Profond remaniement de la hiérarchie militaire en arabie saoudite : Une armée en effervescence

Profond remaniement de la hiérarchie militaire en arabie saoudite : Une armée en effervescence

Toutes ces décisions ont été prises «sur recommandation» du prince héritier Mohammad ben Salmane qui est aussi ministre de la Défense.

Le roi Salmane d’Arabie saoudite a procédé, tard lundi, à un profond remaniement de la hiérarchie militaire, avec à la clé le limogeage du chef d’état-major et la nomination de jeunes officiers, dont une femme, à des postes de responsabilité. Dans une série de décrets, le souverain saoudien âgé de 82 ans a approuvé un «plan de développement du ministère de la Défense, conformément à une stratégie de défense nationale» concoctée par son fils, le prince héritier Mohammad ben Salmane (32 ans), en charge également du secteur de la Défense, ont rapporté les médias saoudiens. Parmi les décisions les plus importantes figurent donc le départ du chef d’état-major et la promotion accordée à plusieurs officiers supérieurs qui se voient confier de nouveaux commandements. La manière expéditive avec laquelle l’agence de presse officielle saoudienne SPA a indiqué le limogeage du chef d’état-major a de quoi laisser perplexes nombre d’observateurs.

«Fin des services du général Abdel Rahmane ben Saleh al-Bunyan, chef d’état-major», a sèchement indiqué SPA, en ajoutant qu’il a été remplacé par Fayyad al-Ruwaili. On se perdait en conjectures hier quant aux raisons et aux objectifs de ce nouveau séisme dans la maison des Al Saoud, surtout qu’aucune explication officielle n’a transpiré sur les tenants et les aboutissants d’une opération dont il semble, néanmoins, qu’elle soit liée aux évènements du Yémen. Dans ce pays, en effet, l’Arabie saoudite est engagée militairement depuis déjà trois ans, à la tête d’une coalition de pays arabes et musulmans, contre les rebelles Houthis soutenus par l’Iran, mais elle peine à remporter une victoire significative. Bien au contraire, on a observé ces mois derniers une certaine tendance à l’enlisement et des signaux d’alarme ont même été donnés avec les tirs de missiles balistiques visant la capitale politique saoudienne. Première explication, il pourrait s’agir d’une transformation du tissu militaire, conséquence directe de la guerre au Yémen, si l’on se réfère au changement déjà intervenu début novembre 2017 avec le limogeage, tout aussi intempestif, du chef de la Garde nationale et du commandant de la marine qui avaient été brutalement éjectés dans le cadre d’une campagne contre la «corruption». Cette version trouverait sa consistance dans le fait que plusieurs autres mesures sont intervenues en faveur de la promotion des femmes, autorisées d’abord à conduire, puis à se rendre dans les stades et tout récemment à entreprendre sans le passage obligé par un tuteur. Toutes ces initiatives sont censées témoigner de la vision stratégique du prince héritier qui entend réformer en profondeur le royaume afin de l’ancrer au plus vite dans la modernité, quitte à bousculer les traditions ancestrales et à s’attirer la vindicte des milieux farouchement conservateurs. C’est là une approche qui donne au prince héritier une aura bien sympathique, mais dont certains observateurs ont naturellement contesté le caractère angélique. Seconde hypothèse, des intérêts et des appétits aiguisés se sont heurtés au cours des mois précédents, alors que MBS entend développer une industrie de défense nationale, pierre angulaire de sa stratégie d’émancipation dont l’Arabie saoudite a grand besoin, elle dont la survie dépend étroitement du complexe militaro-industriel occidental, voire seulement américain. Le général Al-Bunyan se trouve démis de ses fonctions au moment où il inaugurait à Riyadh un Salon militaire organisé par les Industries militaires saoudiennes (Sami). Parmi les décrets signés par le roi Salmane, il y a une série de nominations de civils qui permettent à de jeunes dirigeants d’accéder à des postes clés comme ceux de vice-ministre, gouverneurs adjoints de provinces et de conseillers à la Cour royale. Environ 70% de la population saoudienne a moins de 30 ans et le prince héritier prend en compte ce facteur tout en veillant à promouvoir des personnalités de son entourage et de sa génération. Illustration de cette nouvelle vague, la nomination de Mme Tamadar ben Yousef al-Ramah en qualité de vice-ministre du Travail et du Développement social. Elle rejoint une des rares Saoudiennes à accéder à un tel poste après Nora al-Fayez, nommée en 2009 vice-ministre de l’Éducation.Troisième et dernière hypothèse, une fronde possible qu’aurait nourrie l’arrestation de plusieurs centaines de «suspects», lors de la campagne anti-corruption du 4 novembre 2017, aurait été anticipée par MBS qui poursuit la consolidation de son emprise sur le pouvoir militaro-politique saoudien, de façon à marginaliser à l’extrême tous les rivaux et surtout ceux qui seraient tentés de contester sa montée en puissance.

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