Procès Khalifa Bank, Les parties civiles accablent la gestion de la banque

Procès Khalifa Bank,  Les parties civiles accablent la gestion de la banque

Les avocats des parties civiles ont présenté les éléments constitutifs des dépôts de fonds effectués par leurs clients et qui, selon les avocats, ont été placés dans le seul souci de bénéficier des taux d’intérêt importants qu’offrait la banque Khalifa.

Maître Medjhouda, un des avocats de Khelifa Abdelmoumen, a indiqué, hier, en marge du procès, que Moncef Badsi a trop gaspillé d’argent depuis le lancement, en 2003, de l’opération de la liquidation de Khalifa Bank. Il estime que le liquidateur a consacré 18 milliards de centimes pour les salaires du personnel ayant travaillé dans la liquidation et que M. Badsi qui “avait refusé de céder une ambulance vétuste à un village perdu dans une wilaya de l’intérieur, s’est permis de gaspiller 300 000 euros dans les tribunaux français et britannique en se constituant partie civile afin de poursuivre Khelifa Abdelmoumen pour blanchiment d’argent”. L’avocat a qualifié cette mission de fiasco.

En effet, le procès de Khalifa Bank a débuté hier par l’intervention du président du tribunal criminel de Blida, Menouar Antar qui a tenu à préciser à l’ensemble des avocats que les questions subsidiaires ne pourraient être prises en compte durant les plaidoiries. Cette décision, rappelons-le, a fait l’objet d’une délibération tenue uniquement par l’instance judiciaire qui a débuté l’audience par les requêtes présentées par les avocats de la partie civile. Ces derniers ont juste présenté les éléments constitutifs des dépôts de fonds effectués par leurs clients et qui, selon les avocats, ont été placés dans le seul souci de bénéficier des taux d’intérêt importants qu’offrait la banque Khalifa entre 2001et 2003.

Avant le début de l’audience, Mohamed Zerguerras, procureur de la République, a annoncé au président son intention de poser quatre questions subsidiaires aux quatre accusés, à savoir Kechad Belaïd, Mir Amar, Zerouki Fayçal et Toudjane Mouloud. Car ces derniers ont été des responsables des caisses qui, selon le procureur qui évoque l’arrêt de renvoi, sont les principaux responsables de “la falsification de pièces comptables”. Khaled Achour, l’avocat de la Banque d’Algérie qui s’est constituée en partie civile contre Khelifa Abdemoumen pour falsification de l’acte de constitution de la banque et faux et usage de faux dans les procès-verbaux des caisses des agences de la banque, estime que le statut de création de la banque indiquait que Khelifa a déposé le quart du montant du capital de la banque, ce qui sera démenti par l’enquête.

Pour ce qui est de faux et usage de faux, l’avocat considère que la défense de Khalifa Bank n’a pas nié cette accusation mais a essayé de minimiser les faits retenus contre lui. “La question : est-ce que Khelifa a falsifié les documents de la gestion de sa banque ou non ? Nous allons démontrer que la banque Khalifa a caché la réalité de sa gestion catastrophique de1999 à 2002. Si la vérité de la gestion ne parvient pas à la Banque d’Algérie, comment Khalifa Bank va-t-elle prouver sa bonne gouvernance ?”, s’est demandé l’avocat qui estime que les services d’inspection ne pouvaient, en aucun cas, connaître toute la réalité de la gestion de la banque Khalifa mieux que les inspecteurs internes. “Il y a des documents de comptabilité mensuelle que Khalifa Bank n’a jamais présentés à la Banque d’Algérie. Le ratio de solvabilité n’a jamais été respecté par la banque Khalifa”, a noté l’avocat. Ce dernier, qui estime que la Banque d’Algérie veille au bon fonctionnement des banques, évoque les cinq lettres de suite adressées à Khelifa Moumen pour comprendre la gestion de la banque. “La Banque centrale ne pouvait pas s’ingérer dans la gestion de la banque Khalifa car il y a des limites pour intervenir dans une banque, qu’elle soit publique ou privée”, fait remarquer l’avocat, estimant que la banque Khalifa n’était pas en mesure de respecter la loi sur la monnaie et le crédit.

Dans sa longue intervention, le défenseur de la Banque d’Algérie a rappelé que l’agence d’Oran avait activé durant huit mois sans agrément et donc sans possibilité de déposer de l’argent à la Banque d’Algérie. “Où allait cet argent durant les huit mois ?”, s’est demandé l’avocat qui aborde la falsification des dossiers de domiciliation et des opérations dont certaines ne comportaient pas de signatures ni même de cachets. “Comment Khelifa Abdemoumen peut-il demander aujourd’hui la recapitalisation et le refinancement de sa banque alors que personne du monde des finances n’est venu le sauver de la faillite ?”, fait remarquer l’avocat qui présente tout un dossier au magistrat qui démontre la mauvaise gestion de la Khalifa Bank.

Avant de terminer, l’avocat aborde le rôle de la commission bancaire qui avait pris des mesures disciplinaires à l’encontre de Khalifa Bank pour qu’elle respecte les lois qu’impose l’instance nationale sur la monnaie et le crédit et qui n’a jamais été prise en compte par la banque Khalifa.

“Je défie quiconque de me dire que le retrait de l’agrément de la banque Khalifa n’était pas valable !”, lance l’avocat qui présente au magistrat le rapport du retrait de l’agrément tout en soulignant la gravité de ce scandale qui a noirci l’image de l’Algérie. “Fort heureusement, la commission bancaire n’a pas opté pour la cessation de paiement car c’est honteux pour une banque d’arriver à une telle situation”, ajoute l’avocat.

