Procés el khalifa bank, Les accusés cèdent la barre aux témoins

Procés el khalifa bank,  Les accusés cèdent la barre aux témoins

Une vue du tribunal de Blida

Il s’agit précisément d’une chronologie douteuse, entre le début du déclin du Groupe Khalifa et la frénésie inexpliquée de certains cadres à acquérir et vendre des biens ou préserver des moyens obtenus dans le cadre de leurs services. A cela les accusés s’appuieront sur deux arguments qui n’ont aucun poids dans le langage juridique, à savoir l’ignorance et le hasard.

L’audition des accusés du procès El Khalifa Bank touche à sa fin, elle laissera place aujourd’hui à l’ouverture des auditions des 300 témoins attendus à la barre. Le juge Antar explique en début d’audience, après avoir appris que l’un des accusés était victime d’un malaise suite à son audition, que ladite audition des accusés n’est pas un acte répressif, mais une procédure nécessaire. Il a invité tous les accusés à garder leur calme. Par ailleurs les auditions de cette journée verront l’apparition des particuliers qui ont acquis des biens auprès des cadres d’El Khalifa, sans les déclarer après la fermeture de celle-ci.

Sur cette annonce s’est présenté à la barre le directeur de la formation au sein de Khalifa Airways, John Bernard Felan. De double nationalité, et s’exprimant en langue arabe, accusé d’abus de confiance pour avoir permis à des stagiaires de niveau terminale de bénéficier du stage de pilote à l’étranger. Il répondra étrangement que le niveau d’instruction des stagiaires n’était pas le critère principal pour prétendre à cette formation. Il explique que ce stage se basait sur la capacité des candidats à réussir le nombre de vols programmés au simulateur, et qui s’étendait sur une durée d’une année. Dans ce sens, il ajoute que des bacheliers n’ont pas réussi cette étape. A ce titre, il nie toute complaisance ou traitement de faveur.

Une villa pour le prix d’un F2

Pour sa part, Oussama Mohamed Rachid, accusé de dissimulation de biens acquis dans le cadre d’un délit, et gendre du cadre d’El Khalifa Bank, Chachoua Badredine, répondra au juge que l’achat d’un véhicule de type Golf pour la valeur de 2,3 millions de dinars était légal à ses yeux, puisqu’il avait payé cette somme. Or le juge fait remarquer à l’accusé que cette acquisition faisait partie d’un achat groupé d’El Khalifa Bank. En guise de réponse, l’accusé campera sur ses positions et indiquera qu’il avait restitué le véhicule à la gendarmerie.

Sous le poids de la même accusation, Lagoun El Hadi questionné sur l’acquisition, auprès de Chachoua Hafid, cadre à El Khalifa Bank, d’une villa d’une superficie de 500 m², pour une valeur de 7 millions de dinars au quartier des artistes à Zéralda, indiquera qu’il ne connaissait pas Hafid Chachoua, et qu’il était en relation avec son père. Avant d’ajouter que le prix était très intéressant, et qu’il ne voulait pas rater une telle occasion. C’est précisément sur ce détail que le juge Antar bondira. Il s’étonne que le prix particulièrement bas de la villa n’ait soulevé quelques soupçons. D’autant plus qu’il était de notoriété publique, à ce moment, que le groupe Khalifa était déjà inquiété par la justice. A cela, l’accusé restera presque sans réponse, si ce n’est de revenir sur l’aspect attrayant de cette acquisition.

L’audition qui s’en est suivie, revêtait un aspect très particulier. Accusé d’abus de confiance, Haddadi Sid Ahmed, directeur financier de Khalifa Airways, fut victime d’un AVC en 2013. Dépourvu de l’usage de la parole, il répondra aux questions du juge par des réponses écrites et dûment préparées.

Et ce, bien que le juge Antar ait proposé à son avocat de permettre à l’accusé de répondre, positivement ou négativement, d’un signe de la tête. L’accusé ne niera pas avoir gardé en sa possession, un téléphone portable et un micro-ordinateur, durant une année après la dissolution du groupe. Il précise qu’au même titre que la voiture de service, ces moyens avaient fait l’objet d’une décharge et d’une restitution à la gendarmerie.

