Produits de large consommation,Que cache la flambée des prix?

Produits de large consommation,Que cache la flambée des prix?

Les Algériens retournent chez eux du marché le couffin vide

La déstabilisation du pays risque d’arriver par le biais de la dérégulation du marché des produits alimentaires.

La hausse du prix de la pomme de terre exhale un fort relent d’intrigue politique à la faveur des élections législatives de mai prochain. Il est en effet légitime de se poser la question de savoir si cette situation n’est pas créée de toutes pièces dans le but de rééditer avec les troubles au début de l’année dernière provoquant les émeutes de l’huile et du sucre. Le fait n’est pas nouveau. La situation provoquée par le prix du tubercule a même été relatée dans les colonnes de la presse étrangère dès 2009. A l’époque, on concluait déjà que la pomme de terre allait éclipser la présidentielle de 2009. Le débat autour du prix du tubercule, symbolise la vie chère et la baisse du pouvoir d’achat. Quelques jours avant la présidentielle, il coûtait 100 dinars le kilogramme. En 2012, ce seuil est dépassé puisque les ménagères le paient à 120 dinars, voire davantage. Dans la rue, dans les cafés et même dans les médias, il n’est question que de la pomme de terre car c’est un aliment de base des Algériens, surtout des plus pauvres. Dans les villes, la contestation gronde. Comment va-t-on demander aux citoyens de voter alors que le prix du kilogramme de pomme de terre a atteint des niveaux astronomiques? Ces incitations, franches ou subliminales à la révolte, reviennent donc épisodiquement. Peu importe que le motif soit le prix de la pomme de terre en 2012 ou celui du sucre l’année dernière. D’ailleurs, ce fait est assez grave pour rester gravé dans la mémoire de Ahmed Ouyahia s’exprimant vendredi dernier à Tamanrasset en tant que secrétaire général du Rassemblement national démocratique. En abordant le printemps arabe, il a dit que «certains ont tenté de (le) provoquer en Algérie à travers la crise du sucre et de l’huile». Il ajoute que le plan a échoué «grâce aux forces de sécurité qui sont parvenues à contenir la situation». Le 5 avril dernier, il a répondu à une question sur les raisons de la flambée des prix de la pomme de terre. Ouyahia a indiqué qu’elle était due essentiellement à la spéculation qui y est pour quelque chose: les prix étant «un moyen pour accabler le consommateur». Pour lui, il existe, entre autres, un dysfonctionnement économique car les augmentations des salaires ne sont pas suivies d’une hausse de la production.

Apparemment, la leçon de janvier n’est pas retenue. Ni Rachid Benaïssa ni son prédécesseur au ministère de l’Agriculture n’ont pu assurer une production suffisante pour nourrir les Algériens. Lorsque ce n’est pas la production, le ministère avance le fait que c’est le circuit de distribution qui est perturbé. Ultime justification: c’est le mauvais temps qui entrave la récolte. Auparavant, la sécheresse entravait tout autant la récolte. Tous ces arguments ne suffisent pas pour expliquer et justifier la défaillance de toute une filière. Pour continuer à gagner du temps afin de berner les Algériens à l’infini, on fait semblant de travailler.

La dernière trouvaille dans ce domaine consiste à convoquer l’expertise internationale. C’est le nouveau passe-partout. Le ministre de l’Agriculture croit effectivement avoir trouvé la parade pour faire face aux problèmes de la production agricole en s’appuyant sur les expériences des pays étrangers et des organisations internationales. En mars et avril, il a reçu de nombreuses délégations pour tenter de bénéficier de leurs expériences. C’est le cas avec l’ambassadeur de la Pologne, Michal Radlicki, avec lequel il a signé une convention de coopération dans le domaine de la recherche. Le ministre a aussi décrié le manque de capacités humaines et de spécialistes dans l’assistance technique pour justifier ses échecs. Il a fait appel à la Banque mondiale pour l’appui d’un programme de renforcement des capacités humaines. Comment peut-on renforcer quelque chose qui n’existe même pas? Le Dr Rachid Benaissa se perd également dans le lancement d’ateliers divers et variés pour mieux faire passer la pilule à travers une communication à tout-va! N’a-t-il pas orienté son tir vers les statistiques agricoles et les systèmes d’information pour mieux nous abreuver de chiffres qui ne nourrissent pas leur homme. A quoi servent les divers fonds et systèmes de régulation instaurés par le ministère pour justement éviter des pics de prix et des pénuries? Divers offices reviennent à des milliards rien qu’en salaires et autres frais de fonctionnement sans aucune efficacité.

Cela équivaut à jeter l’argent par les fenêtres alors que les Algériens retournent chez eux du marché le couffin vide. Comme à son habitude, le ministère promet que les choses rentreront dans l’ordre bientôt. Si dans l’intervalle, de nouvelles émeutes ne finissent pas par éclater.