Décidément, le problème de la prise en charge des personnes atteintes de cancer fera encore parler de lui. Et pour cause, certains acteurs directement concernés, notamment la Caisse nationale des assurances sociales (Cnas), ne s’impliquent toujours pas, ou partiellement, dans ce dossier.
Censée prendre en charge la pathologie du cancer au même titre que le reste des maladies chroniques, la Cnas a été, encore une fois, pointée du doigt par le professeur Kamel Bouzid, cancérologue, chef de service oncologie médicale au CPMC. S’exprimant lors d’une conférence-débat au sujet de la situation et l’évolution du cancer en Algérie, organisée, hier, par le quotidien DK News, le Pr Bouzid et son confrère le Pr Mohamed Oukal accusent en effet la Cnas d’avoir souvent tourné le dos aux besoins de cette frange de malades en termes de remboursement des médicaments et autres actes médicaux, encore moins de leur prise en charge à l’étranger. Pis, révèle M. Bouzid, à chaque fois qu’ils sont sollicités, les responsables de la Cnas avancent le prétexte irresponsable que “les cancéreux finissent souvent par mourir ; donc, à quoi bon dépenser pour eux !”.
“Désormais, j’appelle le ministre du Travail et celui de la Santé à se mettre autour d’une table pour trancher définitivement cette question. Maintenant, s’ils pensent que la maladie du cancer est forcément mortelle et qu’elle ne nécessite pas d’être prise en charge, qu’ils le disent alors publiquement aux malades !”, a déclaré le professeur, qui s’insurge contre le fait que la Cnas continue d’appliquer la nomenclature pour le remboursement des actes médicaux datant de…1987 !
Pour illustrer les écarts engendrés par cette nomenclature “obsolète”, le professeur citera l’exemple du remboursement insignifiant d’une mammographie par la Cnas qui ne rembourse que 500 DA sur les 3 000 DA que doit payer une femme chez le privé. Ou encore, ajoute-t-il, les différents actes médicaux dont le remboursement est fixé à seulement “80 DA” quel que soit le prix fixé par le médecin privé. Aux yeux du professeur, cette nomenclature est d’autant aberrante lorsqu’on sait que “70% des actes médicaux se font chez le privé et que généralement ce sont les classes défavorisées qui recourent au secteur privé car elles n’ont pas de connaissances dans les hôpitaux !”.
Toujours dans le cadre de cette ancienne nomenclature, M. Bouzid s’interroge : “comment se fait-il que la Cnas continue à rembourser certains génériques, (anticancéreux) en tant que princeps ?”. Il citera l’exemple d’un anticancéreux générique, dont il ne cite pas le nom commercial, indiqué pour le traitement des cancers du sein et de la prostate, coûtant 60 000 DA pour la période d’un mois de traitement, et que la Cnas rembourse en tant que princeps. Dans la foulée, le Pr Bouzid rappellera le refus qu’aurait opposé le ministère du Travail, par le biais du syndicat de la Cnas, à la décision d’intégrer certaines formes sèches de médicament dans la nomenclature des remboursements de la Cnas. “Je ne comprends pas comment une décision du Premier ministre se heurte à l’opposition d’un membre du gouvernement”, s’est-il exclamé. Dans le cas où cette opposition se confirme, regrette-t-il, cela prouvera une fois de plus, la position de la Cnas qui s’inscrit aux abonnés absents ! Sur instruction du président de la République, le CIM, tenu le 30 octobre dernier, avait annoncé des mesures pour régler l’autre problème relatif au manque de centres de radiothérapie.
Si le professeur Bouzid salue la prise de conscience des pouvoirs publics par rapport à cette question, il se montre, toutefois, sceptique quant au règlement de ce problème en une période aussi courte. Ceci, d’autant plus que le nombre de patients nécessitant un traitement par radiothérapie va crescendo. Aujourd’hui,c’est quelque 2 800 personnes en attente de rendez-vous de radiothérapie, suspendus jusqu’à avril et juin 2014, respectivement dans les centres d’Oran et du CPMC, alors que le nombre de nouveaux cas de cancer est actuellement estimé à 44 000. La capacité d’accueil des centres de radiothérapie fonctionnels en Algérie est de 8 000 personnes par an. D’où l’appel du professeur Bouzid à transférer, “en urgence”, à l’étranger, notamment en Turquie, au Maroc ou en Tunisie, les patients en attendant l’acquisition des 57 accélérateurs promis et la mise en service des 17 centres anticancer annoncés. Par ailleurs, la Cnas est accusée d’ignorer le cas des 17 enfants atteints du rétinoblastome, (cancer de la rétine), dont seul un transfert à l’étranger pourra leur sauver la vie.
F A