Procès spécial du scandale du thon, Le juge renvoie le dossier à l’instruction

Procès spécial du scandale du thon, Le juge renvoie le dossier à l’instruction

Le scandale du thon de Annaba ne semble pas près de livrer tous ses secrets. Le juge saisi du dossier Benbakir Mostepha a rendu hier son verdict en ordonnant un complément d’information assorti d’un refus de mainlevée sur les 3 thoniers turcs arraisonnés au port de Annaba.

En prolongeant le suspense, le magistrat a satisfait à une partie de la requête principale du procureur de la République présentée la semaine dernière lors des plaidoiries. Explicite dans son ordonnance, le juge’a désigné les institutions de la douane, des transport, des garde-côtes, de la pêche et des impôts ainsi que les points qui doivent être clarifiés.

Ainsi, le magistrat instructeur à qui reviendra le dossier de l’affaire devra, selon l’ordonnance, approfondir davantage ses investigations pour mieux cerner les responsabilités des commanditaires et lever le voile sur ce scandale aux zones d’ombre multiples.

Selon d’anciens magistrats qui suivent de près ce dossier, l’instruction devra déterminer en premier lieu la quantité du thon qui aurait ou non été exportée par les armateurs turcs après la conclusion de la transaction. Il devra également s’interroger sur le dédouanement auprès de l’administration des douanes et la non-perception d’impôts auprès de l’administration fiscale. Le ministère des Transports sera aussi interpellé pour expliquer les procédures d’entrée dans les eaux territoriales algériennes et la situation juridique réelle des bateaux turcs et leur équipage mis en cause dans cette affaire.

Par ailleurs, tout en étant assez précise, l’ordonnance donne un large mandat au juge instructeur pour auditionner toutes les parties qu’il estime intéressantes. Interrogé sur cette évolution notable du dossier, Me Lezzar, avocat du directeur de la pêche – qui déclare avoir la forte conviction que ce dossier dépassait tous ceux qui étaient dans la salle d’audience – nous a affirmé : « Un complément d’information nous semble judicieux et ne peut être que bénéfique pour la manifestation de la vérité. L’affaire est en train de prendre les dimensions qui sont les siennes.

En effet, beaucoup de points demeurent obscures notamment les raisons qui ont poussé le juge d’instruction à s’arrêter au milieu du chemin. Toutes les parties citées dans l’ordonnance auraient dû être écoutées dans la première phase de l’enquête pour être cerné sous tous ses angles. » C’est dire que l’instruction de cette affaire n’a pas été menée de façon à situer « les commanditaires » et disculper « les lampistes ». Les langues se sont déliées après l’annonce de la décision du magistrat ; il a été évoqué un troisième bateau qui aurait disparu avec une quantité considérable de thon. Une cargaison qui aurait été transférée à la veille du déplacement du procureur de la République pour établir son constat sur place, alors que les bateaux turcs étaient en rade au large de Annaba.

Les garde-côtes ont-ils besoin d’un informateur alors qu’ils disposent d’équipements sophistiqués à même de connaître les moindres mouvements des navires dans les eaux territoriales ? D’autant que le SG du ministère de la Pêche a déclaré, lors du procès, les avoir saisis durant la préparation de la campagne de pêche au thon migrateur, pour les inviter à superviser l’opération mais que ceux-ci avaient invoqué un vide juridique qui les handicape.

Combien de temps les thoniers turcs sont-ils restés dans les eaux annabies avant l’intervention des garde-côtes ? Bien qu’elle dispose de possibilités juridiques et techniques pour procéder au dédouanement en haute mer. Pourquoi l’administration douanière n’est-t-elle pas intervenue ? Des interrogations et beaucoup d’autres que le juge du fond vient de rappeler au magistrat instructeur qui reprendra le dossier dans les jours à venir.

Ce complément d’information n’a pas soulevé l’objection de la défense, notamment du côté de Me Chebira Larbi, l’avocat des Turcs qui, lors des plaidoiries, a affirmé : « La requête du procureur ne me gêne pas, mais je demande, le cas échéant, la mainlevée de la saisie des bateaux. » Une demande qui, néanmoins, ne sera pas exaucée.