Réactivité
La crise pétrolière actuelle avec cette baisse des revenus financiers de l’Algérie cache une crise gazière qui risque d’amputer les recettes des exportations du pays de plusieurs milliards de dollars, au moment où l’on en a le plus besoin : les entrées en devises du pays risquent de ne pas dépasser les 30 milliards de dollars en 2016 et 2017. Si rien ne bouge, cette crise risque de s’aggraver avec une perte d’au moins 8 à 10 milliards de dollars annuellement dans les caisses de l’État, à la reprise de la demande sur le gaz dans le monde.
Explication : la Russie et le Qatar sont en train de brader leur gaz sur les marchés internationaux. Ce qui met la pression sur le gaz algérien qui devient beaucoup plus cher. À cela s’ajoute l’arrivée prochaine du gaz américain sur le marché européen et la concurrence du gaz égyptien et israélien sur le marché italien. Ce qui complique la situation, c’est aussi la nature des contrats signés par Sonatrach. L’Algérie vend essentiellement son gaz via des contrats long terme. Or, dans la conjoncture actuelle, les principaux clients de Sonatrach comme l’italien Eni et le français GDF-Suez veulent remettre en cause ce type d’arrangement. Du moins renégocier les prix du gaz à la baisse, voire un alignement de quantités prévues par le contrat sur les prix spot. Avec des prix des concurrents plus bas, Sonatrach aura de grosses difficultés à renouveler les contrats gaziers qui arrivent à échéance entre 2017 et 2019. La seule solution pour éviter que ces changements sur les marchés internationaux du gaz n’impactent gravement nos recettes en devises tirées des exportations d’hydrocarbures est une plus grande réactivité de Sonatrach, appuyée au plus haut niveau de l’État. Sonatrach devra sans doute adapter ces contrats long terme aux évolutions des marchés internationaux du gaz où les prix spot deviennent de plus en plus prépondérants. Mais il convient surtout d’adopter une stratégie plus conquérante de Sonatrach sur les marchés extérieurs. Elle consiste en résumé en un accès de Sonatrach à la distribution du gaz et de l’électricité en particulier en France, en contrepartie d’un accès de GDF-Suez aux actifs gaziers en Algérie. En fait, toute une politique, toute une diplomatie rénovée devra converger vers une utilisation du partenariat dit d’exception avec la France, l’Italie et l’Espagne en vue construire une relation stratégique entre ces pays et l’Algérie dans le domaine du gaz, appuyée par l’Union européenne qui recherche la diversification de ces sources d’approvisionnement.
Au plan intérieur, on voit mal Sonatrach exporter d’importantes quantités de gaz à moyen terme au rythme actuel de croissance de la demande domestique sur les produits énergétiques, sans la mise en œuvre d’un modèle de consommation plus rationnel et de progrès plus rapide dans le développement des énergies renouvelables et dans le programme d’efficacité énergétique.