Quand la Révolution algérienne fait chuter la 4ème République française

Quand la Révolution algérienne fait chuter la 4ème République française
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Le processus électoral de l’indépendance de l’Algérie dans une ambiance de terreur sanglante de l’OAS

Ramené au pouvoir par l’émeute des Européens d’Algérie du 13 mai 1958 à Alger qui a aboutià la chute de la 4ème République, le général de Gaulle a pour mission de mettre fin au conflitfranco-algérien. Dans un premier temps, le Général semble donner raison aux partisans d’un maintien de l’Algérie sous souveraineté française. « Je vous ai compris » lance-t-il à Alger dès le lendemain de son investiture, le 4 juin 1958, aux colons d’Algérie. Une orientation que semble confirmer la conférence de presse du 23 octobre 1958 dans laquelle le Général n’offre d’autre perspective au FLN qu’une reddition honorable, « La paix des braves ».

Le 19 septembre 1958 eut lieu l’annonce officielle de la constitution du Gouvernement provisoire de la République algérienne au cours de deux conférences de presse qui se tinrent simultanément au Caire et à Tunis. Cet acte politique majeur s’inscrivait dans la continuité de la démarche suivie par le Front de libération nationale depuis le déclenchement de la guerre de libération en 1954. La création du GPRA contribua à renforcer le sentiment national en exprimant l’existence d’un gouvernement des Algériens, représentant toutes ses tendances politiques, unies derrière la revendication de l’indépendance. Il signifiait la volonté du FLN d’afficher sa disponibilité à une solution politique à la condition de reconnaître le droit à l’indépendance du peuple algérien.

L’année 1959 constitue un tournant. Prenant acte de son échec de 1958, après que le FLN ait refusé son offre, et acculé par la résistance politique et militaire du GPRA et de l’ALN et par l’opinion internationale favorable à l’indépendance de l’Algérie, de Gaulle proclame solennellement le 16 septembre 1959 le droit de l’Algérie à l’autodétermination. Il déclara : « Une fois le cessez-le-feu obtenu, les Algériens se verront offrir le choix entre trois solutions : la sécession, la francisation complète, « de Dunkerque à Tamanrasset », ou la constitution d’une Algérie gouvernée par les Algériens, mais en union étroite avec la France ».

LG Algérie

A ce stade, de Gaulle n’accepte pas encore une Algérie indépendante, il reste favorable à un maintien de la présence française. En effet, s’il propose la « sécession », c’est pour mieux disqualifier une solution à ses yeux « invraisemblable et désastreuse ». « Les conséquences de la sécession seraient une misère épouvantable, un affreux chaos politique, un égorgement généralisé et bientôt la dictature belliqueuse des communistes », met-il en garde tandis qu’il s’engage à protéger les Algériens qui resteraient fidèles à la France.De l’autre coté, le FLN n’accepte pas de cessez-le-feu avant la signature d’un accord officialisant l’indépendance de l’Algérie après un référendum d’autodétermination.

Alors que les pourparlers FLN-Représentants du gouvernement français continuent et n’aboutissent pas à un accord, le 8janvier1961 est organisé le référendum sur l’autodétermination en Algérie. Ont voté les électeurs de la France métropole, de l’Algérie, mais aussi des DOM (Département d’Outre-Mer) et des TOM (Territoires d’Outre-Mer), qui avaient à décider du sort de l’Algérie.C’est le décret no 60-1299 du 8décembre1960 qui autorisa la soumission du projet de loi au référendum.La question posée au vote était la suivante :« Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et concernant l’autodétermination des populations algériennes et l’organisation des pouvoirs publics en Algérie avant l’autodétermination ? » Le 14janvier1961, le Conseil constitutionnelfrançais proclama les résultats définitifs.Le taux de participation est de 76 % en métropole et de 59 % en Algérie. 75 % des votants votent « oui » et 25 % votent « non ».Inscrits : 32 520 233. Abstention : 8 533 320 (26,24 %). Blancs ou nuls : 721 469 (2,22 %). Exprimés : 23 265 444

Dans la nuit du vendredi 21 au samedi 22 avril 1961, les généraux français Zeller, Challe, Jouhaud et Salan prennent le contrôle d’Alger, trois mois et demi après le référendum favorable à l’autodétermination des populations algériennes, rejoints le 23 avril par le général Raoul Salan.

S’estimant trahis par ce qu’ils considèrent comme une politique d’abandon de l’Algérie, les généraux putschistes veulent mettre fin à la politique d’autodétermination définie par de Gaulle et approuvée par référendum trois mois et demi auparavant, le 8 janvier 1961. En fait, ils veulent garder l’Algérie française. Pour la France, l’heure est grave. L’état d’urgence est institué en Algérie et le général de Gaule décide de déférer les chefs de la mutinerie à la justice militaire. Mis en échec par le général de Gaulle, leur coup d’Etat est avorté et a marqué un tournant définitif dans la guerre d’Algérie. Challe et le commandant Denoix se rendent le mercredi 26 avril, Zeller le 6 mai, mais Salan et Jouhaud entrent dans la clandestinité pour prendre la tête de l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) anti-gaulliste et anti-indépendantiste.

Le 18 mars 1962, les négociations entre la France et les représentants du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) aboutissent à la signature des accords d’Evian sur l’indépendance algérienne. Le cessez-le-feu intervient le 19 mars à midi.

