Le verdict prononcé à la suite du réquisitoire et des plaidoiries n’a pas laissé sans réaction les prévenus et leurs parents installés, les uns dans le box des accusés, les autres dans la salle d’audience. «Acquittés !» a tranché le président, transformant en un mélange de joie et d’étonnement le long stress des mis en cause. Récit.
Au prononcé du verdict du tribunal criminel d’Alger dans l’affaire des ex-cadres de la Sonatrach acquittés et de l’homme d’affaires français condamné à dix-huit mois de prison ferme, la joie se lisait sur tous les visages. Les parents et proches des mis en cause y compris ceux de l’homme d’affaires français, ont applaudi longtemps la décision rendue par les membres du tribunal criminel d’Alger.
Une décision que tout le public présent à l’audience estime qu’elle honore non seulement la justice algérienne mais aussi toute la composante du tribunal sous la présidence de Tayeb Hellali assisté de Hammadouche Ahmed (ancien juge de la 5e chambre d’instruction du tribunal de Sidi M’hamed) et de Boukhersa Youcef (conseiller dans l’affaire de Khalifa Bank), sans oublier bien sûr les deux membres du jury qui ont suivi attentivement les débats qui ont duré plus de 10 heures.
Un verdict que même les curieux ont glorifié estimant qu’il démontre que le corps de la magistrature compte en son sein des hommes qui appliquent à la lettre les dispositions de l’article 307 du code de procédure pénale.
Cet article stipule : «La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas les règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve, elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont fait, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé et les moyens de sa défense. La loi ne leur pose que cette question qui renferme toute la mesure de leur devoir : Avez-vous une intime conviction ?»
En effet, les trois accusés à savoir les deux ex-cadres de la sonatrach répondant aux initiales de L. B. et B. M. et l’homme d’affaires français M. H. A ont remercié chaleureusement les membres du tribunal en clamant haut et fort : « Ce n’est pas notre victoire aujourd’hui mais plutôt la vôtre. Vous avez fait preuve, monsieur le président, d’une sagesse exemplaire. Merci de nous avoir accordé beaucoup de temps pour nous défendre et expliquer à votre honorable tribunal qu’il s’agissait plutôt d’un problème technique et non pas un problème judiciaire».
Les inculpés ont nié tous les faits qui leur ont été reprochés, que ce soit lors de l’enquête préliminaire ou tout au long de l’instruction
judiciaire. Ces derniers ont d’emblée affirmé que la faute incombe aux experts désignés pour l’établissement de l’expertise financière.
Dans le même contexte, les mis en cause ont indiqué que ces derniers n’ont même pas daigné se déplacer chez eux pour mener convenablement le travail qui leur a été demandé par le juge d’instructeur chargé du dossier.
Pis encore, les innocentés ont par ailleurs déclaré au président que les experts se sont contentés de consulter les documents comptables par le biais d’internet. Les acquittés ont en outre souligné que les experts désignés ignoraient les techniques non seulement comptables mais aussi celles liées au domaine de la construction rentrant dans le cadre de l’énergie.
Pour rappel, les cadres et fonctionnaires ayant occupé des postes de responsabilité au sein de la Sonatrach, notamment ceux des commissions chargées de l’ouverture des plis et de la conclusion des marchés publics, ont répondu, contrairement aux dires des avocats, aux convocations adressées par le parquet général de la cour d’Alger.
Ces derniers qui sont restés jusqu’à 20 heures, avant-hier, ont tenu à préciser au président que les mis en cause ne sont concernés ni de près ni de loin par la dilapidation de deniers publics. Dans le même volet, ces derniers ont garanti que la moitié de l’argent a été utilisée dans la réalisation d’une base de vie au sud du pays au profit des cadres et fonctionnaires du géant pétrolier algérien, à savoir la Sonatrach.
Il convient de signaler que l’homme d’affaires français a été défendu par son propre frère suite au retrait de ses avocats. Les cadres de la Sonatrach ont préféré, quant à eux, assurer seuls leur défense.
Ils ont pu détruire toutes les accusations portées à leur encontre dans l’arrêt de renvoi de la chambre d’accusation de la cour d’Alger. Ils ont estimé avoir fait l’objet d’un coup monté de toutes pièces : «Nous nous sommes sacrifiés, tout au long de notre carrière professionnelle pour faire l’objet en guise de reconnaissance de graves accusations.»
Ainsi, après plus de sept ans d’incarcération, les mis en cause quittent leur cellule et vont demander réparation pour les préjudices moraux et matériels qu’ils ont subis suite à cette affaire. Par ailleurs, le retrait des avocats des deux parties, notamment de la Sonatrach, du procès, a été considéré comme une entrave à la justice par des observateurs rencontrés au sein de la salle d’audience.
Redouane Hannachi