«Il est impensable qu’une bande de trabendistes marocains enlèvent en toute quiétude deux individus sur le sol algérien et regagnent leur pays sans que quiconque n’intervienne ni parmi la population ni parmi les forces de sécurité», nous dira Hadj Omar, un commerçant à Bab Al-Aassa, très au fait du phénomène du trabendo. Selon notre interlocuteur, la frontière algérienne est peut-être une passoire mais «le peuple algérien n’a jamais été permissif sur sa dignité, son honneur et son intégrité territoriale et ne le sera jamais». El Hadj qui nous a invité afin de nous éclairer sur les tenants et aboutissants de cette affaire, affirmera que cette affaire «ne profite certainement pas aux trabendistes marocains car tout le Maroc oriental ne vit que du trabendo avec l’Algérie qui est devenu une véritable économie souterraine pour la population de cette région». Il souligne que compromettre ce commerce illégal équivaut à asphyxier économiquement des milliers de familles marocaines.
Pour cet homme averti, la contrebande est régentée des deux côtés de la frontière par une sorte de «code d’honneur». Ce sont généralement les grands barons qui réglementent, répartissent et organisent le trafic avec leurs compères marocains. Chacun active dans un créneau donné et le payement des marchandises se fait soit en troc soit par des «banques» clandestines. C’est un ordre établi mais il arrive, selon Hadj Omar, que «certains trafiquants font des commandes de marchandises auprès des Marocains par simple téléphone après qu’un semblant de confiance s’installe entre les deux parties, et n’honorent pas leurs dettes».
«Règlement de compte entre trafiquants»
Cette affaire est donc un règlement de compte entre trafiquants-contrebandiers et pour notre interlocuteur «les trabendistes marocains utilisent la ruse dans ces cas de figure en proposant davantage de marchandises à leur partenaire créancier sans montrer la moindre animosité. Ils le rassurent, le mettent en confiance et n’expriment aucun signe d’inquiétude au sujet des dettes. Ils finissent par l’inviter pour lui proposer une nouvelle marchandise ou une commande quelconque. Une fois de l’autre côté de la frontière, il ne regagnera l’Algérie qu’une fois la dette payée par sa famille ou son réseau».
Des liens très étroits ont été tissés entre les ngadis, les maîtres incontestés de la contrebande et du trafic de tout genre sur le territoire de la région de l’Angad, une région qui s’étend d’Oujda à la station balnéaire de Saidia via les villes de Berkane et Ahfir et leurs «homologues» algériens. Leur survie ne dépend que des produits de contrebande en provenance de l’Algérie. Toutes les personnes interrogées étaient unanimes à dire que «cette affaire n’est qu’un règlement de compte entre trafiquants» tout en défiant quiconque prouvera «que les deux jeunes ont été enlevés sur le sol algérien».
Toujours est-il que sur la route reliant Tlemcen à Bab Al-Assa via Maghnia, des centaines de voitures vaquent encore à leur trafic quotidien de carburant et ne semblent nullement inquiétés ni par les nombreux barrages des services de sécurité, encore moins par cette prétendue affaire d’enlèvement.