et tous les autres officiers impliqués dans l’emprisonnement de citoyens innocents ? Qu’en est-il du sort de Belkacem Zoghmati, l’ancien magistrat de la Cour d’Alger qui avait condamné à la prison les victimes de l’affaire du Port d’Alger sans que leur culpabilité ne soit démontrée ?
Autant de question que le tribunal e Tizi-Ouzou devra résoudre. Une nouvelle page de l’histoire algérienne pourrait s’écrire. Tout dépend désormais du courage politique d’Abdelaziz Bouteflika et de son entourage.