Printemps arabe ,Deux ans après, est-ce l’hiver ?

Printemps arabe ,Deux ans après, est-ce l’hiver ?
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Deux ans après les « révolutions arabes spontanées et sans slogans religieux », qui ont renversé les régimes tunisien, libyen, égyptien, les rues de Tunis, Tripoli et du Caire ne décolèrent pas.

Elles critiquent leurs autorités pour tout. Notamment pour leur incapacité à mener des réformes. Comme la visibilité est plus que jamais embrouillée, elles vont même jusqu’à réclamer « la chute du (nouveau) régime » et une « deuxième révolution ». « Le Printemps arabe qui a débuté avec des appels à la liberté, à la démocratie et au développement, se muera-t-il, après avoir pris une orientation partisane, en un interminable hiver islamiste » ?

La Tunisie, berceau du « Printemps arabe » ne pourra pas être le bon modèle pour les pays arabes. Les islamistes qui sont arrivés au pouvoir par les urnes — ils ont remporté 41 % des voix —, ont échoué. Ils n’ont réussi ni à redresser l’économie, ni lutter contre le chômage, ni même fixer le rôle de l’islam et la place de la femme dans la société. Et le fossé entre eux, les modérés et les laïcs, ne cesse de se creuser et d’ouvrir la voie aux tensions et à l’effusion de sang. Après les tirs à la chevrotine sur des manifestants, les incendies de mausolées de marabouts, les profanations de cimetières, les islamistes sont, depuis mercredi 6 février, tenus pour responsables de l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd. Pourquoi ?

Le secrétaire général du Parti des patriotes démocrates unifié, a tiré à plusieurs reprises la sonnette d’alarme. Sans que ses appels soient entendus. Il y a plus d’une année, il avait affirmé avoir été menacé de mort en pleine rue. Ce ne sera pas la seule fois. Hamma Hammami, son compagnon de route, pointe du doigt « l’indulgence coupable du gouvernement, et de certains hommes politiques à l’égard des appels à la violence ». Certains députés d’Ennahdha trouvent même des justifications à ces appels au meurtre. La « Révolution du jasmin » va-t-elle sombrer dans le sang ? Cet assassinat et le conflit ouvert au sein même d’Ennahda : le numéro deux et chef du gouvernement Hamadi Jebali a été désavoué dans son camp après avoir annoncé en urgence la formation d’un cabinet apolitique, réclamé par son allié laïc, le président Moncef Marzouki, et l’opposition, semblent avoir mis le feu aux poudres. En Egypte, en Libye, où l’avenir est aussi incertain, les dés semblent jetés. Ces Etats qui souffrent de convulsions périodiques, se désagrègent. A vue d’œil. Le président Morsi, qui est sommé par la rue de réaliser les objectifs de la révolution, qui lui a permis d’arriver au pouvoir, ou de démissionner, a décrété un couvre-feu dans les villes de Suez, Port Saïd et Ismaïlia sans que ce couvre-feu ait pu être effectivement imposé à la population. Idem en Libye. A Benghazi, l’insécurité est en train de chasser les étrangers. Tombés dans l’escarcelle des islamo-salafistes qui refusent un des fondements de la démocratie : le partage du pouvoir, les sociétés de ces pays se talibanisent. Celles de la Tunisie aussi. Le cas de la Syrie est éloquent. Le soulèvement pacifique du printemps 2011 s’est transformé en guerre civile. Moins de deux ans après, le pays de Bachar el Assad est en phase avancée de démembrement. Dans ces pays où on a « célébré » le deuxième anniversaire des « révolutions » avec des grenades lacrymogènes, le chaos prend place. En Libye, un tract circulant dans la capitale libyenne appelle à un « soulèvement populaire » et à la « désobéissance civile », pour « faire tomber le régime », et encourage les Libyens à faire des réserves de nourriture et de carburant avant le 17 février. L’opposition justifie ces appels à manifester par une accumulation de problèmes ». Comme l’inflation, le coût de la vie et le chômage élevé chez les jeunes. Certains politiques comptent dénoncer ce jour-là « l’échec de l’Assemblée nationale à réaliser des avancées dans des dossiers tels que la réconciliation nationale, la répartition des ressources, (…) et la rédaction d’une Constitution ». La raison de ces échecs ? L’absence d’une élite alternative, entre autres. Certes, il y avait des oppositions dans ces pays avant la « révolution » mais toutes, ou presque, ont été réprimées, sauf deux, celles qui s’exprimaient dans les mosquées et les stades de football. Et comme les Frères n’avaient aucune idée claire dans le domaine de l’économie, du Caire à Tunis, les citoyens se découvrent livrés, pieds et poings liées, aux séides des mouvements salafistes qui tiennent le haut du pavé avec les milices armées d’Ennahdha, appelées « Ligues de la Protection de la Révolution ». Une question : Combien d’années faudra-t-il attendre la « fin » des régimes islamiques ? Et de quelle manière s’effectuera-t-elle, dans la légalité d’une élection ou dans la violence ? Dans certains pays arabes, on prie. Parfois en découvrant la pauvreté, les horizons bouchés, la confusion de l’identité religieuse et la radicalisation rampante, on se surprend à regretter les anciens régimes. Comme l’ont fait il y a plus de 20 ans, les habitants des pays de l’Est après l’implosion de l’Union soviétique. « Au moins, disaient-ils, on avait un toit au-dessus de nos têtes et un boulot garanti à l’usine… ». Deux ans après, tous les observateurs de la région s’accordent à dire ceci : « Si aucun mouvement populaire, émergeant de ces pays, n’arrive à offrir une vision claire avec un programme économique innovateur et une réforme sociale courageuse, le monde arabe plongera dans une guerre civile généralisée » entre messieurs tout le monde et les « groupes islamistes armés » créés, de l’aveu même de Hillary Clinton devant le Congrès, par les Etats-Unis. Vingt ans plus tard, ces groupes ne seraient-ils pas actionnés pour alimenter le cycle « déstabilisation-déstructuration-dissolution » et ce, pour installer un foyer de désordre et d’instabilité dans le monde arabe ? « Les puissances occidentales — les USA en tête, et derrière eux, l’Europe — ne veulent pas de la démocratie dans le monde arabe. Ils sont contre. C’est un mensonge gigantesque de dire qu’ils interviennent « aux côtés » des peuples qui réclament la démocratie », rappelle l’économiste égyptien Samir Amin. Ni dans l’Afrique subsaharienne, pourrions-nous ajouter quand on réalise que le bourbier dans lequel est plongé le Mali, est la conséquence directe, à un an d’intervalle, du conflit libyen qui a permis à Al-Qaïda d’enrichir son arsenal en acquérant des armes que la France et les autres belligérants ont fournies aux « thowars ». Il est vrai que le Mali qui a inauguré le passage de la Françafrique à la Françafric a des ressources minières variées. Comme l’or, le quartz, les carbonates, le bois, les minéraux liés aux pegmatites et aux métamorphismes, le pétrole, le gaz…

LG Algérie

D. B.