Production laitière en algérie : Heurs et malheurs d’une filière

Production laitière en algérie : Heurs et malheurs d’une filière

L’exploitation d’autres filières comme l’élevage ovin et caprin pourrait constituer un segment important dans l’industrie des produits dérivés comme le fromage.

Le besoin national en matière de lait est estimé à trois milliards de litres alors que la production nationale ne couvre que le quart. Raison pour laquelle, malgré d’énormes investissements consentis par l’Etat, la filière fait souvent l’actualité dans notre pays.

Souvent par les pénuries du lait en sachet et parfois par des statistiques optimistes des services concernés. Mais qu’en est-il exactement de ce dossier qui figure sur tous les tableaux de bord des politiques de développement de l’agriculture, de l’industrie et de la qualité de vie des populations. C’est aussi, un volet stratégique étant en pole position des vecteurs de sécurité alimentaire. Avec des statistiques impartiales, des avis de chercheurs et universitaires et des expériences de professionnels de la filière, nous allons tenter de percer quelques mystères et les dessous de la filière lait algérienne. La filière lait est stratégique dans la mesure où il est nécessaire, voire primordial de parvenir à une autosuffisance alimentaire. C’est une question d’indépendance, voire de sécurité alimentaire. Et les avis qui découleront de nos interlocuteurs peuvent servir à enrichir la stratégie nationale à court, à moyen et à long terme.

Un géant aux pieds d’argile

Notre quête nous mènera à rechercher des alternatives pour desserrer l’étau. L’exploitation d’autres filières comme l’élevage ovin et caprin pourrait, selon certains spécialistes, constituer un segment important dans l’industrie des produits dérivés comme le fromage, les yaourts, camemberts et autres. Bien qu’il ne puisse remplacer la vache laitière. L’Algérien est l’un des plus grands consommateurs de lait au monde avec des besoins en croissance et actuellement estimés à trois milliards de litres. Un chiffre qui dépasse de loin les capacités de production nationale d’où le recours à l’importation effrénée de lait et de poudre de lait. Cette course effrénée à la satisfaction coûte que coûte de ce besoin a fait que l’Algérie importe 20% du lait en poudre mis sur le marché mondial. La vache algérienne qui ne produit actuellement, selon des statistiques données par l’expert agronome Akli Moussouni que 4000 litres annuellement ne parvient pas encore à se hisser à la norme mondiale qui est de 8000. Avec un classement mondial de géant en importation de vaches laitières et de produits nécessaires à l’élevage, la filière lait algérienne nécessite, pour survivre, une subvention de l’Etat de 47 milliards de dinars destinée au soutien des prix du lait en sachet.

Des filières caprine et ovine est-ce possible?

De l’avis de plusieurs connaisseurs et de petits éleveurs de cheptels, il y a possibilité de développer une filière caprine surtout pour les dérivés comme le fromage et les yaourts. De petites fermes dans les montagnes peuvent jouer un rôle dans ce créneau qui ira parallèlement avec le développement d’une petite industrie, mais aussi avec le secteur du tourisme.Mais, confrontés à la réalité, les petits éleveurs déchantent comme beaucoup de villageois qui ont tout vendu du côté du massif du Mizrana. Malgré un exemple de la réussite matérialisé par le patron du groupe laitier Tifra-lait dont les débuts étaient dans la filière caprine en développant des fromages et des yaourts, il est hélas à relever que l’élevage caprin n’attire plus grand monde.

«Ici, c’est tout le monde qui se rue vers la vache laitière de l’Ansej ou de l’Andi. Des subventions alléchantes estimées souvent à 12 dinars pour le litre produit en plus du prix de sa vente. L’avis est d’un vieil éleveur de cheptel caprin qui a tout vendu après la tempête de neige de 2011. «J’ai dû tout vendre car après cette tempête, j’ai compris qu’on ne veut plus de nous dans ce pays. J’ai été abandonné durant un mois. Je n’avais plus rien à donner à mes chèvres», regrette-t-il. Heureusement que le désenchantement de certains est compensé par d’autres initiatives à l’instar de celle d’un jeune émigré, Rachid Ibersiene qui produit actuellement des variétés de fromage suisse d’une haute qualité dans son village à Tamaasit, dans la commune d’Aghribs. Un jeune dont la réussite devrait inciter les autres au retour au pays. Pis encore, non seulement, les services concernés n’ont pas développé une politique de promotion de la filière caprine, mais encore que la brebis berbère des montagnes disparaît, aucune initiative pour le renforcement, par le métissage, de la race de chèvre algérienne qui n’est pas rentable en matière de production de lait. De plus, affirme l’expert agronome Akli Moussouni, on a imposé curieusement à toute importation de chèvres européennes des conditions sanitaires exagérées qui ne sont même pas en vigueur en Europe. Ce qui a bloqué toute reproduction de ce cheptel actuellement marginalisé. Aussi, un avis semble faire l’unanimité: les pouvoirs publics sont devant la nécessité de revoir de fond en comble la filière lait. C’est une toute autre politique fondée sur l’expertise et de plus en plus éloignée de la politique d’assistanat, qui semble faire l’unanimité chez les spécialistes. C’est une question de sécurité alimentaire.