Cette stratégie sera ce qu’elle sera, il appartient à l’entreprise elle-même de la concevoir et de la mettre en exécution
Un ministre n’a jamais eu parmi ses prérogatives de faire du marketing ou des campagnes promotionnelles d’une entreprise quelconque.
La différence entre un parti politique et un ministère, c’est que le premier n’engage que ceux qui le dirigent alors que le second engage l’Etat et le pays. Cette différence, si grande pourtant, semble totalement ignorée par certains des nôtres, ceux qui décident pour un secteur comme s’ils décidaient pour leur propre épicerie ou pour leur partie.
Dans un ministère, on ne fait ni «boulitique» ni campagne de séduction aux frais du citoyen.
Malheureusement, c’est sur cette voie que s’est engagé Ghoul lorsqu’il a annoncé des décisions portant sur les prix des billets d’Air Algérie. Une action qui, en plus d’être nuisible sur tous les plans, vient confirmer la gestion anarchique des secteurs de notre économie et souligner, une fois encore, l’incompétence qui mine notre avenir après avoir détruit notre présent.
Une action politiquement nuisible
Lorsqu’on voit qu’un ministre des Transports se mêle des tarifs promotionnels d’une compagnie comme Air Algérie, la première question que l’on devrait se poser est la suivante: au nom de quoi le fait-il? Un ministre n’a jamais eu, parmi ses prérogatives, de faire du marketing ou des campagnes promotionnelles d’une entreprise quelconque dût-elle relever de son secteur comme c’est le cas ici. Toute action du genre représente une ingérence dans les affaires d’une entreprise économique et donc une mauvaise compréhension du rôle du ministre par ceux qui la commettent. Par ailleurs, une telle décision devrait être annoncée par le P-DG d’Air Algérie lui-même et, de ce fait, on se demande pourquoi est-ce que le ministre s’en est accaparée? Est-ce pour marquer des points en tant que personne ou en tant que président de parti? Cette «khalouta» qui veut qu’un ministre décide dans ce qui n’est pas de son ressort ou qu’il s’approprie une décision qui ne relève pas de lui est, convenons-en, tout à fait nuisible à l’image des institutions de l’Etat.
Une action socialement nuisible
Ce que vient de faire Ghoul est une action socialement nuisible parce que «résider hors du pays est un choix personnel qui s’assume. Ce n’est pas aux compatriotes restés au pays de porter le chapeau »» (L’Expression du 16 juin 2014) et il n’existe, de ce point de vue, aucune justification pour décider un jour, sur un coup de tête ou pour une promotion de l’image personnelle, de réduire des prix pour une partie des Algériens qui n’est forcément pas la plus démunie. Ceci donne lieu à un sentiment d’injustice vécue par le reste de la population et qui, en plus, doit être payée de sa poche.
Lorsque les actions d’un chef de parti ne sont pas bien réfléchies, elles se répercutent sur son propre parti, mais les décisions d’un ministre lorsqu’elles sont improvisées ou mal préparées, elles ont toujours pour conséquence de nuire aux citoyens et donc, forcément, au pays. Voilà une autre différence que certains ne doivent jamais oublier.
Une action stratégiquement nuisible
Mais pour la compagnie Air Algérie, elle-même, une telle décision de réduire les prix au moment où toutes les compagnies concurrentes augmentent les leurs à cause de la demande estivale incompressible, est tout simplement une aberration, un non-sens, voire une absurdité. Les dégâts qui en découlent ne peuvent être que trop importants. Nous avons eu à dire, en d’autres occasions, qu’Air Algérie se doit de réfléchir à une stratégie qui lui permette de trouver la place qui devrait être la sienne au niveau régional et mondial. Cette stratégie sera ce qu’elle sera, il appartient à l’entreprise elle-même de la concevoir et de la mettre en exécution et nous sommes convaincus qu’à Air Algérie, on sait faire la différence entre une décision politique et une décision stratégique et entre une bonne et une mauvaise stratégie. Ce dont a besoin Air Algérie pour faire face à la concurrence féroce dans son secteur, c’est de décisions stratégiques qui prennent en compte les facteurs environnants, les ressources de l’entreprise, sa vision, sa mission et les tendances à venir. C’est de décisions courageuses, certes, mais aussi ambitieuses et portées par une volonté de gagner et une hargne de vaincre les concurrents qu’Air Algérie a besoin. Accorder des réductions (et quelles réductions donc!!!) pour permettre aux émigrés de rentrer au bled faire leur Ramadhan et passer leurs vacances est une idée, certes, pleine de générosité et de bonté, mais au risque de déplaire à certains, on ne fait pas d’aumône et l’on ne manifeste pas sa générosité avec l’argent des autres. Toute décision marketing se doit d’avoir ses effets sur les clients et ses retours pour l’entreprise et, mieux encore, ces retours devraient être supérieurs aux coûts générés par la décision elle-même. Or, qu’apporteraient les réductions que l’on dit accordées pour cet été aux émigrés? Normalement rien, et absolument rien parce que, dans les périodes normales, ces émigrés fuient Air Algérie pour ses casseroles incroyables et non seulement pour ses prix. Les retards considérables, la qualité des services qui repousse, les prix anormaux par rapport à la concurrence, la mauvaise organisation de la représentation d’Air Algérie à l’étranger etc… sont autant de facteurs qui découragent de consommer du «Air Algérie» et, de ce fait, réduire uniquement les prix est comme dit le proverbe «donner un coup d’épée dans l’eau».
Si, en plus, c’est le ministre lui-même qui annonce la décision, cela veut simplement dire que c’est une décision politique, prise sans considération de la performance de l’entreprise et qu’Air Algérie doit encore attendre car elle n’est pas du tout prête pour affronter ses concurrents. Ceci posera un jour la question de sa survie!
Il suffit de regarder autour de nous pour voir que des compagnies aériennes, qui ne sont pas suffisamment performantes, sont acculées et poussées à quitter le marché. Forcer Air Algérie à prendre des décisions comme celle relative à cette baisse injustifiée des prix, c’est amputer sa performance et c’est aussi la jeter à la merci des concurrents qui n’en demandent pas plus. Est-ce une volonté de casser l’entreprise publique Air Algérie ou bien est-ce dû simplement à un manque de discernement de ceux qui lui ont porté ce coup? Peu importe, l’essentiel est de savoir que des comportements pareils devraient cesser car, en réalité, Air Algérie peut et doit prendre son destin en main, mais pour cela, il faut que l’on lui laisse les mains libres et que les ministres qui se succèdent à la tête du secteur se contentent de faire de la politique et, seulement, de la politique.