Reste à mettre en œuvre le principe d’indépendance de l’Algérie. Il doit être ratifié par le peuple français. De Gaulle recourt à la consultation par référendum. Le 8 avril 1962, les Français de la métropole, à l’exception de ceux des départements d’Algérie, ont à se prononcer par référendum sur un projet de loi accordant au président de la République tous pouvoirs pour mettre en œuvre les Accords d’Evian, signés le 18 mars 1962, entre les représentants du gouvernement de la France et ceux du Font de Libération Nationale.

La question posée est : « Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et concernant les accords à établir et les mesures à prendre au sujet de l’Algérie sur la base des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 ? ».En termes plus clairs, il s’agissait d’approuver les Accords d’Evian, et leurs conséquences, dont l’autodétermination de l’Algérie, et de donner au président de la République le droit de prendre toutes mesures nécessaires à l’application des Accords d’Évian, et, en cas d’indépendance de l’Algérie, le droit de conclure tous accords avec le nouvel État.Les élections ont donné les résultats suivants :Oui :17 886 423 (90,81%). Non :1 809 074 (9,19 %). Inscrits : 27 582 072. Abstention : 6 802 769 (24,6 %). Blancs ou nuls : 1 103 806 (4,00 %). Exprimés : 19 695 497. Après cette approbation électorale des Accords d’Evian du 8 avril 1962 par les électeurs français de la métropole, l’OAS , voyant le projet de la politique de l’Algérie française lui échapper, redouble d’actions criminelles contre les civils Algériens et contre les militaires français et crée ainsi un terrorisme à Alger et à Oran, ce qui entraine une séparation totale entre quartiers européens et musulmans, et provoque un exil massif des pieds-noirs vers la métropole. Des actes de sabotages et de terre brulée de la part des membres de l’OAS sont signalés un peu partout en Algérie et des menaces d’attaques de grande envergure sont projetées par cette organisation contre les quartiers musulmans d’Alger tels que la Casbah, Belcourt et le Clos-Salembier.

C’est vers le début du mois de juin 1962 que des contacts sont établis entre l’OAS et le FLN pour négocier l’arrêt des hostilités et faire revenir la paix sur la base des Accords d’Evian du 19 mars 1962. Le 17 juin 1962, le Dr ChawkiMostefai, responsable du groupe FLN de l’Exécutif provisoire fait état d’un accord entre le Front de Libération Nationale et l’OAS sur les écrans de la station de la télévision française à Alger. L’accord est confirmé le soir même par Jean- Jacques Susini, responsable politique de l’OAS, dans une émission pirate, en direction des Européens d’Algérie. Voici les déclarations du Dr ChawkiMostefai et de Jean-Jacques Susini :

DrChawkiMostefai :«Je sais le désarroi dans lequel vous êtes. Vous vous posez des questions sur votre avenir dans ce pays, sur votre sécurité, sur le respect de votre personnalité et de votre dignité d’hommes. Ces sentiments ont été exprimés par des dirigeants des organisations syndicales et professionnelles, et en particulier par les dirigeants de l’OAS avec lesquels nous nous sommes entretenus. Et si j’ai participé à cet entretien c’est parce que son utilité a été reconnue par les dirigeants algériens dont vous entendez recevoir les assurances nécessaires. »

Jean-Jacques Susini :«Au nom du haut commandement de l’armée secrète, Jean-Jacques Susini vous parle. Algériens musulmans et européens, depuis la conclusion de l’accord du 17 juin entre le FLN et l’armée secrète, vous attendez, par delà des paroles d’espoir, de solides raisons d’espérer. Certes, vous avez souscrit aux paroles d’apaisement de part et d’autre mais pour reprendre confiance, les assurances positives vous manquaient encore. Ces assurances commencent aujourd’hui à être données. Les accords du 17 juin entrent progressivement en application. Les internés administratifs ont été libérés. Le recrutement d’une première phalange de 225 ATO européens a été décidé par l’Exécutif provisoire. Cette mesure inaugure la participation des Européens au maintien de l’ordre et constitue un premier gage de sécurité pour les Algériens d’origine européenne mais leur donne l’occasion de manifester leur loyalisme vis-à-vis de l’ensemble du peuple algérien. Un premier pas a donc été fait dans la réalisation des accords conclus. Dans ces conditions, le haut commandement de l’armée secrète vous invite, européens d’Algérie, à reprendre confiance et à répondre à l’appel que le général Salan vient de nous adresser à tous.»

Le 1er juillet 1962 a eu lieu le référendum de l’autodétermination de l’indépendance de l’Algérie, et la question posée au peuple algérien était la suivante : « Voulez-vous que l’Algérie devienne un État indépendant coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations du 19 mars 1962 ? ». Les électeurs algériens avaient à se prononcer par un « oui » ou par un « non » à cette question, en cette journée du 1er juillet 1962.

La composition du corps électoral est réglementée principalement par un décret du 19 mars 1962. Il comprend les citoyens résidant en Algérie, les citoyens inscrits sur une liste électorale en Algérie résidant hors du territoire, et certains citoyens nés en Algérie et résidant en France métropolitaine ou d’outre-mer; des militaires du contingent sont exclus du vote. Le « oui » l’emporte par 99,72 % des suffrages exprimés. Les résultats ont été les suivants: Inscrits : 6 549 736. Votants : 6 017 800. Suffrages exprimés : 5 992 115. Bulletins nuls : 25 565. Oui : 5 975 581. Non : 16 534.

Le président de la République française Charles de Gaulle déclare le 3 juillet la reconnaissance de l’indépendance de l’Algérie par la France, et celle-ci est proclamée en Algérie le 5 juillet 1962, pour coïncider avec la date du traité de capitulation du Dey Hussein le 5 juillet 1830 n

Par Rachid Moussaoui