Hier, vers 6 heures, les services de police ont eu des difficultés à se rendre au quartier du Bois des pins à Hydra (Alger) pour y déployer un dispositif de sécurité. Ils étaient loin de se douter que la chaussée était enduite de graisse sur laquelle les camions ont patiné. Ils ne durent leur salut qu’au P/APC qui dépêcha des camions pour y déverser du sable.
Les citoyens du quartier s’opposent à la destruction du bois mitoyen à leur cité et la construction à sa place d’un parking automobiles à étages. Il est 8h00 lorsque les camions de police arrivent sur les lieux où des jeunes les attendaient derrière des barricades. En quelques minutes, la situation s’est détériorée, à telle enseigne que des blessés ont été enregistrés des deux côtés.
Si les policiers étaient blessés par les projectiles lancés par les citoyens, les locataires, eux, étaient traumatisés par les tirs et les propos obscènes employés par certains policiers. Lors de l’assaut, plusieurs policiers ont été blessés par des pierres et autres objets lancés par les protestataires à partir des terrasses au son des youyous.
Pour accéder aux terrasses, les policiers ont dû défoncer les portes barricadées. «Je ne comprends pas pourquoi ils ont défoncé les portes des habitations et saccagé les compteurs électriques», rage une vieille femme qui crie au scandale. «Gouverner, c’est prévoir et surtout prévenir», dira une ancienne moudjahida qui «dénonce le silence du wali et la hargne des policiers».
Vers 10h30, un calme précaire est revenu et seuls les membres du comité des sages ainsi que les policiers étaient sur la chaussée parsemée de projectiles et autres objets. Des cartouches de fusils à pompe, des billes en acier et des plombs jonchaient le sol parmi les pierres et les autres objets lancés par les contestataires.
Non loin des barricades dressées par les citoyens, des pneus consumés dégageaient de la fumée. Au même moment, les deux personnes arrêtées dont le porte-parole du comité des sages et qui observent une grève de la faim étaient présentées devant le procureur de la république.
Ce n’est que vers 11h00 que les engins de l’entreprise chargée de la réalisation du parking investirent les lieux pour entamer les travaux de terrassement. Curieusement et en dépit du fait que les membres du comité ont introduit une plainte en référé près le tribunal administratif de Bir Mourad Raïs, les travaux n’ont pas cessé.
Le calme est revenu progressivement et les coursives des immeubles étaient devenues des endroits de repos pour les milliers de policiers qui s’y étaient affalés. «Nous avons reçu des instructions pour arrêter toutes les personnes suspectes qui sortiraient des immeubles», révèle un des policiers. Après les émeutes, c’est le moment des représailles.
Les locataires en sont conscients, mais sur quelles preuves tangibles pourront opérer les policiers alors que la majorité des résistants sur les terrasses portaient des masques et des cagoules ? Vers 14h00, nous sommes informés de «l’interpellation du jeune Rouabeh Kamel, venu du bled sur invitation de ses parents qui résident au bois des pins».
Des fenêtres fusaient des cris et menaces : «Nous vous donnons rendez-vous la nuit», lançaient les protestataires sur un ton de défi. Au même moment, les engins entamaient les travaux sous le regard désolé des habitants du quartier.
Par D. Mentouri