Prise en charge des personnes atteintes de la maladie de Fabry: Entre rupture de stock et coût exorbitant du traitement

Prise en charge des personnes atteintes de la maladie de Fabry:  Entre rupture de stock et coût exorbitant du traitement

Le service de néphrologie du CHU Mustapha-Pacha a organisé, hier, à l’hôtel Mercure, un séminaire sur la maladie de Fabry.

Une vingtaine de familles, dont plusieurs membres sont atteints de cette affection orpheline, ont été dépistées entre 2008 et 2016. Soit 100 patients dont de nombreux enfants. Le professeur Farid Haddoum précise que beaucoup de cas restent à diagnostiquer dans notre pays où l’on compte entre 900 à 1 000 cas atteints de cette maladie pour 40 millions d’habitants. “La totalité des familles diagnostiquées en Algérie résident à l’Est, au Centre et dans la vallée du M’zab. Le diagnostic de la maladie de Fabry n’a été porté, pour le moment, chez aucune famille algérienne originaire de l’Ouest ou du Sud algériens, hormis un cas à Ghardaïa. Cette répartition géographique inégale n’est pas spécifique à notre pays.” 70% des cas diagnostiqués l’ont été au stade d’insuffisance rénale.

La maladie de Fabry est une maladie progressive multisystémique héréditaire de surcharge lysosomale, caractérisée par des symptômes rénaux, dermatologiques, neurologiques, cardiovasculaires, cochléo-vestibulaires et cérébrovasculaires. C’est une pathologie héréditaire rare, causée par une anomalie génétique. Chronique et évolutive, elle touche progressivement différents organes. En l’absence d’un cas familial connu, le diagnostic s’avère difficile, et le patient attend plusieurs années, avant de pouvoir mettre un nom sur sa maladie. Plusieurs familles affectées par la maladie de Fabry sont suivies dans le service néphrologie du CHU Mustapha-Pacha par le professeur Hind Arzour. Cette dernière regrette le diagnostic posé dans la majorité des cas tardivement, bien que “le délai entre le premier symptôme et le dépistage de la maladie

soit en moyenne de 13 ans chez l’homme et de 17 ans chez la femme”. Elle souligne que “la coexistence fréquente d’une atteinte multisystémique et de signes généraux rendent le diagnostic clinique difficile et peuvent faire poser à tort celui de rhumatisme inflammatoire, de maladie systémique ou d’infection d’origine indéterminée”.

Une fois le gène détecté, il est aisé d’établir le schéma thérapeutique adéquat

Deux traitements sont jugés pour l’instant efficaces pour réduire les douleurs et d’autres effets secondaires. Ils sont, indique le professeur Hind Azrour, administrés en milieu hospitalier. “Pour l’instant, il y a des ruptures de stock. Parfois, il faut attendre entre trois et six mois pour les avoir. Je crois que ce qui dérange, c’est le coût de ces traitements.” Un flacon de fabrazyme coûte dans les 3 000 euros, sachant qu’il faut pour une personne pesant 70 kg quatre flacons par mois. Une prise en charge complète et correcte d’un patient atteint de la maladie de Fabry revient à l’État dans les 5 milliards de centimes.

Tous les patients n’ont pas cette chance

“Dans ces conditions, la priorité est donnée aux enfants et aux jeunes en attente d’une greffe rénale et aux femmes qui ont à charge des enfants. C’est la triste réalité”, déplore le professeur Haddoum. Un autre traitement appelé le Replagal est depuis quelque temps importé pour un montant de 1 900 euros le flacon. “Cela reste cher, mais sa disponibilité nous permet de traiter beaucoup plus de malades”, précise le professeur Hind Azrour. Ce séminaire soutenu par les laboratoires Shires, leader mondial en matière de maladies orphelines, a été l’occasion d’écouter les témoignages des familles. Rabiha a cinq frères et sœurs, sur huit, porteurs de ce gène héréditaire.

“Au début, je ne comprenais pas pourquoi dans la famille on mourait très jeune. Ma mère est morte à l’âge de 38 ans. Dans mon entourage familial, on ne dépasse pas les 50 ans. Quand mon grand frère est décédé des suites d’une insuffisance rénale et que mon deuxième frère a commencé à présenter les mêmes complications, les médecins se sont intéressés à cette piste.”

Rabiha n’a pas été diagnostiquée porteuse du gène de Fabry : “Je suis une miraculée, mais je souffre énormément de voir mes frères et sœurs dans cet état. Mon deuxième frère a arrêté ses études en terminale, pourtant, il était très doué. Les complications de la maladie l’ont obligé à vivre confiné à la maison.” Rabiha a déjà perdu plusieurs membres de sa famille. Elle refuse la réédition de ce tragique scénario : “Je veux créer une association pour me battre contre la rupture fréquente de stocks de traitements jusqu’à arriver à ce que tous les malades reçoivent leurs doses complètes. C’est pour eux une question de qualité de vie et de survie.”