Printemps arabe,Les changements et nous

Printemps arabe,Les changements et nous

Plus on regarde et plus on a l’impression que la vague de changements, à tort appelée «printemps arabe», n’a pas fini de faire des siennes.

Plus on regarde et plus on a l’impression que la vague de changements, à tort appelée «printemps arabe», n’a pas fini de faire des siennes.

Ce qui se passe en Jordanie en est une autre et nouvelle preuve. La question n’est donc plus de savoir quand et où cela va s’arrêter. La boîte à musique, comme à son habitude, fonctionne bien et la partition est minutieusement écrite. Et il convient désormais de se demander par qui et pour qui ces changements sont voulus dans le Monde arabe.

Trop faibles pour maîtriser leur propre destin, les pays arabes sont étrangers à ce qui leur arrive. Ils ne sont pour rien dans ce qui est en train de configurer les limites et les dimensions de leur avenir. Incapables de s’élever au-dessus de l’instant pour voir quelques secondes plus loin, leurs gouvernants n’ont pas l’aptitude, si nécessaire pourtant à ce niveau de responsabilité, de prévoir et de planifier à long terme. Et leurs peuples, tenus à l’écart de leur propre quotidien et maintenus dans l’ignorance et le doute jusqu’à celui concernant leur propre identité, ne peuvent, aujourd’hui, continuer à applaudir, comme ils l’ont toujours fait, les discours incroyablement mesquins et les promesses outrageusement mensongères qui ont servi de modèle de gestion des affaires des pays.

Le tournant est décisif. Il s’agit ni plus ni moins du moment où les intérêts de chacun sont en jeu. Nos intérêts d’abord avec ce que cela comporte comme nécessité de maîtrise de nos ressources et leur exploitation optimale pour tenter d’assurer la survie de nos pays respectifs dans un monde nouveau. Ensuite, les intérêts des puissants du moment avec ce que cela exige comme ressources (et pas seulement énergétiques) dans un avenir proche et lointain avec l’obligation de trouver ces ressources là où elles sont pour pouvoir assurer une suprématie, une domination ou, tout simplement, une place au soleil de l’humanité.

Lorsque les intérêts divergent ou s’opposent, et surtout lorsqu’ils sont aussi importants, la dernière des idioties serait de compter sur de prétendus amis. L’amitié des uns fond généralement pour un malentendu passager et la fraternité des autres est facilement remise en cause pour une simple incompatibilité de vue, alors lorsqu’il s’agit de survie… et puis, sincèrement, peut-on parler d’amitié et de fraternité dans le domaine des relations internationales contemporaines? Là où l’intérêt n’émarge pas, il n’y a rien. On l’a vu et on ne cesse de le voir.

Reprendre la Palestine pour la rendre aux Palestiniens

Les amis d’aujourd’hui ne peuvent que vous glisser dans l’oreille, à l’abri des caméras et des micros, quelques mots de compassion. Pas plus. Et ne vous amusez pas à les redire car ils nieront les avoir prononcés. Ils nieront jusqu’à vous connaître quand bien même seraient-ils venus vous quémander,deux heures plus tôt, quelques millions de dollars pour mener leur campagne électorale. Les frères, pour leur part, ne peuvent vous regarder dans les yeux que lorsqu’ils en reçoivent l’autorisation. Ils ne vous rendent visite que sur injonction. De là à vous soutenir par une parole dans un conflit ou une situation délicate, vous pouvez attendre les premiers bourgeons du sel.

Nous avons eu, malheureusement, la possibilité de vérifier tout cela pendant plus de soixante ans. Depuis que la Palestine est kidnappée aux yeux et à la barbe du monde. Ni les amis ni les frères n’ont pu reprendre la Palestine pour la rendre aux Palestiniens. Alors, de ce côté-ci mieux vaut ne plus lorgner. Fermons la porte.

Que reste-t-il si l’on ne peut compter que sur soi-même? Pour être franc, rien. Absolument rien! Nous sommes devenus des proies faciles pour qui veut notre peau. Des territoires accessibles pour qui veut nos ressources. Des marchés vierges pour qui veut notre argent. On nous vend ce qu’on veut, on nous refuse ce qu’on veut. On nous regarde souvent avec ironie et l’on nous traite avec mépris. C’est la suite logique à un demi-siècle de gestion inappropriée de nos pays. Non, le monde ne sera pas comme avant, il ne le sera plus. A ceux qui ne l’ont pas encore compris, les jours à venir seront très durs à vivre pour les faibles pays que nous sommes. Il n’y a qu’à regarder la Libye, par exemple. Un pays ravagé par une guerre inutile qu’il ne cessera jamais de payer et un pays où il sera désormais difficile de revendiquer une souveraineté réelle sur les ressources, sur l’économique, sur le politique et même sur le culturel.

Si la Tunisie et l’Egypte, ont eu plus de répit, moins de dégâts, c’est parce qu’elles ont moins de ressources et sont donc moins intéressantes sur le plan économique. Mais croire que ces pays retrouveront la stabilité d’antan serait commettre une grande erreur.

En Tunisie, en Egypte et au Maroc, la mouvance religieuse est la grande gagnante des changements qui, tels des spasmes, traversent le corps des pays arabes. Est-ce normal? comme par hasard, en Jordanie aussi, les manifestants qui sont en train de monter sur le registre des revendications et qui ont le plus de chances d’arriver au pouvoir si ces revendications seraient satisfaites, sont de la même obédience. Est-ce normal? Nous posons seulement la question!

Qui aurait donc intérêt à ce que les pays arabes soient aux mains de partis religieux? Certainement pas les gouvernants actuels de ces pays. Est-ce une manoeuvre pour discréditer ces partis aux yeux des peuples? Ou bien est-ce pour les discréditer et imputer leurs échecs à l’Islam? Est-ce normal que les peuples votent ainsi? S’il n’y a pas de doute concernant l’attachement du musulman à sa religion, il est aussi nécessaire de préciser que le musulman sait faire la différence entre la religion et le religieux.

Scénarios

Ces questions méritent d’être posées car, demain, pour l’élection présidentielle 2014, des scénarios sont à prévoir. Est-ce que les changements nous épargneront? Est-ce que les islamistes ont des chances d’accéder à la magistrature suprême chez nous? Et comment se fera le partage des pouvoirs sinon? Aurait-on une reprise du désormais «modèle égyptien» avec un président issu de la mouvance des islamistes? Ou bien à la «libyenne»? Et pourquoi pas à la «tunisienne» avec un président du dehors de la mouvance et un Premier ministre du dedans? Issu d’un parti islamiste, Ghoul semble convenir parfaitement à ces scénarios pour l’après-Bouteflika. Mais quelle sera sa place? Premier ministre? Probable! Président? Peut-être pas. A. H.