Toutes les fenêtres d’opportunités pour accélérer notre développement industriel ne sont pas fermées.
Mourad Preure, président du cabinet Emergy, analyse, finement et de manière imagée, la gestion des réserves de change et la question des fonds souverains. Il pense ainsi que le pays doit s’ouvrir des perspectives stratégiques nouvelles en recherchant une insertion active dans la mondialisation et qu’il lui faut articuler son système productif aux grandes chaînes de valeur globales, en recherchant le maximum de synergies et en veillant à monter dans les segments à haute intensité technologique de ces chaînes de valeur.
Dans ce sens, ajoute-t-il, il nous faut aborder la question du fonds souverain non pas dans une “logique de placements financiers” mais surtout dans une logique de développement “industriel” et “technologique”, de “diversification” et de “génération” de nouvelles ressources financières. Il déclare, entre autres : “Ou nous adoptons la posture du gibier et nous passerons notre temps à fuir le chasseur, ou nous adoptons la posture du chasseur et nous convoiterons le gibier, nous serons offensifs et trouverons des solutions stratégiques pour stabiliser nos ressources extérieures et équilibrer durablement nos relations avec l’étranger.” Et de poursuivre : “Il nous faut profiter de la crise économique qui perdure dans l’économie mondiale, particulièrement en Europe pour identifier des cibles intéressantes, et il y en a, et les conquérir.” Ce faisant, estime-t-il, nous donnerons une “impulsion décisive” à nos entreprises, à nos universités et notre recherche, il faut être “rigoureux” et “systématique” dans nos choix d’acquisition d’actifs industriels en veillant, je le souligne, à rechercher des synergies avec nos entreprises pour lesquelles ces acquisitions doivent exercer un effet de levier pour leur développement et la conquête des marchés internationaux. Mourad Preure fait remarquer que le pays a déjà pris un “grand retard” dans cette démarche, mais que je pense qu’il existe encore des “cibles intéressantes”, particulièrement en “Europe du Sud”. Et de déclarer : “J’estime que c’est une question d’intérêt national capitale qui doit être prise au sérieux et suivie au plus haut niveau de l’État, qui doit mobiliser toutes nos énergies, notamment les élites algériennes qui exercent à l’étranger.” Il rappelle que nous ne sommes pas les seuls à subir la crise, que d’autres sont plus vulnérables que nous et constituent des proies faciles.
Optimiste, il souligne que “toutes les fenêtres d’opportunité ne se sont pas fermées, et qu’il faut agir vite. à ce prix, nous tirerons bénéfice de la crise économique mondiale et surtout de la crise pétrolière. Si les prix du pétrole ont été divisés par deux, cela veut aussi dire que le prix des réserves l’ont été tout autant. Nous pouvons acheter des réserves, à raison de deux barils pour le prix d’un ! Nous pouvons prendre le contrôle de compagnies pétrolières ou de service en difficultés. Je suis convaincu que nous pouvons encore tirer bénéfice et nous renforcer à la faveur de cette crise.”

Souad Bouchakour, économiste, chercheuse universitaire qui prépare un doctorat sur les fonds souverains, explique, elle, que le pays aurait dû créer un fonds souverain pour plusieurs raisons. Un fonds souverain peut être utilisé dans l’aide au développement économique. En effet, note-t-elle, il existe ce qu’on appelle “les fonds souverains de développement” qui ont pour objectif de réaliser des investissements stratégiques pouvant aider au développement de l’économie des pays d’origine en réalisant des partenariats gagnant-gagnant. Bouchakour cite en exemple l’investissement du fonds Mubadala dans Ferrari et qui a permis à l’État d’Abu Dhabi d’organiser le tournoi de Formule 1 en 2009. Dans les matières premières, le fonds chinois est très actif pour assurer l’approvisionnement en matières premières de son pays. L’économiste parle aussi du secteur agricole où les fonds souverains peuvent se mettre à contribution. Elle estime que l’Algérie dont la facture alimentaire est de plus en plus salée pourrait bien suivre l’exemple des pays disposant de fonds souverains et qui s’intéressent au développement agricole.