Le représentant du parquet de Sidi M’hamed a requis, hier, dix ans de prison ferme assortis d’un million de dinars d’amende à l’encontre des 9 cadres de l’Institut Pasteur d’Algérie (IPA).
Dans la même affaire, deux ans de prison ferme sont requis contre un accusé qui a bénéficié d’un micro portable puis l’a remis à l’administration. Le procureur a, en outre, confirmé l’ordonnance du juge d’instruction, relative au mandat d’arrêt lancé contre le P-DG de l’Institut Pasteur qui demeure en fuite. Le procès des cadres de l’Institut Pasteur, qui s’est ouvert hier au tribunal correctionnel, était, en effet, riche en révélations.
L’une parmi les accusés, en l’occurrence Mme Touabti Nadia, qui occupait le poste de directrice commerciale au niveau de cette institution, a d’emblée affirmé qu’elle a été relevée de ses fonctions sur ordre du secrétaire général du ministère de la Santé. La mise en cause a précisé que le secrétaire général en question a exercé des pressions sur elle, car elle a refusé de reconnaître la conformité des vaccins H1N1 acquis en 2009. Dans le même contexte, la prévenue poursuivie pour «complicité dans le détournement de deniers publics et d’avoir bénéficié davantages» a déclaré qu’elle a fait l’objet d’un licenciement arbitraire et abusif « sur ordre de l’ancien ministre de la Santé, Saïd Barkat ».
Cette spécialiste en chimie et en pharmacie a, en outre, indiqué qu’«heureusement, les vaccins importés n’ont pas été utilisés, sinon l’Algérie aurait vécu une tragédie».
Elle a pointé un doigt accusateur sur son adjoint, estimant qu’il est à l’origine de toutes les anomalies et carences enregistrées dans les transactions relatives notamment à l’importation de ces vaccins.
A la question de savoir son avis concernant la gestion administrative du représentant des laboratoires étrangers, l’accusée a tenu à souligner que M. Amani Amar répondait favorablement à ses demandes, notamment lorsqu’il s’agit de l’intérêt public.
Elle a, par ailleurs, précisé qu’elle ignorait la manière avec laquelle il procédait à la conclusion des marchés. Mme Touabti a déclaré que la faute incombe aussi aux proches collaborateurs du DG.
Interrogés, le directeur des finances ainsi que son fils, également poursuivis dans cette affaire pour utilisation des biens de l’Etat à des fins personnelles, ont nié tout en bloc, estimant qu’ils font l’objet d’un coup monté de toutes pièces.
Le directeur en question a, par ailleurs, indiqué qu’il ne faisait qu’appliquer les directives du conseiller du directeur général, en l’occurrence Abdelmadjid Boudiaf. Auditionné, ce dernier a déclaré qu’il n’est pas concerné dans cette affaire, notamment, en ce qui concerne la passation des marchés.
Il a tenu à préciser qu’il n’avait aucun pouvoir pour prendre les décisions, et qu’il n’a, à aucun moment, bénéficié des avantages, entre autres, l’utilisation des véhicules de service à des fins personnelles. Il a, par ailleurs, indiqué que les six véhicules de marque Chevrolet et soixante micro-portables appartenant à l’Institut n’ont jamais été utilisés.
Il a fait savoir à la présidente que son fils occupait un poste de responsabilité au sein de l’institut et qu’il jouissait d’une bonne réputation ; il n’avait aucun problème d’ordre professionnel.
S’agissant de l’accusé principal dans cette affaire qui est d’ailleurs le seul emprisonné, M. Amani Amar, représentant des laboratoires étrangers, il a déclaré qu’il n’a participé à aucune passation de marché douteux car il n’avait aucune procuration pour signer soit des conventions, soit des contrats de partenariat.
Il a déclaré que son rôle était limité aux livraisons de la marchandise, et ce, en sa qualité de représentant de deux sociétés étrangères.
Le mis en cause a nié avoir bénéficié des avantages à des fins personnelles, notamment, en ce qui concerne les véhicules et les micros portables acquis au profit des cadres de l’institut.
Ce dernier a indiqué que les opérations de consultation se faisaient par fax. Les autres accusés ont rejeté toutes les accusations portées à leur encontre que ce soit au niveau de l’enquête préliminaire ou de l’instruction judiciaire.
Prenant la parole, le représentant de la partie civile a estimé que le préjudice matériel causé à l’Institut Pasteur est de l’ordre de 28 milliards de centimes.
Les avocats de la défense ont sollicité la relaxe pure et simple de leurs clients, estimant que ces derniers font l’objet d’une poursuite judiciaire «maquillée». Ces derniers ont clamé haut et fort que l’instruction a été bâclée. Il convient de signaler que les avocats de la défense ont demandé la prescription avant même d’entrer dans le vif du sujet.
A noter que l’un des experts a déclaré à l’audience qu’entre 2002 et 2006 l’Institut Pasteur d’Alger a procédé à la passation de 65 et 70 transactions avec des laboratoires étrangers spécialisés dans la fabrication des vaccins.
L’affaire est mise en examen pour la semaine prochaine.
Redouane Hannachi