Pour l’Agence internationale de l’énergie, la prise d’otages en Algérie « fait peser un nuage noir » sur la production d’hydrocarbures du pays. Elle illustre l’importance des risques terroristes sur la production et donc sur le prix des hydrocarbures.
La prise d’otages et l’opération militaire sur le site de BP d’In Amenas “fait peser un nuage noir” sur la production de pétrole et d’hydrocarbures de l’Algérie. Telle est la conclusion à laquelle aboutit, vendredi, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans son rapport mensuel de janvier 2013 sur la production mondiale de pétrole dans le monde.
Cet incident a entraîné l’arrêt de la production sur ce site qui fournit essentiellement du gaz, mais aussi environ 50 000 barils par jour de condensats [ hydrocarbures liquides semblables à du pétrole brut, ndlr). Une production qui semble pourtant très anecdotique sur les 1,18 million de barils de brut par jour produits par l’Algérie. “Cela peut créer un peu de volatilité, mais cette attaque en soi ne va pas entraîner de hausse sensible des prix”, assure à FRANCE 24 Céline Antonin, économiste spécialiste du secteur pétrolier pour l’Office français des conjonctures économiques (OFCE).
Le risque serait, en fait, que “l’opération audacieuse des terroristes fasse peur aux compagnies pétrolières”, juge l’hebdomadaire britannique « The Economist » pour qui l’incertitude sur le comportement des pétroliers risque d’inciter les spéculateurs à parier sur une hausse des prix. Mais il serait encore un peu tôt pour anticiper une telle tendance, d’après Céline Antonin. “Un incident isolé ne suffit pas pour qu’il y ait un mouvement de spéculation pérenne”, assure cette spécialiste.
Pour l’AIE, la prise d’otages est en fait symptomatique d’un changement profond du marché du pétrole dans lequel les risques de nature politique – conflits armés, attaques terroristes – deviendraient le principal facteur pour déterminer le niveau de production et les prix du brut. Ce serait un “nouveau paradigme” qui remplacerait celui d’une production dictée par la demande des pays développés puis par la crise économique à partir de 2007.
Ainsi, la guerre en Libye a eu un effet très net sur les prix du pétrole qui ont augmenté de 20 à 25 dollars par baril durant le conflit.
La goutte qui fait déborder le baril
Pourtant, les “tensions politiques ont toujours été un facteur déterminant dans ce secteur”, remarque Céline Antonin, rappelant le premier choc pétrolier en 1973 et la hausse des prix du baril après la révolution de 1979 en Iran.
La seule différence, de nos jours, viendrait des risques liés à des opérations coup de poing de groupes terroristes ou rebelles contre les installations pétrolières. “Il y a, en effet, une prise de conscience de certains groupes que les sites pétroliers ou gaziers sont particulièrement importants”, concède Céline Antonin.
Un facteur qui peut jouer à deux niveaux sur les prix du pétrole, d’après cet économiste. D’abord, les investisseurs peuvent anticiper le retrait des compagnies pétrolières de pays où ce risque est particulièrement élevé. Ensuite, les grandes multinationales peuvent être amenées à investir davantage dans la sécurité de leur site, ce qui se traduirait par une hausse des coûts de production, répercutée sur les prix.
Mais ce facteur politique n’est vraiment important que parce qu’il “vient s’ajouter au fait qu’on atteint ou qu’on a dépassé le peak oil [quand le niveau de production pétrolière plafonne ou décline, ndlr]”, remarque Céline Antonin. C’est cette conjonction entre, d’une part, des ressources de plus en plus rares pour une demande en constante augmentation à cause, notamment, de pays comme la Chine, et, d’autre part, l’incertitude géopolitique qui “constitue la vraie nouveauté”, affirme cette spécialiste. Les attaques ciblées de groupes terroristes comme en Algérie ne seraient alors que la goutte de pétrole qui pourrait faire déborder le baril.