L’affiche du film Sea Shadow
Contemplatif et lumineux est son deuxième long métrage qui prend le temps de la respiration pour dépeindre avec poésie l’amour naissant chez l’adolescent.
Comment filmer l’amour naissant chez les jeunes émiratis sans tomber dans le cliché et le démonstratif, mais rester toujours dans la pudeur et la fraîcheur que peut suggérer un tel sentiment? Tel est le thème central que développe le cinéaste Nawef El Djanahi, véritable enfant du Festival d’Oran du film arabe pour l’avoir vu grandir (façon de parler) en le fréquentant assidûment, quasiment depuis ses débuts. Le défaut d’un spectateur parfois est de vouloir intellectualiser un plan et de tenter d’en extraire ou le traduire par un message alors qu’il suffit de se laisser porter par l’histoire aussi complexe soit-elle.
Car le cinéma n’est rien d’autre que ça. Dans Sea Shadow, deuxième long métrage du réalisateur Nawef El Djanahi,, le récit se déroule dans une région campagnarde avec comme protagonistes des personnages qui évoluent dans un milieu conservateur. Apres la mort de la mère, le père qui élève seul ses deux filles sombre dans le silence. Dur face à ses enfants, il impose une forme d’autorité sans pour autant communiquer avec ses enfants.
Dans cette cité populaire où l’existence semble morne, des adolescents feront à leur manière l’expérience de l’amour sentimental en s’aventurant dans ce terrain vierge sans connaître même déjà la couleur de son goût. Au rythme des conventions sociales, la jeune Kaltoum et son cousin Mansour, tout deux âgé de 16 ans, se connaissent par le biais du cercle familial. Si au départ Mansour commence à se demander c’est quoi l’amour et comment sait-on surtout qu’on est amoureux en pensant à Kaltoum, son attention est vite accaparée par une autre belle jeune fille, fortunée. Epris par son charme enjôleur, grande est sa déception quand il la verra sortir de sa maison en robe blanche… Distrait, le garçon ne sait plus où donner de la tête, lui qui voulait offrir une gourmette à sa cousine puis un parfum et des CD à l’autre…
L’adolescent veut plaire, séduire, éprouver de l’amour à l’âge ingrat où le coeur se met en émoi. Mais à côté de cette gentille histoire, Kaltoum cache un secret. Le coiffeur de son père, un Indien vraisemblablement, a tenté d’abuser d’elle. Ayant honte comme les filles de son âge, Kaltoum ne dit rien à son père jusqu’à l’arrivée de son grand frère parti vivre à Dubaï. C’est ce dernier qui ira venger l’honneur de sa soeur.Le poids des traditions étant dur, Kaltoum tente de se suicider, mais elle est empêchée par sa jeune soeur.
Un drame que le réalisateur souligne avec intelligence et qui témoigne ô combien de la difficulté des filles de dénoncer leurs agresseurs, surtout dans les pays arabes par peur du scandale. Au-delà de l’histoire toute naïve que tisse Nawef el Djanahi autour de ce groupe d’adolescents en mal d’amour, y compris paternel, il convient de mettre en exergue le rythme des plus doux qui caractérise le film.
A l’ombre de la mer. Aussi, son aura contemplative nous fait immerger dans l’âme tourmentée ou sereine de ces jeunes gens en pleine méditation devant l’écume de la mer. Sea Shadow nous plonge finalement dans les tréfonds abyssaux de l’humain rappelant la sagesse des anciens qui affirmaient que le bonheur se trouve souvent à notre porte, près de soi. Un peu nostalgique dans ses propos, le réalisateur a avoué que ce genre d’endroits tend aujourd’hui à disparaître car englouti par la modernité galopante des villes comme à Dubaï où la simplicité de la vie et des sentiments a été détrônée par la cupidité, l’envie et le profit. «Qui voudrions-nous qu’on soit?» se demande le réalisateur qui se plait toujours à dénoncer à travers ses films l’excès du développement technologique qui érige des barrières et accule l’individu à la solitude.. Son film n’est peut-être pas si naïf que ça… Sorti en 2011, il a eu le temps de faire la tournée des festivals internationaux avant de sortir bientôt en DVD.