Printemps noir 10 ans. Ce que Bouteflika a promis, ce qu’il a honoré, ce qu’il n’a pas respecté

Printemps noir 10 ans. Ce que Bouteflika a promis, ce qu’il a honoré, ce qu’il n’a pas respecté
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Mardi, 12 mars 2002. Le chef de L’Etat Abdelaziz Bouteflika prononce un discours à la nation dans lequel il évoque les événements qui ont secoué la Kabylie et qui ont fait des dizaines de morts. onstitutionnalisation de la langue tamazight, indemnisation des victimes de la répression, jugement des assassins devant des juridictions civiles ou militaires, mise en place d’une commission d’enquête indépendante, ce jour-là le président a pris des engagements solennels.

Plus de 9 ans après ce discourCs, que reste-t-il des promesses de Bouteflika. Nous avons relu ce discours de chef de l’Etat en le confrontant à ce qui a été fait concrètement sur le terrain. Le moins que l’on puisse dire est que le président a failli à ses engagements.

Tamazight : Ce que Boutefika a promis

« La constitutionnalisation de tamazight comme langue nationale algérienne implique sa promotion et son développement dans les domaines de l’éducation, de la culture et de la communication (…)

J’ai donc librement choisi de constitutionnaliser la langue amazighe en tant que langue nationale, n’ayant en vue que l’intérêt supérieur de l’Algérie. Mais tout aussi librement, j’ai décidé d’expliquer ici et ailleurs le pourquoi de l’évolution de ma réflexion. C’est avec la même franchise et la même sincérité que je parlerai du problème des responsabilités dans les événements tragiques que j’ai évoqués auparavant. »

Ce qui a été fait :

Lundi 8 avril 2002, le parlement algérien se réunit en session extraordinaire au Club des Pins pour entériner l’officialisation de la langue tamazight comme langue nationale au côté de l’arabe

Plate-forme d’El Kseur : Ce que Bouteflika a promis

« En prenant acte de la déclaration du mouvement citoyen qui se présente comme un mouvement pacifique, donc privilégiant le dialogue et la concertation, nous avons ouvert tous les canaux de communication susceptibles de rendre le dialogue concrètement possible afin d’arriver à un règlement acceptable de tous les problèmes ayant provoqué la crise ou ayant été révélés par elle, sans porter atteinte aux constantes de la nation.

Dans cette quête du dialogue, aucun Algérien n’est de trop. De même, chaque Algérien doit comprendre qu’il n’est jamais légitime de prétendre à l’exclusivité lorsque sont en jeu des intérêts de dimension nationale, je veux dire les intérêts de l’Algérie et ceux de tous les Algériens où qu’ils se trouvent.

Pour nous, la plate-forme d’El Kseur répond aux mêmes exigences car la dynamique dont elle est porteuse, interpelle l’ensemble des Algériennes et des Algériens et les concerne tous. »

Ce qui a été fait :

Le 25 janvier 2005, le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia ainsi que des représentants des archs, le mouvement citoyen, signent un protocole d’accord aux termes duquel l’État algérien s’engage à satisfaire toutes les revendications de la plate-forme d’El-Kseur, notamment celles portant sur le jugement des auteurs des assassinats, l’indemnisation des familles et l’octroi du statut de martyr aux victimes de la répression.

Commission d’enquête présidée par Mohand Issad : Ce que Bouteflika a promis

« En décidant la création d’une commission d’enquête indépendante, je n’ai pas choisi sa composition, ni limité son champ d’investigation, ni enfermé sa mission dans le temps. J’en attendais des réponses claires aux questions que pose la responsabilité dans ces événements, tant au niveau des comportements individuels que des dysfonctionnements éventuels de l’appareil de l’Etat. »

Ce qui a été fait :

La commission d’enquête sur les événements de Kabylie a été mise en place le 02 mai 2001. Présidée par le professeur Mohand Issad, cette commission a enquêté pendant plus de 2 mois. Le 7 juillet, elle rend public son rapport préliminaire après l’avoir officiellement remis à la présidence. Six mois plus tard, elle élabore un second rapport, définitif, également remis à la présidence. De l’avis même du professeur Issad, Bouteflika n’en a pas tenu compte. « Le rapport que j’ai rédigé et remis au président de la République n’a eu aucune suite. Il est toujours dans un tiroir », affirme cet avocat.