Les auditions de l’après- midi ont été nettement plus laborieuses que celles de la matinée. Les déclarations se sont avérées plus longues et plus confuses. Le juge Antar et le procureur général ont eu droit à des contradictions inattendues entre les propos des accusés et leurs déclarations au juge d’instruction.

Ainsi, Benouis Lynda, directrice de la monétique à El Khalifa Bank, accusée d’abus de confiance,déclare avoir bénéficié d’un prêt de 9 millions de dinars, à titre personnel, de la part de Khalifa Abdelmoumène, pour l’acquisition d’un appartement.

Elle explique que c’était dans le cadre d’améliorer les conditions de vie de sa mère, atteinte d’une pathologie cardiaque, ce qui explique l’absence d’une demande de crédit. Elle ajoutera que le remboursement s’est fait en l’espace de trois mois, et en trois étapes. Or, le procès verbal de l’instruction fait état d’un engagement de remboursement dument signé par l’accusée, auprès du liquidateur. Elle niera en bloc ses propres déclarations, et précisera qu’elle avait adressé une lettre de remerciements à Khalifa Abdelmoumène. Elle insistera sur le fait que ce dernier avait accusé réception sur le même document.

Abdelmoumene dément

Devant son obstination, le juge Antar interpelle El Khalifa Abdelmoumène pour confirmation. Du fond du box des accusés Abdelmoumène Khalifa, avec toute aisance, dément ces propos. En outre, la complexité de cette opération avait attiré l’attention de M.Djellab, administrateur d’El Khalifa Bank, pour qui les 9 millions de dinars avaient servi pour lacquisition d’une villa pour le service monétique de la banque, selon les documents qu’il détenait. A ce stade de l’audition, le procureur général intervient, en expliquant à l’accusé que non seulement il n’existe aucune trace du remboursement suscité par l’accusé, et que bizarrement, il existait une convention signée à la même période, du même montant pour une durée de 10 ans. Et il finira par une interrogation qui allait désarçonner l’accusée: comment peut-on signer un engagement de remboursement sur un prêt qu’on prétend avoir déjà remboursé? A cela, l’accusée ne pouvait que nier les faits, prétextant son ignorance en matière d’écritures bancaires.

Suite à quoi, arrive à la barre pour la même accusation, Bourkaib Chafik, directeur financier de Khalifa Airways, et directeur général d’Antinéa Airlines. Il faut rappeler que cette dernière fut rachetée par le groupe Khalifa, avant sa dissolution. L’accusé explique qu’il fut démarché par Khalifa pour un salaire de 300.000 dinars pour les deux postes. On lui reproche d’avoir gardé un micro portable durant une année et demie après la dissolution du groupe.

Il répondra que la seule raison qui l’avait poussé à conserver cet outil, était l’importance du volume et des données de gestion et de comptabilité qu’il comportait.

Il explique qu’a la suite d’une décision brusque et violente, et son licenciement, il était dans l’obligation de garder toutes ses données, d’une part, parce qu’à l’époque, les supports de stockage massif de données n’existaient pas, et que d’un autre côté, il pouvait avoir sous la main les éléments de réponse au cas où il serait inquiété dans cette affaire.

Il indiquera que tous les bilans financiers et physiques avaient fait l’objet d’une passation, avec son successeur M.Medjahed. concernant la faillite d’Antinéa Airlines, et la revente de sa base de vie de Hassi Messaoud, à une compagnie italienne, juste après son départ.

Il dira qu’il ignorait la nature de cette transaction puisqu’il n’était plus en poste.

En somme, au terme de cette 14e journée du procès d’El Khalifa Bank, le tribunal s’est axé sur l’aspect collatéral des délits.

Du fait que beaucoup de zones d’ombre issues des déclarations des accusés, ont refait surface. Il s’agit précisément d’une chronologie douteuse, entre le début du déclin du groupe El Khalifa, et la frénésie inexpliquée de certains cadres à acquérir et vendre des biens, ou préserver des moyens obtenus dans le cadre de leurs services. A cela les accusés s’appuieront sur deux arguments qui n’ont aucun poids dans le langage juridique, à savoir l’ignorance et le hasard.