Le procès en appel de l’écrivain algérien Boualem Sansal s’est tenu ce mardi matin devant la cour criminelle, en l’absence de ses avocats. Le procureur de la République a requis dix ans de prison ferme ainsi qu’une amende d’un million de dinars à l’encontre de l’auteur, connu pour ses écrits critiques. Le verdict est attendu pour le 1er juillet.
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Ce nouveau procès intervient après un premier jugement qui avait condamné Sansal à cinq ans de réclusion. La sévérité des réquisitions a suscité des réactions au sein des milieux littéraires et de la société civile, aussi bien en Algérie qu’à l’international. Certains espéraient une évolution plus clémente de la situation, notamment à l’approche de la Fête de l’indépendance.
Procès en appel de Boualem Sansal : dix ans de prison requis, verdict attendu le 1er juillet
Le contexte du procès a été marqué par plusieurs complications administratives. Ainsi, l’avocat français désigné pour défendre Boualem Sansal n’aurait pas obtenu de visa pour se rendre à Alger, malgré le parrainage officiel du bâtonnier et le soutien d’institutions algériennes. L’absence de consignes claires sur ce point aurait conduit à un blocage administratif, rapporte le média français Le Point.
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« C’est la présidence algérienne qui récupère la main sur la demande de visa de l’avocat » indique ainsi la même source. Selon certains observateurs, le dossier de Boualem Sansal serait désormais lié à des discussions au plus haut niveau entre les chefs d’État. D’autres estiment que cette situation pourrait également être mise en perspective avec l’affaire de l’influenceur dit « Amir Dz ».
Lors de l’audience, Boualem Sansal s’est vu reprocher des messages retrouvés sur son téléphone portable, jugés irrespectueux envers certaines institutions nationales.
Selon les témoins présents, la juge aurait rappelé à Sansal qu’« il ne faut pas se moquer des symboles de la République ». L’écrivain aurait alors répondu : « En quoi je me suis moqué ? ».
Pour appuyer ses propos, la magistrate aurait cité un message retrouvé sur le téléphone de Sansal, adressé à un ancien ambassadeur de France à Alger : « Heureusement que nous avons le pétrole et Chengriha [le chef d’état-major de l’armée algérienne, NDLR]. »
L’auteur aurait alors demandé : « En quoi c’est insultant ? », sans obtenir de réponse.
Sansal aurait également été interrogé sur ses déplacements à l’étranger, en particulier en Israël, où il avait participé à un Salon du livre. L’écrivain aurait ainsi défendu sa démarche en rappelant qu’il s’agissait d’un événement purement culturel et aurait affirmé que ses propos relevaient de la liberté d’expression garantie par la Constitution.
« Vous n’avez pas à juger mes livres », déclare l’écrivain à la cour
Dans un ton plus ferme, la magistrate aurait ainsi poursuivi : « Vous n’avez pas d’autres choses à écrire que de mal dire de l’Algérie ? Pourquoi vous n’écrivez pas autre chose ? » Ce à quoi l’écrivain a rétorqué : « Vous n’avez pas à juger mes livres. »
Dans son réquisitoire, le procureur a résumé les charges retenues et a demandé une peine de dix ans de prison. Sansal a réagi en dénonçant ce qu’il considère comme un « procès contre la littérature et la liberté d’expression ».
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Dans un échange plus vif, M. Sansal a finalement déclaré : « Je proteste, ce que vous dites n’a pas de sens. La Constitution algérienne garantit la liberté d’expression ».
L’issue de ce dossier est très suivie. Plusieurs tentatives de médiation ont été entreprises de manière discrète, dans l’espoir d’un dénouement favorable. La décision finale appartiendra désormais à la cour, qui rendra son verdict au début du mois prochain.
En attendant, Boualem Sansal reste en détention. Le traitement de cette affaire s’inscrit dans un climat délicat, où l’équilibre entre respect des institutions nationales et liberté des créateurs continue de susciter le débat.