L’Aïd El Kebir le plus cher
Entre flambée des prix du mouton de l’Aïd et baisse de ceux du poulet, le porte-monnaie des Algériens balance.
Ce parallèle qui, a priori, est disproportionné, illustre à quel point le consommateur est désarçonné devant ce phénomène de la flambée des prix qui a transformé les prix de produits de large consommation en produits de luxe. Même si la marge entre un kilogramme de viande fraiche et celui du poulet reste importante, l’écart ne cesse de se réduire. Ils deviennent quasiment prohibitifs pour les revenus modestes. Que dire de ce 1,5 million de foyers de démunis officiellement recensés qui ont bénéficié du couffin de Ramadhan? Une société à deux vitesses qui ne dispose plus de marge de manoeuvre s’est mise en place. Des cornes ou des ailes? Le choix n’est même pas permis en cette veille d’Aïd. Pour satisfaire à son rituel: il faut sacrifier un mouton. Mais à quel prix? 35.000 DA le spécimen, pour le moins cher paraît-il.
Après avoir été saignés aux quatre veines pendant le Ramadhan, les Algériens vont vraisemblablement passer l’Aïd El Kebir le plus cher de leur histoire. En attendant de nouveaux records l’année prochaine. Pas de pitié. Pas de répit. Les maquignons ont décidé de faire la peau à leurs concitoyens. A coups de cornes après que des marchands de volaille leur aient volé dans les plumes pendant la période du mois sacré.
Les prix du poulet avaient connu une envolée pour le moins spectaculaire tant ils avaient sensiblement baissé quelques mois auparavant. Au mois de mars, la chute de près de 50% du coût de la volaille, qui s’est enclenchée dès le début de l’année 2013 a été jusqu’à mettre sur le qui-vive les professionnels de cette filière, qui ont revendiqué des prix qui ne doivent pas pénaliser les éleveurs, tout en assurant des prix raisonnables pour le consommateur disaient-ils. Après avoir frôlé les 400 DA le kg, ils se sont négociés autour des 200 DA. Une baisse artificielle que l’on avait attribuée à l’époque presque naïvement à la suppression de la TVA sur les matières premières, décidée au cours de l’été 2012, suite à leur flambée sur les marchés internationaux. Au début du mois de juillet qui coïncidait avec le début du mois du Ramadhan, ces prix ont doublé.
Cette mesure mise en place s’est soudainement arrêtée de produire l’effet escompté pour attester qu’il n’y a rien de rationnel dans ces flambées des prix quasi quotidiennes qui redoublent d’intensité et de férocité à l’occasion de certains événements qui sont caractérisés par une très forte consommation.
Des moments attendus comme le croissant de lune pour annoncer non pas le début du mois du jeûne ou de la célébration de l’Aïd mais des opportunités à ne pas rater pour s’en mettre plein les poches. L’Aïd El Kebir de cette année s’annonce particulièrement sanglant. Un coup c’est le prix du poulet qui s’envole. Une autre fois, c’est celui du mouton qui s’enflamme.
Dans le sillage de cette consommation exceptionnelle de viande ovine qui s’annonce et qui doit durer quelques jours, c’est celle de la volaille qui est peu demandée qui diminue avant de reprendre des ailes sans coup férir dans à peine trois mois, à l’occasion de la célébration du Nouvel An berbère (Yennayer).
Dans l’attente de cet événement, les Algériens vivent au rythme d’une spéculation effrénée des prix de produits de consommation de base et des viandes. En ces jours qui précèdent la célébration de la fête de l’Aïd el Kebir, c’est le mouton qui tient le haut du pavé. On a beau crier sur tous les toits que c’est la loi de l’offre et de la demande qui décide des cours des prix mais force est de constater que ce sont les spéculateurs qui décident.
L’exemple du poulet et du mouton sont édifiants à plus d’un titre sinon comment expliquer ces envolées des prix qui coïncident comme par hasard ou par enchantement avec la célébration de fêtes religieuses qui, en principe, appellent à la piété, la générosité, la solidarité et à venir en aide aux plus démunis pour qu’il puissent faire face à ces événements dans la dignité…