Indemnisation des victimes : Ce que Bouteflika a promi

« A l’égard des victimes, l’Etat assumera tout naturellement les conséquences découlant d’une faute de ses agents ou d’un dysfonctionnement de ses services. Des indemnisations conformes à nos règles nationales ont été déjà versées aux familles ayant perdu un être cher. L’Etat ne tolèrera aucun laxisme dans le règlement de toutes les situations et dans une totale transparence. Ce problème est particulièrement douloureux, il doit être étudié la tête froide, et codifié dans un statut juridique approprié. Par ailleurs, il va sans dire que pour ce qui est des blessés, l’Etat continuera d’apporter son assistance à ceux qui en ont besoin, et aussi longtemps qu’ils en auront besoin

Ce qui a été fait :

En vertu du protocole d’accord signé le 25 janvier 2005, les familles de victimes ainsi que les blessées ont reçu des compensations financières. Selon le porte-parole des Archs, Belaid Abrika, l’Etat a décidé d’octroyer une indemnité de 3,5 millions de dinars pour chaque victime célibataire.

Les familles ayant une victime avec enfants ont touché 1 million de dinars ave une pension mensuelle de 20 000 dinars. Les blessés, selon leur taux d’incapacité reconnu, ont touché entre 5000 et 15 000 dinars.

Certains ayant droit ont accepté de percevoir les indemnités étatiques, d’autres ont refusé.

Jugement des assassins : Ce que Bouteflika a promis

« L’aspiration de notre jeunesse à l’équité et la justice est tout à fait légitime. Tous les responsables des dépassements et principalement ceux impliqués dans la mort d’homme sont et seront poursuivis par l’Etat. Des poursuites sont effectivement engagées contre 24 membres du corps de la gendarmerie nationale dont 5 officiers. Ils font l’objet de mandat de dépôt du chef d’homicide et pour usage abusif d’armes à feu.

Le gendarme responsable de la mort du jeune Guermah Massinissa a été placé sous mandat de dépôt dès le 19 avril 2001. Tous ont droit à un procès en bonne et due forme ; mais aucun n’échappera à la rigueur de la loi. Le déroulement des procès se fera en toute transparence, sans équivoque, sans zone d’ombre.

La justice doit faire son travail en toute indépendance. J’userai pour ce qui me concerne des pouvoirs discrétionnaires que me confère la Constitution pour que la lumière, toute la lumière soit faite sur les tenants et aboutissants de cette tragédie nationale. Dans ce cadre, je veillerai particulièrement à ce que justice soit faite sans aucune entrave quelle que soit la juridiction saisie, civile ou militaire. En tout état de cause, l’Etat est déterminé à ne pas laisser place à l’impunité.

Ce qui a été fait :

Mestari Merabet, le gendarme responsable de la mort de Massinissa, a été jugé en octobre 2002 par un tribunal militaire de Blida. Reconnu coupable d’homicide involontaire, il a été condamné à 2 ans de prison. Il a été libéré mardi 18 mars 2003.

Quid des autres auteurs des assassinats ? Plus de 9 ans après l’annonce du président, on ne sait toujours pas ce qui est advenu des 24 gendarmes mis sous mandat de dépôt. Ont-ils été jugés ? Sont-ils toujours en détention préventive ?

Toujours est-il qu’à l’exception de l’assassin de Guermah, aucun auteur des assassinats n’a été publiquement jugé.

Belaid Abrika, toujours, assure que les archs ont formellement identifié une vingtaine de tireurs. Des témoins, des blessés se sont présentés devant la justice pour fournir des indications précises, formelles sur l’identité des tireurs, mais la justice n’a pas donné suite. Aucun gendarme, aucun policier, aucun responsable n’a a été convoqué pour une éventuelle confrontation ou reconstitution.