Dans un twitt posté mercredi dernier en fin d’après-midi, le ministre de la Communication révèle que selon les «statistiques arrêtées au premier semestre 2016, 21 journaux ont un tirage égal ou supérieur à 10.000 exemplaires par jour».
Cette statistique est révélatrice du «gaspillage» que vit le secteur de la presse, lorsqu’on sait que la scène médiatique est occupée par quelque 150 titres.
Le rapport est en effet de 14% seulement.
Autrement dit, les 86% des journaux présents sur les étalages n’ont pas réussi à s’imposer auprès du lectorat. L’offre exceptionnellement importante, en matière d’espace éditorial, peut témoigner de la grande diversité d’opinion et de l’exercice total de la liberté de la presse, puisque sur tous les titres présents sur la scène aucun n’a connu de censure politique de la part du pouvoir. Mais cette situation ne semble pas conduire à une affirmation de la parole sociale et politique, puisque l’écrasante majorité de cette presse demeure quasi muette et totalement invisible.

Le fait que sur l’ensemble des médias écrits, il n’existe qu’une vingtaine qui peuvent prétendre à une audience plus ou moins respectable. Aussi, l’on n’est plus dans un cas d’hyper liberté, mais plutôt de grand chaos, sachant le mode de fonctionnement de certains journaux qui ne font plus cas, ni du métier ni de leurs lectorats.
En fait, il faut bien le dire, dans certains cas, l’organe de presse perd sa vocation d’information du public pour se limiter à jouer le rôle d’une «machine à faire du fric» et rien d’autre. En effet, ce serait révéler un secret de Polichinelle que de dire que beaucoup de journaux sont nés non pas pour vivre une aventure éditoriale, mais simplement pour servir de support à la publicité publique. Beaucoup de titres, et leurs propriétaires ne s’en cachent même pas, la décision d’imprimer l’édition dépend de la demi-page de publicité qu’envoie l’Anep. Le souci n’est pas de faire vivre quelques familles, mais tout simplement de s’en mettre plein les poches au détriment des intérêts sociaux et professionnels des travailleurs de l’entreprise de presse. Un autre secret de Polichinelle: des journalistes reçoivent des présalaires, des techniciens recrutés via l’Anem et payés chichement et une administration qui se résume à un seul employé dont la mission première consiste à suivre les pages de l’Anep. Ce phénomène ne date pas d’il y a deux ou trois ans.
La «machine à fric» est presque aussi vieille que la presse indépendante. Mais ces dernières années, le phénomène a pris une ampleur insoupçonnée. Le ministre de la Communication qui, à de multiples occasions, a promis de mettre de l’ordre dans la profession, apporte à travers son twitt, la preuve formelle d’une situation tout à fait rocambolesque, défiant toute logique professionnelle et même commerciale.
Il faut dire que si à l’origine, c’est-à-dire lors de l’ouverture de la scène médiatique, l’intention aurait pu être louable, l’odeur de l’argent de la publicité a attiré beaucoup de «loups» qui ont profité du laxisme ou de desseins politiciens, c’est selon, pour dévoyer totalement la mission première de la presse écrite. En l’absence d’un organisme régulateur de la profession, la scène médiatique a vu naître de «véritables monstres» qui n’ont de journaux que le nom et ont brassé, il faut bien s’en rendre compte un jour, un argent fou qui n’a servi, ni à améliorer le quotidien des journalistes ni à parfaire leur formation sur le terrain.
En fait, nous en sommes à un point de l’évolution de la presse algérienne où il va falloir trancher dans le vif. Le propos n’est certainement pas de taire des voix discordantes, mais de redonner à la presse ses titres de noblesses, qu’avant d’être une entreprise qui dégage des bénéfice, un journal c’est d’abord un lieu où des vocations s’expriment et où la voix de la société ou une partie au moins, doit impérativement parvenir aux oreilles des décideurs et partant, susciter un débat contradictoire, censé donner tout son sens à la pratique démocratique.