Les choses s’accélèrent au Ruisseau
Des peines allant de 20 ans de réclusion criminelle à des amendes en passant par 15, 8, 3, 2, 1 an ferme ont été réclamées par le ministère public!
La fin de la journée, c’était au tour de Citic-Crcc inculpée elle aussi de voir son représentant être d’entrée «pris à la gorge» après que Hellali le juge, ait demandé à Chani, l’accusé principal dans le grave dossier, s’il connaissait le représentant debout à la barre:
«Non, je ne connais que ceux de Pékin avec qui j’ai passé des accords cordiaux et légaux», avait répliqué Chani, qui s’est levé après la position assise de huit heures complètes.
Le juge passe alors au Chinois qui a dit sa tristesse que certains esprits mal tournés aient voulu nous diaboliser «en propageant de fausses informations accusant notre noble entreprise de complicité de corruption, alors que notre civilisation interdit cette ‘saleté » et la Constitution algérienne garantit à tout moment et en tout lieu la présomption d’innocence».
A une autre question du tribunal concernant le «comment les contrats ont été signés», le représentant de Citic-Crcc affirme que c’est là le résultat d’appel d’offres, «et nous avions été plus compétitifs que les autres». Maître Naziha Selmi, Maître Mohamed Nouri font face à leurs confères, Maîtres Ouali Toufik, Djemil Chelgham et Nabil, le plus jeune des Ouali, alors que le Chinois répétait le mot «choisie» i-e l’entreprise Citic qui a eu le privilège de s’octroyer le premier projet en Algérie, obtenu dans les règles de l’art, alors que certains évoquaient les pots-de-vin.
Relaxe pure et simple
«En face, les autorités administratives et politiques reconnaissent notre travail, et nous attendons que la justice soit à la hauteur de nos espérances quant à une relaxe pure et simple, car nous reconnaissons la valeur du peuple algérien qui a une grande justice, même si au passage, il y a ce phénomène de gens qui se mettent en travers d’une amitié de plus de 60 ans depuis Bandoeng, au début du déclenchement de la Révolution algérienne.» Maîtres Toufik Ouali, Nouri et Chelgham, eux, se méfiaient des interventions de Ben M’hidi et il y aura du spectacle au moment des questions. Le procureur aura en face de lui le collectif d’avocats de Citic pour tenir la dragée haute, surtout le duo Nouri-Ouali, pour empêcher le parquetier d’évoluer debout, depuis l’estrade du ministère public et donc, enfoncer la «personne morale»: Citic-Crcc.
Franchement, les conseils ont ébloui par leurs interventions remarquables. L’accusation, pour les Chinois, ne repose sur aucune preuve. Ils clament faire confiance en la Justice algérienne qui devrait laver tous les soupçons balancés par des ennemis de l’amitié algéro-chinoise, surtout que tous les travaux ont été réalisés en droite ligne avec le respect de la réglementation locale.
Maître Toufik Ouali et son confrère Maître Chelgham n’ont aucun doute sur l’innocence de leurs clients: «Au cours de la plaidoirie, nous démontrerons que Citic a été plutôt victime de mensonges éhontés, parachutés par les adversaires de cette entreprise qui a eu l’honneur de réaliser les premiers travaux en Algérie», ont-ils déclaré sur le palier de la salle des «pas perdus», après avoir regretté les nombreuses embûches rencontrées sur le plan financier avec des retards dans le paiement des travaux finis par endroits sur le pan centre-ouest de l’autoroute. «Il y a eu certes, d’énormes retards, mais tout était rentré dans l’ordre à temps», signalent les deux avocats, heureux de s’apercevoir que les débuts tirent à leur fin en vue d’arriver aux plaidoiries…
Et voilà qu’entre discrètement Maître Mohammed Djediat, l’avocat d’Alger, venu assister à la chute de ce procès qui verra Hellali donner rendez-vous aux avocats et au procureur général pour jeudi, et probablement… vendredi jusqu’à 11h, pour le reste des plaidoiries – plus de 50 avocats présents, mais beaucoup plaideront. Le verdict est redouté par plusieurs avocats sceptiques, surtout que beaucoup d’entre eux n’ont pas vu beaucoup de pièces justificatives allant dans le sens des assertions des enquêteurs, rudement malmenés à la barre et en mots… crus!
D’ailleurs, Maître Mahmoud Nouri avait le sentiment que ses clients avaient convaincu le tribunal criminel «d’une part, le rejet des procédés utilisés durant l’instruction contre l’honorable Citic-Crcc et au tribunal d’écarter les charges retenues, car les éléments constitutifs du délit de trafic d’influence ne sont pas réunis ici et donc, le délit n’y est point».
Entre les auditions des accusés chinois et japonais, Hellali avait en tête de rester serein, surtout lorsque les étrangers, le terme «société-mère», soulevant une vive question du président du tribunal criminel qui a posé la question sur le pourquoi y a-t-il une tentative à la barre de briser le lien entre le bureau Citic d’Alger et Pékin.
