Condamné à mort hier pour avoir «incité» aux violences, Mohamed Badie, le guide suprême des Frères musulmans, est également jugé au Caire dans plusieurs autres procès pour lesquels il encourt la peine de mort.
Un tribunal égyptien a condamné hier à mort près de 700 partisans présumés du président islamiste destitué Mohamed Morsi, dont le chef des Frères musulmans, mais commué en prison à vie les peines capitales prononcées en mars pour près de 500 autres. Les premières condamnations à mort le 24 mars, dans un procès expéditif après une seule journée d’audience, avaient provoqué un tollé dans la communauté internationale dans ce que l’ONU avait dénoncé comme le plus grand procès de masse de l’Histoire récente dans le monde. Ces condamnations à mort en première instance n’ont toutefois aucune chance d’être confirmées en appel selon les experts unanimes, tant la procédure judiciaire et les droits les plus élémentaires de la défense ont été bafoués par le juge.
D’ailleurs, le juge qui les avait prononcées le 24 mars contre 529 accusés les a commuées en prison à vie hier pour 492 d’entre eux. Mais le fait que ces peines capitales aient pu être prononcées en première instance sans provoquer d’émoi dans le pays illustre le climat extrêmement délétère en Egypte. Une large majorité de la population, à l’unisson des médias quasi-unanimes, applaudit à la répression implacable et sanglante que mène contre les islamistes le gouvernement installé par l’armée après qu’elle eut destitué et arrêté le 3 juillet M. Morsi, le seul président jamais élu démocratiquement en Egypte. Ainsi, plus de 1.400 manifestants pro-Morsi ont été tués par les policiers et les soldats en dix mois – dont quelque 700 en une seule journée au Caire le 14 août – et plus de 15.000 de ses partisans ont été emprisonnés, selon les organisations de défense des droits de l’Homme.
Et, pour accréditer le sentiment partagé par nombre d’experts et d’ONG assurant que la répression de toute contestation est devenue pire que sous le régime de Hosni Moubarak, un tribunal du Caire a interdit hier le Mouvement du 6 Avril, un groupe laïc de gauche fer de lance de la révolte populaire qui chassa du pouvoir l’ex-Raïs début 2011. A l’énoncé du verdict lundi, plusieurs femmes se sont évanouies devant le tribunal de Minya encerclé par les forces de l’ordre. «Où est la justice?», s’est écriée l’une d’elle. Plusieurs proches ont assuré que les condamnés n’avaient rien à voir avec les manifestations pro-Frères musulmans de Minya, dans lesquelles au moins un policier avait été tué dans l’attaque d’un commissariat, au coeur du procès. «Mon fils ne prie même pas, il ne sait même pas où est la mosquée», s’indignait la mère d’un condamné à mort. «Le mien est mort depuis trois ans et son nom est cité dans cette affaire», renchérissait Wada Hasaballah, la soixantaine, toute voilée de noir.
Selon Khaled ElKomy, coordinateur de l’équipe d’avocats qui défend les 529 condamnés à mort fin mars, 60% d’entre eux «ont des preuves démontrant qu’ils n’étaient pas présents lors de l’attaque du commissariat» pour laquelle ils ont écopé de la peine capitale. Sur les quelque 1.200 accusés, seuls environ 200 sont emprisonnés, les autres étant en fuite ou ayant été libérés sous caution. Ils sont tous accusés, à divers degrés, d’avoir participé dans le gouvernorat de Minya aux manifestations pro-Morsi survenues le 14 août au moment où, au Caire, 700 manifestants tombaient sous les balles des policiers et soldats.
Condamné à mort hier pour avoir «incité» aux violences, Mohamed Badie, le guide suprême des Frères musulmans, est également jugé au Caire dans plusieurs autres procès pour lesquels il encourt la peine de mort, à l’instar de M.Morsi en personne, qui comparaît devant trois tribunaux. La quasi-totalité des leaders des Frères musulmans, l’influente confrérie née en Egypte il y a 85 ans, ont été arrêtés depuis le 3 juillet. Elle a été décrétée «organisation terroriste» par le gouvernement dirigé de facto par l’armée qui la rend responsable d’une vague d’attentats visant les forces de l’ordre.
Les peines de mort prononcées par la justice doivent, conformément à la loi égyptienne, être validées par le mufti, représentant de l’islam auprès de l’Etat, mais son avis n’est pas contraignant. Concernant les 683 condamnés à mort d’hier, dont M.Badie, le juge a fixé au 21 juin sa décision finale après l’avis du mufti.