Est-ce que la simple évocation aujourd’hui du projet de construction de 100 locaux commerciaux par commune équivaut à ouvrir les yeux sur une profonde déception réduisant à néant les espoirs nourris par des centaines de milliers de chômeurs quant à s’offrir un emploi réglementé et plus ou moins stable ?
La question se pose avec acuité d’autant plus que le délai accordé pour la consécration de cet objectif faisant l’objet d’une directive du président Bouteflika du temps de son second mandat a abouti à son échéance. Or les communes d’Algérie où il y a eu effectivement réalisation de cette centaine de locaux à même de réduire un tant soit peu l’ampleur du chômage sont vraiment minimes et leur nombre est insignifiant comparativement au nombre global des APC que compte le pays.
Le président de la République avait pourtant martelé à l’intention des cadres de la nation lors de la rencontre gouvernement-walis tenue en 2006, la nécessité «de parachever dans l’urgence le programme de 100 locaux par commune», avait souligné le chef de l’Etat, sans omettre de mettre l’accent sur les objectifs gagés de cette initiative en matière de lutte contre le chômage.
Cinq années après, cette interpellation ne manquant point de solennité du premier magistrat du pays, qu’en est-il réellement du constat à établir de cet ambitieux programme se fixant, rappelons-le, comme principal objectif la création de quelque 300 000 postes d’emploi à travers tout le pays au profit des chômeurs âgés entre 18 et 50 ans, soit une moyenne de deux personnes par local ?
De l’opacité et beaucoup d’écart entre deux APC d’une même wilaya
En guise de réponse à cette question, nombreux sont les observateurs qui pointent du doigt l’opacité caractérisant la réalisation de ce programme dans plusieurs communes du pays, tout en émettant des doutes au sujet de son impact en matière de création d’embauche. «Il est vrai, la vulgarisation de ce programme à travers les médias constitue une défaillance et un grand manque à gagner.
Les gens reprochent aux APC de ne pas faire valoir les règles de la transparence autant sur les échéances de réception de ces locaux ainsi que des paramètres de sélection des futurs bénéficiaires», rétorquent de leur côté beaucoup d’élus municipaux de la wilaya d’Alger.
Ce que conforte à juste titre le vice-président de l’APC d’Alger-Centre, Hakim Bettache, sous-tendant que la population, notamment la catégorie des chômeurs, n’a eu à manifester aucun intérêt pour ce programme qu’une fois il y a eu attribution d’une trentaine de locaux commerciaux au profit de jeunes chômeurs qui ont pu créer leur microentreprise via les différents mécanismes (Ansej, Anjem et Canan) de création d’emploi.
«Ce n’est qu’à partir de cet instant que l’engouement des citoyens chômeurs pour s’octroyer un local a été des plus manifestes», appuie notre interlocuteur. Ce dernier exhibe comme une prouesse la mise en œuvre et de surcroît la consécration sur le terrain de la directive présidentielle édictant l’urgence de construire 100 locaux dans chaque commune. Pour le vice-président d’Alger-Centre, non seulement cette directive est respectée à 100% mais aussi la commune d’Alger a engagé des chantiers portant sur la réalisation d’un total de 300 locaux commerciaux.
Pour l’heure, explique M. Bettache, «le principe retenu dans l’attribution de ces locaux stiple que ces derniers sont prioritairement octroyés aux jeunes créateurs de microentreprises. Tout en rappelant que 34 locaux ont été déjà attribués dans ce cadre, le vice-président de l’APC d’Alger-Centre informe de l’installation d’une commission présidée par le wali délégué de Sidi M’hamed où sont représentés les APC d’Alger-Centre de même que des responsables des mécanismes de création d’emploi cités plus haut.
«Cette commission vient tout juste de valider quelque 78 dossiers portant sur des projets de création de microentreprises et une soixantaine de locaux seront attribués prochainement pour les initiateurs de ces projets», explique encore M. Bettache qui fait part de l’existence de plus de 1000 demandes
d’attribution de locaux commerciaux qui sont en instance au niveau de la commune d’Alger-Centre. De plus, ce qui est à retenir dans le sillage de la réalisation des 100 locaux par commune, c’est que pour le cas de l’APC d’Alger-Centre, cette institution municipale a pu dépasser les deux principales contraintes auxquelles sont confrontées la majorité des autres communes, à savoir le financement et surtout la sempiternelle problématique de la disponibilité du foncier.
Le manque d’assiette foncière et justement ce qui a empêché le lancement de projet de construction de 100 locaux commerciaux dans la wilaya de Dély Ibrahim dont les travaux ne sont pas entamés à ce jour. C’est du moins la raison évoquée par le président de l’APC de Dély Ibrahim, Kamel Hamza, contacté par nos soins. «On a l’ambition de réaliser ces 100 locaux à l’intérieur de la zone urbaine pour qu’ils puissent contribuer à la vie économique de la commune et non pas en des endroits isolés à l’extérieur de Dély Ibrahim
où ils ne vont pas servir à grand-chose. Notre ambition se heurte au manque d’assiette foncière devant permettre sa concrétisation», notera à ce sujet le P/APC de Dély Ibrahim. S’agissant de la mise en œuvre du programme de 100 locaux par commune dans la wilaya d’Alger, force est de constater que pour ce qui des APC nanties, comme Dély Ibrahim, le projet se heurte au manque du foncier. En revanche, en d’autres communes, notamment celles situées en des zones extra-muros, là où le foncier est plus ou moins disponible, c’est plutôt le financement qui pose problème.
Coût d’un local : environ 80 millions de centimes
Incontestablement, l’on ne pourra s’imprégner de l’ampleur gigantesque du programme présidentiel portant construction de 100 locaux par commune qu’après avoir été instruit du montant de l’enveloppe financière déployée par l’Etat pour cette finalité. En ce sens, le vice-président d’Alger-Centre laisse transparaître un premier aperçu à ce sujet. «Le coût d’un seul local commercial peut varier entre 60 et 80 millions de centimes», dira-t-il en précisant que le financement de ces locaux est inclus dans le cadre des PCD (programme communal de développement).
Cela dit, si le prix de réalisation d’un seul local peut atteindre les 80 millions de centimes, cela équivaut à dire que pour construire une centaine, se sont pas moins de 8 milliards de centimes qui sont nécessaires. Multipliez ce montant par le nombre de communes que compte le pays (1541) et vous aurez certainement une idée de la cagnotte déboursée par l’Etat pour doter chaque APC de 100 locaux commerciaux.
Karim Aoudia