Promotion des exportations hors hydrocarbures : les ratés de l’intégration régionale

Promotion des exportations hors hydrocarbures : les ratés de l’intégration régionale
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«Si nous n’avons pas signé l’accord d’association avec l’Union européenne, nous aurions peut-être achevé le processus d’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce», a estimé M. Mohamed Bennini, DG de l’Agence nationale de promotion du commerce extérieur (Algex), en marge d’une journée d’étude sur le commerce extérieur et l’appui aux exportations hors hydrocarbures, tenue jeudi dernier au palais de la culture Malek-Haddad de Constantine.

D’après ce responsable, les négociateurs algériens se retrouvent dans une situation politique gênante : «Accorder plus de privilèges aux Américains au sein de l’OMC inquiète les Européens. Favoriser ces derniers, eu égard de cet accord d’association, suscitera les réserves des concurrents américains…». Le processus n’a pas été gelé mais, ajoutera-t-il, du moment que son adhésion est volontaire, l’Algérie a préféré observer une «pause», compte tenu du contexte économique mondial tendu. Le ministre du Commerce, M. El Hachemi Djaâboub, qui a précisé à l’occasion d’une sortie médiatique récente que l’Algérie répondra incessamment aux requêtes de l’OMC sur les points encore en suspend, a, cependant, annoncé la couleur : pas de concessions et les orientations économiques «protectionnistes », contenues dans la loi de finances complémentaire 2009 sont irréversibles.

En tout cas, l’accord d’association avec l’Union européenne, continue d’expliquer M. Bennini, ne profite pas assez aux opérateurs économiques algériens et pour cause, illustrera-t-il, l’accord d’association (2005) ne décrète pas les exonérations fiscales négociées en 1996 sur, à titre d’exemple, les produits agricoles, agroalimentaires ou autres d’artisanat algérien. Des charges qui s’ajoutent à celles liées aux défaillances de la chaîne logistique et son corollaire de surcoût du transport, aux procédures bancaires dissuasives… «Ces défaillances pèsent de la même manière sur les opérations d’importation, sauf qu’en Algérie, nous avons l’impression que personne ne se soucie de la répercussion des coûts sur le consommateur.

Cependant, en Europe ou ailleurs, de tels surcoûts font perdre à nos producteurs leurs avantages comparatifs et les découragent à exporter leurs marchandises», analysera-t-il. Selon M. Bennini, pour qui des décisions courageuses s’imposent afin d’alléger la facture à l’export, le surcoût du transport est dû essentiellement à l’insuffisance des dessertes maritimes et aériennes disponibles à travers les réseaux des compagnies algériennes de transport, y compris à l’intérieur du pays, et aussi le Fonds spécial de soutien aux exportations ne subventionne plus les frais du transport comme avant (de 50 à 80 %, selon le produit). Depuis 2004, précisera M. Bennini, ledit fonds n’assume que 25 % des frais, ce qui est, à ses yeux, insuffisant surtout pour les produits périssables comme les produits agricoles.

LG Algérie

Autre contrainte, épineuse soit-elle, la législation sur le change et le crédit n’est pas si souple, jaugera-t-il, pour faciliter l’ouverture de représentations commerciales à l’étranger, des bureaux ayant pour mission d’assurer une présence permanente sur les marchés potentiels. Il énumèrera, néanmoins, les missions de son organisme et les mesures dont peuvent bénéficier les exportateurs potentiels algériens dans une conférence intitulée : «La présentation de l’Algex, son rôle et son appui aux exportations hors hydrocarbures et le cadre incitatif à l’exportation.»

Ainsi, il a évoqué le soutien en matière de participation aux foires et autres manifestations économiques mondiales, l’étude du marché et la prospection des marchés. Des opérations que l’Etat, via l’Algex, assume entièrement pour certains domaines de production. M. Bennini, qui considère que la structure traditionnelle des exportations algériennes basée sur les produits primaires et les demi-produits n’a pas évolué en dépit des avancées réussies dans certains domaines de transformation (pétrochimie, mécanique, pharmacie, cosmétique…), a indiqué que des débouchés à ces produits existent notamment à l’échelle régionale.

Le problème, selon ses termes, réside dans le manque de visibilité des opérateurs algériens, le manque d’information et aux retards accusés dans l’intégration économique. Dans ce sens, il quantifiera, en faisant référence à une expertise de renommée mondiale, le manque à gagner lié au problème d’intégration au sein de l’Union du Maghreb arabe (UMA) à au moins deux points supplémentaires par an (2 %) en terme de croissance. En 2008, les exportations algériennes hors hydrocarbures n’ont pas dépassé les 1,15 milliard de dollars américains, soit une couverture en devises de 20 jours seulement à l’import au moment où les importations ont atteint les 37 milliards de dollars américains. 60 % de ces échanges s’effectuent avec les Européens.

Garantie des exportations, de nouveaux produits d’assurances

En amont, l’on constate plutôt la frilosité du secteur privé conjuguée par un taux d’investissement des plus faibles et un système bancaire obsolète. Les banques, en surliquidités, ne prêtent pas aux petites et moyennes entreprises (elles n’accordent des crédits qu’aux «gros» clients), faiblesse des autres canaux de financement comme l’emprunt obligataire (la dernière opération, celle dirigée par le Groupe Dahli pour financer le projet d’Alger Médina, fut un fiasco). De plus, le manque de confiance engendré par la crise économique mondiale ne favorise pas l’accès aux financements étrangers. Les multinationales ont revu leurs plans expansionnistes et les investissements directs étrangers (IDE) ont baissé considérablement. La croissance continue à être tirée par les dépenses publiques. En témoignent les budgets colossaux engagés dans la construction de l’infrastructure du pays.

La loi de finances 2010 en prévoit encore la mobilisation de plus de 3 000 milliards de dinars (30 milliards d’euros). Une dynamique qui ne profite malheureusement pas aux entreprises algériennes, en manque de compétitivité. Dans ce contexte, la Cagex (Compagnie algérienne d’assurance et de garantie des exportations) a lancé, selon son directeur commercial, M. Akli Saim, deux nouveaux produits pour encourager les opérateurs algériens à se lancer notamment sur les marchés de la Zone arabe de libre-échange et redonner confiance aux banquiers pour financer les opérations d’import-export.

En l’occurrence, la police d’assurance aux investissements et la police d’assurance au crédit documentaire. Ce deuxième produit, destiné aux banquiers, garantira les transactions qui se font par crédit documentaire, mode de payement le plus sécurisé jusqu’à l’avènement de la crise économique mondiale et la vague des dépôts de bilans affectant les banques confirmatives. Une garantie contre les mauvais payeurs qui profitera de facto aux exportateurs puisque, argumentera-t-il, une faillite sur trois de par le monde est due à un mauvais payeur d’autant que 25 à 50 % de non-paiements sont posés par des clients stables et connus (en cas de conflits armés, dépôts de bilans…). Selon M. Saim, la police d’assurance du crédit documentaire, facultative soit-elle, encouragera les banques à se lancer dans l’aventure aux côtés de l’exportateur algérien pour qu’il ne rate pas des marchés.

Ce faisant, M. Bennini a conseillé qu’il est «préférable» pour les exportateurs algériens qui ne peuvent négocier, à l’instant, en position de force pour les raisons connues, de ne pas exiger le crédit documentaire comme mode de payement. Conclusion : la mise à niveau des entreprises algériennes s’impose pour, d’abord, améliorer leur compétitivité sur le marché local et se lancer, ensuite, dans l’export.