Quand la Stasi voulait recruter Angela Merkel

Quand la Stasi voulait recruter Angela Merkel

La chancelière, qui a grandi dans l’ex-RDA, a dévoilé comment les services secrets avaient cherché à en faire une espionne lorsqu’elle était étudiante.

Rattrapée par le passé, Angela Merkel vient de lever, pour la première fois, un coin de voile sur sa jeunesse à l’époque de l’ex-RDA. Première femme à avoir été élue au poste de chancelier, mais aussi première chef de gouvernement issue de l’ancienne Allemagne de l’Est, Merkel a ainsi révélé que la Stasi, la police secrète du régime communiste, avait tenté de la recruter lorsqu’elle a sollicité un poste universitaire : elle a précisé avoir décliné l’offre d’emblée.

Interrogée dans le cadre d’une émission sur la chaîne publique ARD, Angela Merkel a raconté avoir été approchée après un entretien d’embauche pour un travail d’assistante de physique – sa spécialité – à l’université technique d’Ilmenau. Au terme de son entretien, on la conduit dans une pièce où elle est censée se faire rembourser ses frais de déplacement, mais un officier de la Stasi l’y attend et lui propose de «collaborer». Fille d’un pasteur protestant, la chancelière raconte avoir préparé une stratégie avec sa famille pour faire face à cette éventualité. «J’ai immédiatement répondu que ce n’était pas pour moi», se souvient Merkel. Elle ajoute qu’elle est incapable de tenir sa langue et qu’elle raconte toujours tout à ses amis. Sachant que le silence est une «condition de base», pour collaborer à la Stasi, elle était ainsi écartée d’emblée.

Mais elle n’obtint pas non plus le poste d’assistante à Ilmenau. Jusqu’en 1978, Merkel a étudié la physique à Leipzig, qui deviendra en 1989 l’un des fiefs de la contestation. Avant d’obtenir son doctorat à l’Académie des sciences de Berlin-Est en 1986. «J’ai choisi de devenir chercheuse dans un domaine où je n’aurais pas à faire trop de compromis, explique-t-elle. J’ai opté pour la physique parce que dans ce domaine la vérité n’est pas si simple à déformer.»

Au sauna quand le Mur tombe

En cette année de commémorations, le jugement porté sur l’ex-RDA s’est naturellement im­posé comme l’un des thèmes de la campagne électorale pour les législatives du 27 septembre. Six semaines plus tard, l’Allemagne réunifiée fêtera les 20 ans de la chute du mur de Berlin. Le régime totalitaire de RDA était-il une dictature, un État de non-droit, ou peut-on dire légitimement qu’il comportait aussi certains aspects positifs ? Pour Merkel, la réponse est «non». Ce régime se «définissait lui-même comme une dictature» et il ne pouvait donc rien avoir de positif. Même si l’on pouvait y cultiver une «amitié forte avec quelques personnes de confiance avec lesquelles on se disait la vérité».

Merkel reproche régulièrement au parti d’extrême gauche, Die Linke, qui a intégré les ex-communistes et dont plusieurs figures ont collaboré avec la Stasi, de ne pas condamner assez clairement le régime d’ex-RDA. Oskar Lafontaine, le chef de Die Linke, lui a rétorqué qu’elle n’avait pas éclairci son propre passé, notamment au sein de la FDJ, les jeunesses du Parti communiste. «Elle était responsable de la section agitation et propagande et faisait à ce titre partie des forces de réserve du parti», a fait valoir Lafontaine. La chancelière a concédé avoir été obligée de faire «certains ajustements», pour pouvoir vivre sous ce régime.

Merkel raconte aussi comment ses proches et elles vivaient sous le règne de la toute-puissante et omniprésente Stasi. Âgée de 7 ans lorsque le Mur est construit, elle se souvient des «larmes et de la peur» dans la paroisse de son père. Elle raconte avoir été «surveillée» par des camarades à la cantine universitaire. Et lorsqu’elle se rendait dans une brasserie avec des amis, elle avait pris l’habitude de tapoter la lampe en disant : «S’il y a un micro ici, branchez-le maintenant.» «Le tout, c’était de ne pas les laisser vous rendre fous !» Lorsque le Mur tombe, le 9 novembre, elle est au sauna avec une amie, «comme tous les jeudis». Mais très vite, elle ira boire une bière à l’Ouest. Et deviendra ensuite la porte-parole du Mouvement pour la démocratie.