La volonté politique existe. Les moyens financiers sont disponibles. L’adhésion des professionnels est acquise. Cela est-il suffisant pour appliquer un plan cancer aussi ambitieux soit-il ? Compte tenu des nombreux cancéreux, de différents types de cette pathologie et sa répartition à travers le territoire national, la « désorganisation » des soins prodigués jusque-là, le plan cancer sera certainement un instrument de structuration des soins. Sa réussite dépendra, sans doute, de la mise en place d’un environnement social favorable et préparé surtout dans la cadre d’un Plan sanitaire global.
La généralisation des soins à tous les niveaux et la formation massive et intense de tous les acteurs concernés par le processus thérapeutique sont des facteurs décisifs permettant à ce plan ambitieux d’atteindre ses objectifs. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, le professeur Zitouni nous éclaire sur ces aspects et bien d’autres. Un entretien chargé d’informations mais surtout porteur de grands espoirs. Un jour, c’est sûr, cette « longue et douloureuse maladie » reculera et n’aura plus nécessairement une issue fatale.
La mouture finale du plan national de lutte contre le cancer a été précédée par l’élaboration de plusieurs rapports sur la situation. Parlez-nous de ces étapes…
Pour élaborer et réussir un plan cancer, il faut très bien le préparer en amont et en aval. C’est la démarche conceptuelle logique de construction de plan que nous avons adopté. Après six mois de travail, le premier rapport d’état de situation du cancer a été remis aux autorités en juin 2013. Juste après, un nouvel élan a été donné à la lutte anti-cancer en Algérie à travers une lettre de mission détaillée qui nous a été adressée par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Avec cet encouragement et ce soutien, les mêmes groupes de travail se sont investis sur le terrain pour organiser des entrevues, des séminaires, des ateliers, des visites et des rencontres avec des responsables politiques dont une dizaine de ministres, pour faire plusieurs rapports traitant différents aspects. C’est ainsi que nous avons fait un deuxième rapport en octobre 2013 qui contenait les recommandations essentielles pour la construction du plan. C’est à ce moment-là que le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a ordonné l’élaboration du plan anti-cancer. On s’est vite remis au travail et au bout de neuf mois, nous avons élaboré le plan cancer 2015-2019, qu’on pourrait appeler, à juste titre, « le plan cancer Abdelaziz Bouteflika », comme cela se fait dans tous les pays qui ont fait un plan cancer sérieux. Ce plan, de l’avis unanime des professionnels de la santé, est une première en Algérie. Pour eux, il s’agit d’un élément très encourageant qui leur offre, pour la première fois, une feuille de route claire contenant huit axes stratégiques bien définis et qui se déclinent en 239 mesures. Sur le terrain, les professionnels de la santé, notamment les plus jeunes, ont fait preuve d’une mobilisation sans précédent pour épouser d’une manière très étroite et même s’identifier à ce qu’on leur propose dans ce plan. C’est ainsi que nous sommes arrivés à un objectif que nous n’avons jamais atteint, à savoir la concrétisation d’une volonté politique au plus haut niveau de l’Etat et qui est pérenne et une forte mobilisation sur le terrain des professionnels de la santé avec l’aide des autorités exécutives, à leur tête le ministère de la Santé. Je tiens à rappeler aussi que l’Algérie a été un peu pionnière en matière de lutte contre le cancer étant donné que le chef de l’Etat a déclaré, dès les années 2000, cette maladie comme étant un problème majeur de santé publique. Juste après, il a déclenché un certain nombre de programmes et de plans, construit des centres anti- cancer. Et c’est comme cela que nous en avons fait un chantier présidentiel d’où l’élaboration d’un plan cancer.

Finalement, quelle est la situation du cancer en Algérie ?
Ces facteurs de risque montrent que le combat contre le cancer doit être mené au niveau de la prévention. Aucun pays au monde n’a réussi à infléchir l’incidence du cancer sans l’application d’une bonne politique de prévention contre ces éléments. En Algérie, nous disposons d’un instrument de décompte presque unique en Afrique. Il s’appuie sur des registres de cancer qui sont très performants et qui, depuis 1990, sont régulièrement mis à jour pour dénombrer les personnes atteintes. Le nombre a doublé en une vingtaine d’années. Ce qui est énorme. Actuellement, 45.000 nouveaux cas de cancer sont enregistrés annuellement en Algérie avec une petite supériorité des femmes. Le cancer du sein est le plus répandu chez les femmes qui, augmente, ces derniers temps, de manière inquiétante. Le deuxième cancer, à savoir le col de l’utérus, est en train de diminuer, alors que le colorectal est en augmentation. Pour le cancer du sein, seuls le dépistage et le diagnostic précoce peuvent contribuer à arrêter sa progression. Donc, les efforts que nous fournissons actuellement visent à développement le dépistage et le diagnostic précoce.
Quels sont les contraintes qui risquent de freiner la mise en exécution de ce plan ?
Ainsi, nous avons relevé un certain nombre de dysfonctionnements qu’il faut lever à travers la réduction de la bureaucratie, avoir plus de confiance dans les compétences humaines et une plus grande rigueur dans le choix des équipements acquis. Malheureusement, jusqu’à présent, l’aspect de la ressource humaine n’a pas été pris en compte, de manière assez sérieuse.
Depuis sa publication en décembre 2014, quelles ont été les étapes franchies à ce jour ?
Concrètement, quelles sont les actions menées sur le terrain ?
Nous avons installé aussi le groupe de financement qui travaille non seulement sur le renforcement des ressources financières étant donné que l’Etat n’a pas retiré un centime de ce que nous avons demandé, c’est-à-dire 180 milliards de centimes. Et parce qu’il s’agit de la santé de l’être humain, il faut penser à rationaliser les dépenses et à gaspiller moins. L’utilisation logique de ces fonds va permettre à tout le monde d’avoir accès aux soins et de manière équitable à tous les Algériens.
Quel est l’état de la réalisation des centres anti-cancer ?
Comment peut-on régler les gros problèmes de radiothérapie posés actuellement ?
La deuxième clé est la réorganisation des circuits de soins de radiothérapie en essayant de faire un audit pour définir exactement ce qui se passe sur le terrain. C’est prévu dans le plan cancer. Le groupe de radiothérapie va organiser une conférence nationale de la radiothérapie et de la médecine nucléaire pour mettre les choses au point et améliorer les circuits des malades pour réduire les délais de rendez-vous, qui n’est pas due seulement à la qualité et au nombre des machines mais aussi à la rationalisation du circuit du malade ou ce qu’on appelle le parcours de soin des malades.
Le processus thérapeutique n’a pas évolué chez nous. Or, la médecine avance. Sommes-nous à la page ?
Le financement est l’autre point noir du traitement du cancer. Que proposez-vous ?
Quand le patient sentira-t-il les premiers résultats de la mise en œuvre de ce plan ?
Vous avez été élu à l’académie française de chirurgie. Qu’est-ce que cela vous fait ?