Prise en charge des nouveau-nés à risque de handicap,Un projet de création d’un centre de dépistage et de prévention à Alger

Prise en charge des nouveau-nés à risque de handicap,Un projet de création d’un centre de dépistage et de prévention à Alger

Environ 35 000 bébés naissent en Algérie avec un risque élevé de handicap. 10 000 d’entre eux garderont des séquelles physiques et mentales irrémédiables. De multiples facteurs (surcharge des maternités, rareté des unités de néonatologie de niveau III…) rendent, pour l’heure, le dépistage et la prise en charge de ces pathologies périnatales assez aléatoires.

Le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière a validé dernièrement un projet de création, à Alger, d’un centre de dépistage, de prévention et prise en charge des troubles du nouveau-né. Le projet est initié par la Fédération algérienne des handicapés moteurs et l’ONG française Santé Sud, avec l’assistance d’un collège de spécialistes en néonatologie, et de manière plus générale de la petite enfance. La collaboration des deux associations et des pédiatres (le Pr Haridi du CHU Béni Messous, le Pr Arrada du CHU Parnet, le Pr Laraba du CHU de Bab El-Oued et le Pr Jean-Paul Grangaud, conseiller auprès de la tutelle), date de trois ans déjà.

Elle a commencé par une campagne de sensibilisation sur la détection précoce des risques encourus par les nourrissons qui sont mis au monde après une souffrance fœtale et la consolidation des capacités des spécialistes de la santé publique, dans une optique de transfert des compétences. Plusieurs cycles de formation ont été organisés au profit des personnels spécialisés dans la petite enfance des secteurs sanitaires de Bab El-Oued, Béni Messous, Hussein-Dey et depuis peu de Rouiba. En parallèle, un état des lieux a été fait avec un comité des chefs d’unité de néonatologie susmentionnés et un psychiatre, le Dr Benouniche.

Il en est résulté que plus de 35 000 bébés naissent chaque année en situation de vulnérabilité, c’est-à dire en asphyxie périnatale et en grande prématurité. La statistique est extrapolée des registres de la maternité du CHU de Béni Messous, qui compte annuellement 400 nouveau-nés en difficultés sur 10 000 naissances vivantes.

Sur le nombre, 30% garderont des séquelles physiques et mentales irrémédiables. “En fonction de la gravité de l’asphyxie, on peut avoir plusieurs types d’anomalie du développement. Cela va du handicap majeur avec, au pire, un enfant infirme moteur (IMC), tétraplégique, qui ne pourra jamais marcher, ne pourra pas parler, avec parfois une épilepsie particulièrement difficile à traiter, des troubles sensoriels visuels (cela va du strabisme à la cécité), auditifs (hypoacousie ou surdité), un retard mental, des troubles graves du comportement (hyperactivité, autisme ..) et quand il ne présente pas de handicap moteur, il peut présenter des troubles des apprentissages avec des difficultés scolaires, voire un échec scolaire”, explique le Pr Leïla Haridi. Elle affirme que de multiples pathologies périnatales, induisant des handicaps lourds, sont évitables. Pourtant, “elles restent dramatiquement fréquentes chez nous du fait des insuffisances d’un programme de prévention adéquat et adapté. Il s’agit essentiellement de l’asphyxie néonatale avec ou sans traumatisme obstétrical et de la prématurité.” Elle impute cette situation à de nombreux facteurs dont l’augmentation du nombre des accouchements dans les maternités des CHU sans que le personnel affecté à ces services ne soit étoffé. Elle donne pour exemple la maternité de Béni Messous “dans laquelle le nombre des naissances est multiplié par 3 en 20 ans (d’environ 3 500 naissances en 1990 à plus de 10 000 en 2010). Or l’unité de néonatologie, qui doit recevoir les nouveau-nés posant problèmes, de la maternité n’a pas suivi en matière de capacité d’accueil.” Justement, le nombre des nouveau-nés à risque a aussi augmenté, en raison du nombre de plus en plus élevé des parturientes âgées de 40 ans et plus et donc présentant un accouchement à risque, souvent prématuré. “Les césariennes sont pratiquées souvent tardivement, alors que le fœtus est déjà en souffrance”, souligne Karima Yacef, chef du projet au nom de la FAHM.

Selon le Pr Haridi, la prématurité représente, en Algérie, entre 8 à 12% des naissances vivantes, soit jusqu’à 90 000 bébés qui viennent au monde avant terme, eu égard au fait que le pays enregistre, depuis 2008, environ 800 000 naissances vivantes annuellement. “La mortalité néonatale (0 à 28j) est élevée (13,5 pour mille) et la prématurité et ses complications respiratoires (en rapport avec l’immaturité pulmonaire) est la principale cause de la mortalité néonatale”, rapporte le Pr Haridi. Pourtant, de plus en plus de nourrissons pesant moins de 1 000 grammes sont maintenus en vie dans notre pays malgré la rareté des unités de néonatologie qui peuvent prendre en charge les grands prématurés. Il n’existe, d’après notre interlocutrice, que “trois services ou unités niveau III pouvant assurer une réanimation avec assistance ventilatoire pour les grands prématurés : HCA, Mustapha et Béni Messous.”

S H