Deux choses peuvent être dites sur la qualification des Verts à la phase finale de la Coupe du monde 2014 qu’accueillera le Brésil. L’une est bonne, l’autre mauvaise. La première, c’est que les Algériens sont capables de belles réalisations, pourvu qu’il y ait de la volonté politique. La seconde, c’est que le chauvinisme ambiant qui a entaché cette victoire est révélateur d’un malaise profond. Lecture.
La qualification des Verts au Mondial 2014 prouve bien que quand on veut on peut. On avait besoin d’une victoire à inscrire sur un bilan trop sombre, on l’a fait. Voyons un peu. Complètement à la dérive en 2011, et face aux remontrances qui commençaient à se faire pressantes, le paquet a été mis pour sauver l’équipe nationale et permettre au petit peuple de rêver. Et pas n’importe quel rêve, quand on sait le ressort quasi hallucinant qu’a le foot sur notre esprit grincheux.
Le contrat était donc clair : réussissons à créer la joie et ne lésinons pas sur les moyens. “L’argent, ce n’est pas ce qui manque, y en a pour tout le monde”, dixit le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Un coach franco-bosnien a été appelé à la rescousse à coups de milliers d’euros. On a fait appel à des joueurs d’origine algérienne évoluant dans les plus prestigieux clubs d’Europe. Une équipe “clé en main” a été importée. Certains ont tenté de saborder l’entreprise de Wahid, dès son faux pas à la CAN-2013. Mais en vain. La FAF s’est retenue de céder face aux pressions locales intéressées. On a décidé de redresser les affaires de la balle ronde et rien n’a pu se placer au travers de cette entreprise. Il aurait été risqué et hasardeux de gérer les affaires des Verts de la manière dont cela est fait dans d’autres domaines avec les résultats que l’on sait. D’autant que la personnalité d’un Halilhodzic s’y prêtait mal. Le résultat est là : les Verts ont eu leur billet pour le Brésil et les Algériens leur fête. Et là, on est tenté de poser la question suivante : pourquoi nous n’avons pas fait autant avec la santé, l’enseignement supérieur, le secteur industriel… ? Pourtant, comme dans le foot, ce ne sont pas les potentialités qui manquent et beaucoup de nos expatriés font le bonheur des économies les plus puissantes.
“C’est une question nationale”
Sauf que le foot a de ces pouvoirs que le pouvoir n’ignore pas. Le paquet a été un peu trop “mis”, les affaires des Verts étant “une question nationale”, pour reprendre encore notre Premier ministre. On a fermé les yeux sur les manquements au code de la route dont ont été responsables les supporters des Verts. Les barrages de la police et les agents de l’ordre public ont été très permissifs avec les nombreux “fans” en délit. Une sorte de surenchère qui a inhibé toute réaction de désapprobation, confondant patriotisme et m’as-tu-vu ! Alors qu’il y a eu des morts ! Enfin, un fait est à retenir et il est grave : des supporters se sont regroupés la veille du match devant l’hôtel où était hébergée la délégation du Burkina Faso. Sous l’emprise certainement de la fièvre ambiante, ils se sont livrés en toute impunité à du tapage nocturne. Nul n’a été emmené au commissariat d’à côté pour être interrogé et répondre de ses actes. Car il faut dire qu’il s’agissait d’une agression envers une délégation hôte et une atteinte autant à la loi qu’à notre image. Et là, c’est notre légendaire sens de l’hospitalité qui en a pris un coup. Un comportement similaire à celui dont nous avons été victimes au Caire, chaudron du chauvinisme à cette époque. Le parallèle ne s’arrête pas là, car enfin, les événements ayant marqué cette qualification historique des Verts au Mondial 2014 prouvent aussi que ça va mal en Algérie. Un peu comme dans l’Égypte d’un Moubarak en fin de règne.
F. M.