Intervenant à son tour, Mohamed Mataoui, avocat de l’OPGI d’Aïn Defla, annonce que l’office a fait un placement de 200 millions de dinars avec un taux d’intérêt de 10% pour une durée d’une année. L’avocat explique que la demande de retrait d’argent a été faite par un huissier de justice mais rien n’a été fait de la part de la banque. Moussa Derham, avocat de l’OPGI de Khenchela, explique aussi que son client a fait un placement en signant une convention en bonne et due forme de 37 milliards de centimes.

L’avocat avoue que l’office a retiré 12 milliards de centimes et qu’il reste 25 milliards de centimes à récupérer par le liquidateur qui en avait promis le rembourssement. Abdelkrim Aniba, la société portuaire d’Oran, explique que son client a placé son argent dans une banque agréée par l’État pour pouvoir fructifier un fonds de 60 milliards de centimes dans la banque Khalifa à un taux de 9,5 et 11%.

L’avocat estime que la banque encourage l’entreprise à augmenter le taux d’intérêt à chaque fois qu’elle fait un placement pour détourner cet argent. “Le préjudice est énorme pour l’entreprise”, note l’avocat qui cède la place à Belaïd Lyes, l’avocat de l’OPGI de Bouira. Ce dernier explique que le placement fait dans la banque Khalifa a été signé sur la base d’une convention pour 150 millions de dinars avec un taux d’intérêt de 11%. “Nous n’avons récupéré que 7,4 millions de dinars de la part du liquidateur et c’est pour cette raison que nous nous sommes constitués partie civile pour réclamer notre argent”, justifie l’avocat. Yousef Felouh, qui a pris la défense du CTC de Chlef, estime que son client qui a été victime d’une association de malfaiteurs, a perdu 183 milliards de centimes.

Le même avocat plaide aussi pour l’OPGI de Constantine qui a fait un placement de 167 milliards de centimes qui n’a pas été également remboursé. Djamila Yousfi, avocate de l’Opgi de Sétif, demande le remboursement de l’argent de l’Office car, selon elle, c’est l’argent de citoyens. “Nous n’avons aucun moyen pour nous défendre. Car nous n’avons aucune justification. L’argent se transfère d’une agence à une autre sans savoir où il va réellement. Ce n’est pas par hasard que tous les OPGI ont déposé leur argent en même temps. Chachoua et consorts sont les maîtres chanteurs de cette grande arnaque qu’a connue l’Algérie. Le préjudice que nous a causé cette arnaque est estimé à plus de 742 milliards de dinars et 50 millions qui se trouvaient dans le compte d’exploitation. Et c’est pour cette raison que nous nous sommes constitués partie civile, pour demander le remboursement de l’argent avec les bénéfices du taux d’intérêt”, demande l’avocate qui plaide également au profit d’un particulier qui avait fait un dépôt de plus de 2 millions de dinars. Aouchiche Lynda plaide au profit de la Mutuelle nationale de la DGSN, qui a fait un placement de 25 milliards de centimes avec un taux d’intérêt de 18%. L’avocate explique l’intérêt de dépôt à cause du taux d’intérêt que proposait la banque Khalifa. “Nous avons récupéré un montant de plus de 1 milliard de centimes”, déclare l’avocate qui présente une requête pour la récupération de tout le placement avec le bénéfice intérêt. Djoudi Adelghani, avocat de Centre national des études et recherche de l’urbanisme qui fait un placement de 20 milliards de centimes dans la banque Khalifa, explique que le centre national se constitue partie civile pour demander son dû.

Me Souhila Dahleb a présenté une requête dans laquelle elle demande de récupérer l’argent de l’OPGI de Bordj Bou-Arréridj qui a fait un placement de 130 millions de dinars pour générer un bénéfice de 10%, comme l’indique la convention signée entre les deux parties. Hadji Nesrine, constituée au profit de la société de transport des grains qui a effectué un placement de 37 millions de dinars après avoir récupéré les 5% du liquidateur, explique aux jurés que la société accusait un déficit important. Me Meziane Salah, avocat de l’OPGI de Batna, dépose, lui aussi, une requête pour récupérer plus de 80 millions de dinars dans la banque Khalifa comme l’indique la convention. “Malgré nos multiples demandes de retirer notre argent, la banque a répondu par la négative”, explique l’avocat.

L’avocat Laceb Ouali, qui prend la défense de l’entreprise Enafor, filiale de Sonatrach, annonce que sa plaidoirie sera focalisée sur le rôle des commis de l’État dans cette affaire de Khalifa Bank. Pour l’avocat, il n’est pas normal qu’un ministre d’État comme Mourad Medelci  déclare qu’il n’était “pas assez intelligent” et qu’il n’a pas actionné le nouveau dispositif de contrôle des banques.

Cela voudrait dire que “si ce dispositif avait été actionné, la catastrophe Khalifa ne serait pas arrivée. S’il avait agi pour faire appliquer le dispositif, nous n’en serions pas là aujourd’hui”, lance l’avocat qui incrimine également le responsable financier du groupe Sonatrach qui n’a pas avisé les responsables des filiales et qui, “par sa négligence, a fait perdre à ces derniers des milliards de dinars. Lorsque le trou de 320 milliards de centimes a été découvert dans la caisse de Khalifa Bank, il était déjà trop tard. La catastrophe avait déjà eu lieu”.

Et les responsables des filiales de Sonatrach qui avaient déposé des fonds importants à Khalifa Bank, devraient en vouloir à Sonatrach plutôt qu’à Khalifa Bank parce que Sonatrach avait été alertée, pour ne pas déposer ses fonds, par le vice-gouverneur de la Banque d’Algérie, Ali Touati. À ce titre, elle endosse une grande part de responsabilité quant aux dépôts de fonds effectués par les filiales.

K. F