Production de tomates industrielle,Des chiffres contradictoires

Production de tomates industrielle,Des chiffres contradictoires

Aucun des chiffres de production avancés par les principaux concernés par la production de la tomate industrielle pour l’actuelle campagne n’est identique ou même proche de ceux des autres acteurs de cette filière concentrée dans les quatre wilayas de l’extrême nord-est du pays (Annaba, Skikda, Guelma et El Tarf).

Les prévisions de production diffèrent d’un acteur à un autre. Au niveau des Directions de l’agriculture (DSA) ainsi que chez les fellahs-producteurs, cette production, qui est à 80% de sa cueillette, atteindra en fin de campagne près de 2 800 000 tonnes de tomate fraîche pouvant donner plus de 65 000 tonnes de double concentré sur une surface de l’ordre de 17 000 ha. Ce n’est pas l’avis des conserveurs qui estiment que les prévisions les plus optimistes n’iront pas au-delà des 30 000 tonnes de double concentré de tomate destiné aux besoins du pays qui ne sont pas loin des 100 000 tonnes par an. Les arguments avancés par les services agricoles pour justifier cette production trouvent leur origine dans le soutien et l’effort consenti par les fellahs-producteurs. Ils avancent à ce sujet des pics dans la production ayant dépassé les 1 000 q à l’hectare en irrigué. Pour Messaoud Chebbah, président du Conseil national interprofessionnel de la tomate (CNIT) et spécialiste reconnu en agriculture en général et filière tomate industrielle en particulier, cette campagne, qui s’achève peut atteindre les 50 000 tonnes de concentré de tomate. «La campagne 2012 s’annonce bonne avec à ce jour 2 millions de tonnes de tomate fraîche déjà récoltées qui donneront près de 50 000 tonnes de concentré de tomate.» Autre problème contradictoire entre les différents intervenants dans cette filière se décline en des chiffres virtuels de production. Il est question, à ce propos, de déclarations faisant état de surfaces virtuelles cultivées en plants de tomate ou début de la campagne agricole alors qu’en réalité, elles sont beaucoup moindres. Le but : avoir le maximum de gains à travers la subvention accordée par l’Etat à hauteur de 4 DA/kilo de tomate fraîche produit. «Les subdivisionnaires des services techniques des directions locales de l’agriculture chargés des contrôles ne font pas de travail de terrain. Leur mission se limite à retranscrire fidèlement ce que les fellahsproducteurs avancent au titre de surfaces cultivées. D’où des chiffres de production nationale erronés à la fin de campagne», avancent des conserveurs consultés à ce sujet. Grâce à ce subterfuge, l’un des acteurs de la filière a perçu lors de la campagne 2011 plus de 110 millions de dinars alors que sa production n’était que de 500 tonnes, avance-t-on. Pour avoir un troisième avis, nous nous sommes rapprochés de Messaoud Chebbah. Même s’il fait observer que la mission du conseil qu’il préside se limite uniquement à la coordination et à la consultation entre animateurs de la filière, il ne s’empêche pas d’ajouter : «L’on a avancé que pour percevoir la subvention de 4 DA/kg, des agriculteurs n’hésiteraient pas à fournir des surfaces virtuelles. Mais jusqu’ici, aucune preuve n’est venue étayer pareille affirmation.» Pour mettre un terme à cela, il propose de payer les subventions au prorata de la production de concentré de tomate dûment contrôlé par les services du ministère de tutelle. Autre question qui revient encore dans les propos de certains conserveurs : l’effacement de la dette bancaire. Ceux-ci affirment que la décision du président de la République tarde à se concrétiser. Ce n’est pas le cas pour d’autres qui estiment que «l’Etat a fait de son mieux». L’autre difficulté qu’ils rencontrent. Les 22 conserveries en activité recensées en 2004, elles reprennent progressivement du service, elles sont quelque 17 conserveries pour cette campagne 2012, même si deux d’entre elles se sont prises un peu en retard. Après 2004, il y a eu la fermeture en cascade pour cause de difficultés financières de 15 unités de transformation sur les 22 qui étaient en activité les précédentes années sur le territoire national. Se traduisant ainsi par des importations massives de triple concentré de tomate notamment de Chine pour près de 70 000 tonnes. Ce qui représentait les trois quarts des besoins nationaux à l’époque. L’autre difficulté rencontrée par la filière a trait à la cueillette notamment en cette période caniculaire doublée du mois de Ramadan. D’où la nécessité absolue du recours à la mécanisation. Cependant, la machine pour ce faire est excessivement coûteuse, signale-t-on. Le souhait des concernés par cette culture est que l’Etat, à travers la banque de l’agriculture, prenne en charge l’acquisition de cet équipement mécanique en accordant par la suite des facilités de paiement étalées sur plusieurs années aux utilisateurs regroupés. D’importatrice en puissance, l’Algérie pourrait ainsi devenir exportatrice de concentré de tomate à l’horizon 2015, pour peu qu’il y ait une coordination entre les différents intervenants dans cette activité, estime-t-on dans le milieu des concernés par cette culture industrielle. Services administratifs, notamment les DSA, agriculteurs-producteurs, conserveurs, industrie d’emballage et de fertilisants ainsi que les pépiniéristes sont condamnés à se donner la main pour réussir ensemble la bataille de la production d’un condiment incontournable aux mets de la cuisine en général et algérienne en particulier. Afin de suivre la demande qui ne cesse d’accroître d’année en année, ils doivent s’entendre pour diminuer dans un premier temps l’importation ayant inondé le marché national et qui se chiffre en dizaines de millions de dinars pour ensuite l’endiguer complètement. Ce ne sera que tout bénéfice pour l’économie du pays.

A. Bouacha