Procès du naufrage du Béchar, Les 5 inculpés acquittés

Procès du naufrage du Béchar, Les 5 inculpés acquittés
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L’annonce de l’acquittement des inculpés a provoqué une onde de choc parmi l’assistance.Le verdict a été différemment perçu par les proches des accusés et des victimes dont les avocats ont revendiqué les dommages et intérêts.

En réponse aux 96 questions relatives aux chefs d’inculpation retenus contre les accusés, les jurés et les magistrats ont répondu que ces derniers étaient «sans fondements».

L’atmosphère était tellement électrique que les services de police chargés de la sécurité et du maintien de l’ordre ont doublé leurs effectifs. «Aujourd’hui, mon père passera la nuit à la maison, c’est le plus beau cadeau de ma vie», a lancé la fille de Ali Koudil. Même réflexion et même émotion chez les familles des autres accusés. A l’annonce du verdict, certains d’entre eux avaient laissé échapper des larmes de joie.

«La justice a été équitable», jugent la plupart des personnes interrogées et qui relèvent «l’excellente prestation des avocats qui ont su démonter l’accusation et permettre à la justice de rendre un verdict en faveur des accusés». Suite à la lecture du verdict, l’action civile s’en est suivie.

C’est ainsi que les trois avocats représentant les victimes et notamment le rescapé Allouche ont tenu à revendiquer une révision des dédommagements au titre de réparation. Il est à signaler, à ce propos, que Allouche n’a bénéficié que de 150 000 DA de dédommagement.

Ainsi, Ali Koudil et les 4 autres cadres regagneront leur foyer à la grande joie de leurs parents et proches. «Bravo à la presse, aux avocats et aux juges», devait clamer une des proches de Koudil.

L’angoisse et l’expectative au rendez-vous durant les délibérations

L’atmosphère était indescriptible à la cour d’Alger. Le verdict était très attendu. Les présents étaient dans l’expectative. Les parents des accusés croisaient les doigts espérant que justice soit rendue en faveur de leurs proches incarcérés depuis 6 années.

La femme et la fille du principal accusé, en l’occurrence Ali Koudil, ont rencontré des difficultés pour accéder à l’intérieur de la cour si ce n’était la raison des policiers et l’insistance de la fille qui, à haute voix, fit valoir son droit légal d’assister à une «audience publique».

Dès le début de l’audience, la parole a été donnée à l’ex-PDG de la Cnan qui, sans retenue, «a rejeté la qualité d’armateur qui lui était reconnue par la justice», finissant par demander l’acquittement «au même titre que les 4 autres accusés».

Alors que les magistrats se sont retirés pour délibérer, toutes les supputations étaient permises. La justice allait-elle retenir l’ancienne condamnation ou retiendra-t-elle les peines requises par le procureur ? Un réquisitoire qui s’apparente à une mort civile des 5 accusés qui, faut-il le rappeler, n’auront plus le droit de bénéficier de grâces comme le stipule le code pénal.

D’autres sont pessimistes et au vu des plaidoiries qui tendaient tous à innocenter les accusés des charges retenues contre eux, espéraient que la justice fasse preuve de clémence en prononçant une peine équivalente à la peine purgée.

Toutes les supputations et hypothèses étaient permises. Il est à relever que la capitainerie et l’ensemble des services de sauvetage en mer ont été la cible des avocats lesquels ont axé leurs plaidoiries sur la responsabilité qui leur incombait quant à la perte en vies humaines.

La majeure partie des médias ont largement narré le déroulement du procès exerçant, par ailleurs, une pression qui nourrit l’espoir couvé par les proches des accusés et qui s’attendent à un épilogue positif en faveur des accusés.

Les carences en matière de sauvetage mises en exergue par Me Chorfi

Maître Chorfi qui a emboîté le pas à maître Aït Larbi (ex-sénateur) fut ovationné par l’assistance pour sa plaidoirie qui tendait à mettre en évidence les défaillances occultées. Ce dernier s’en est pris violemment au réquisitoire du procureur tout en lui rappelant «qu’aucune preuve n’a été apportée et de ne point s’en tenir à l’émotion suscitée par la vox populi relative à la tragédie».

Il devait apporter des précisions techniques et s’interroger : «Zaoui a-t-il commis réellement les fautes qui lui sont reprochées ?» A cet égard, il revient au dossier où il apparaît que «depuis le 15 janvier à ce jour fatidique, celui-ci (Zaoui) a répondu aux demandes du commandant». Il donna «la preuve de l’état de marche du bateau (télex adressé par le commandant le 8 novembre)»,

ajoutant que «ce dernier avait affirmé être disposé à prendre la mer avec le Béchar» et que ce dernier «était en attente des certificats nécessaires». Maître Chorfi s’est étalé sur les causes réelles du naufrage en indiquant que ce dernier était dû à deux facteurs, «la météo défavorable et exceptionnelle et la défaillance des services de secours parmi eux la capitainerie,

le Cnos et les gardes-côtes», à qui l’avocat avait imputé la responsabilité «non pas du naufrage du navire mais de la perte des vies humaines».

«Il est impensable de mentir impunément au commandant du navire en lui indiquant que les hélicoptères allaient intervenir quand ces derniers n’ont jamais été sollicités», la preuve étant rapportée par l’analyse de la chronologie des messages émis et reçus, devait-il souligner. Ce qui «a permis de relever que les services du Cnos ont coupé la liaison pendant plusieurs minutes». Une attitude que l’avocat qualifia de «honteuse dont les auteurs ne doivent pas être fiers», arguant que

«les 16 marins munis de leur gilet de sauvetage auraient pu avoir la vie sauve». Dans son élan et usant de l’audace qui lui est reconnue, l’avocat tonna en usant du terme de «scandale», affirmant qu’«il est scandaleux que l’Algérie qui a ratifié la convention SOLAS destinée à assurer le sauvetage en mer, ne soit pas dotée de petits remorqueurs, de petits bateaux».

Avec une voix pleine d’entrain et d’assurance, Me Chorfi conflua magistralement en disant : «Plutôt que 16 victimes, il y en a 21 car si 16 ont été repêchées, 5 autres (accusés) flottent encore en mer en attendant d’être repêchés par la justice».

L’avocat sortira son ultime joker de sa manche en exhibant une déclaration sur l’honneur d’un expert maritime faisant partie de la commission nationale de recherche chargée d’établir les causes du naufrage et qui est venue contredire les conclusions de la commission à laquelle il appartenait.

Un document qui expliquait clairement que «les causes du naufrage étaient dues aux conditions climatiques extrêmes et à la carence des secours». Il est 15h30 et les magistrats n’ont encore pas mis fin au suspense qui plane sur la cour d’Alger. Les juges tiendront-ils compte des arguments avancés par les défenseurs ou devront-ils condamner les accusés sur la base du dossier en leur possession ? Seul le verdict le dira.

D. M.