Puis le bitume, le ciment, les kilomètres posés viennent noircir l’avenir des accusés algériens à qui il est à chaque fois question de pots-de-vin. Ce n’était pas le cas auparavant, du représentant du Canada qui a souligné dans un français «anglaicisé» que «la soumission et l’arrachage du contrat étaient au-dessus de tout soupçon».
Quant à Cojal du Japon, il a eu sa part de tirage de l’oreille du juge qui a rapidement mis le feu en laissant Khelladi s’attaquer à Cojal (est en retard de plus de 5 ans!) et avec des gros oeuvres effondrés en un minimum de temps, car la triche sur l’emploi de la main-d’oeuvre y était, contrairement à Citic-Crcc.
Evidemment, les 90% des poursuivis ont tous nié et tout nié, surtout les «Addou», Tedj Eddine et Sid Ahmed.
La journée du jeudi 30 avril a vu, outre les témoins qui ont répondu à la justice, les derniers inculpés et surtout une heure trente a été consacrée à la lecture par Aïssa le greffier, de la lettre adressée à Amar Ghoul, l’ex-ministre des Travaux publics, qui a vu Khelladi user de son «droit de réponse» pour enfoncer son ex-ministre dans la mélasse, mais sans aucune preuve! Un ministre de la République ne peut pas être, en sa qualité de témoin à distance, traité comme l’a fait l’accusé, armé d’une haine à toute épreuve. Nous ne faisons guère de passages lourds de certains témoins où les redites étaient légion.
D’autres ont évoqué avec beaucoup de passion le non-respect des clauses où il est question de transfert de technologie…
Les avocats de la partie civile, tels Maîtres Bachi Mohamed et Ladoul Fatima, ont mis l’accent pour le premier son «O.K.» pour son bonheur de voir une première autoroute fonctionner enfin depuis l’indépendance. Maître Ladoul, elle, a tapé fort, très fort sur Khelladi, source de tous les ennuis des accusés et inculpés innocents.
Vendredi matin à 9h30, Ben M’hidi, le procureur général, se lèvera pour balancer à l’encontre des accusés de véritables boulets sortis du Code pénal. Il fera son boulot sans se presser ni se tromper. Il faut ensuite dire (et écrire) que ce parquetier est un monsieur et que son renfort à la cour d’Alger n’est nullement usurpé.
C’est à 9h45 qu’il se lève pour souligner que c’est d’abord un dossier de corruption, «pas uniquement celui de l’autoroute Est-Ouest», articule-t-il avant de se lancer dans un rugueux réquisitoire d’où nous notons qu’aucun mot blessant ou injuriant n’est sorti de sa bouche. Il reprit les étapes du dossier excellemment ficelé par le juge d’instruction qui a mis à nu toutes les opérations frauduleuses où les preuves sont placées dans les 24 boîtes cartonnées émanant de l’accusation.
Les dernières plaidoiries
Pourquoi de 2009, le procès n’a eu lieu qu’en 2015? C’est à cause de l’enquête avec son chapelet de commissions rogatoires et les enquêtes menées à l’étranger…
«Toutes les précautions ont été prises afin de tenir des assises loyales, correctes sans dépassement aucun!» a-t-il ajouté en rappelant que les 23 accusés ont exercé leurs droits entiers, y compris ceux de Chani qui n’a jamais été lésé dans cette salle. Après avoir rappelé, durant de longues minutes, Ben M’hidi passe enfin aux demandes sur la base du «cancer corruption» qui risque de gangrener la société, qui voit des richesses surgir du néant. Il demande, dans l’ordre de la gravité des faits, 20 ans de réclusion, 15 ans et 8 ans à l’encontre de Medjoub Chani, Mohammed Khelladi, Hamdane Salim et Addou Sid Ahmed, ainsi que deux ans pour Bouchama et trois pour l’ex-colonel Khaled, ainsi qu’une amende de 5 millions de dinars à l’encontre des personnes morales (Citic – Cojal – Coba SMI – Usilux, etc.).
Maître Ouali est mi-satisfait tout comme Maîtres Mahmoud Nouri, Djamil Chelgham, Naziha Selmi, mais ils espèrent que le tribunal criminel retiendra la réalisation des 528 km de B.B.A à Maghnia, la création de 30 000 postes de travail locaux, le don au peuple algérien de 10 millions d’euros, outre la prise en charge de l’encadrement en Chine de la réalisation pour les villages voisins de l’autoroute, de puits, des chemins utiles aux citoyens, un prêt de 1 milliard de dollars, ainsi que le respect total des délais et critères internationaux en qualité, évidemment. Ce sera ensuite le tour de la défense où une quarantaine d’interventions est attendue probablement tard dans la nuit. Quant