Bouleversement géostratégique et énergétique
La quasi-totalité des placements des réserves de l’Algérie, soit 90%, sont répartis entre les États-Unis et l’Europe.
Maintenant que la situation se gâte un peu plus, la logique voudrait qu’on se rabatte sur nos «économies». Les crises financières et budgétaires des Etats-Unis et de l’Europe ont suscité une réelle inquiétude chez bon nombre d’Algériens.
D’aucuns s’interrogent sur la fragilité de ces réserves de change placées à l’étranger. Non seulement les marchés mondiaux se dirigent vers une hyperinflation, l’AIE prévoit l’effondrement des cours du baril, dans son dernier rapport. Or, le matelas financier de 200 milliards de dollars semble peu ou prou nous échapper. L’Algérie qui souffre de la baisse de production et de l’absence de stratégie économique court un grand risque. Il est à relever que la quasi totalité des placements des réserves de l’Algérie, soit 90%, sont répartis entre les États-Unis et l’Europe.
Selon plusieurs économistes, il s’agit là du plus mauvais placement. Les conséquences du bouleversement stratégique mondial sur les pays exportateurs de gaz et de pétrole ne saurait être que catastrophique. D’ores et déjà, des craintes sont exprimées, car dans le meilleur des cas «les avoirs à l’étranger peuvent perdre 30 à 50% de leur valeur réelle, car il faut mesurer cet argent en fonction de son pouvoir d’achat», explique Sofiane Djilali président du parti Jil Jadid.
Les interrogations de l’opinion publique sur l’opacité de la gestion de ces avoirs demeurent entières. Le Ministre des Finances a déclaré récemment: «Nos placements sont sécurisés sur trois plans: leur capital est garanti, ils sont couverts contre les risques de change et ils sont liquides, c’est-à-dire que nous pouvons les retirer à tout moment», ne rassurent en rien en ces temps de crise financière, tous azimuts, disent les experts et les économistes.
Selon Sofiane Djilali, «l’Algérie aurait acheté des Bons du trésor américain, à faible revenu, induisant en réalité une perte de valeur, puisque le taux de rémunération de ses obligations sont plus faibles». Nos avoirs sont, malgré les démentis de M.le ministre des Finances, «en danger». Il est, d’ores et déjà, illusoire de penser tout récupérer (sain et sauf), dit-il.
Or, il n’y a plus aucun doute que la valeur du dollar va baisser inéluctablement et de façon importante. Les Etats-Unis (comme la plupart des Etats européens du reste) sont surendettés. De ce fait, explique-t-on, le monde s’oriente vers une récession désormais inévitable, longue, intense et probablement avec beaucoup de troubles sociaux et politiques. Alors pour ne pas déclarer la faillite, la dévaluation de la monnaie par l’inflation devient la seule issue. «Le dollar devra ainsi perdre jusqu’à 30% de sa valeur pour rééquilibrer les déficits et diluer du même coup les créances détenues dans le monde (Chine, Japon etc.). Autrement dit, pour acquérir un quelconque bien, qu’il soit industriel, alimentaire ou autre, il faudra débourser, dans ce cas, 30% de plus. Ce qui revient à dire que nos avoirs en dollar auront perdu 30% de leur valeur», explique Sofiane Djilali.
Dans ce contexte, seule une partie, soit 40% de nos avoirs, bénéficierait d’une relative sécurité. Ce qui en soi est déjà «troublant», indique-t-on. Pourquoi alors ne pas avoir sécurisé 100% de nos avoirs?, s’interroge-t-on. De même, en diversifiant nos avoirs sur deux principales monnaies (dollar et euro), ne constitue, aucunement, une garantie en cas de fluctuation de change, ou une monnaie gagnant en valeur ce que l’autre perdrait. Cependant, l’euro est tout aussi gravement malade que le dollar. Autrement dit, miser sur le dollar et l’euro à la fois est un mauvais choix qui aggravera notre fragilité et ne peut en aucun cas garantir «le taux de change». De ce fait, certains hommes politiques avancent que soit on a fait preuve d’aveuglement, d’incompétence, soit d’un choix délibéré en contrepartie d’un soutien politique de la grande puissance.
Les réserves de change sont de l’ordre de 200 milliards de dollars à fin 2012, dont 3 milliards en DTS (droits de tirage spéciaux détenus auprès du FMI), plus les 5 milliards de dollars prêtés récemment à cette institution sans compter les 173 tonnes d’or. A ce propos, le Pr Abderrahmane Mebtoul, qui met en garde contre l’illusion d’une aisance financière, dira que «le niveau des réserves de change n’est qu’une richesse virtuelle». Selon cet expert, le danger pour l’économie nationale pour les années à venir réside dans le retour de l’inflation. Le risque que courent les réserves de change algériennes, souligne-t-il est leur investissement dans des pays comme la Grèce, l’Italie, le Portugal ou l’Irlande, qui sont, soit en faillite, soit menacés de l’être.
Ainsi, le placement en bons du Trésor américain n’est pas sans risque. Il n’est pas exclu que les Etats-Unis se déclarent en faillite.. Dans cette logique de crise, faillite et récession, l’Algérie risque de perdre sinon la totalité, une bonne partie de ses placements qu’elle détient en obligations souveraines, en cas de faillite des pays comme l’Italie, l’Espagne et le Portugal.
A titre d’exemple, la réserve fédérale américaine (FED) qui achète des bons du Trésor a recours à la planche à billets en imprimant plus de 85 milliards de dollars chaque mois. Le Japon a opté pour la même politique. Enfin, officiellement, la gestion prudente des réserves de change du pays (plus de 200 milliards de dollars) se fonde sur trois critères: la préservation de la valeur du capital, la couverture contre les risques de change par le maintien, notamment d’un portefeuille diversifié et leurs liquidités, c’est-à-dire qu’elles peuvent être retirées à tout moment, selon le grand argentier du pays, Karim Djoudi.