C’est la veille de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, soit le 2 mai, que le chef de l’Etat a choisi pour soumettre au Conseil du gouvernement le projet d’amendement du code pénal dans ses dispositions relatives au délit de presse. Une programmation à laquelle le marketing politique n’est manifestement pas étranger.
L’on sait, pour avoir écouté le ministre de la Communication Nacer Mehal le préciser, que la dépénalisation du délit de presse, annoncée par le chef de l’Etat dans son discours à la nation du vendredi 15 avril, consistera en la suppression des chapitres des articles 144 bis et 146 du code pénal stipulant l’emprisonnement de journalistes pour des faits de diffamation. Par un tel acte, le président Bouteflika travaille assurément à relooker son image et celle du pouvoir liberticide qu’il incarne.
La programmation d’un Conseil des ministres à la veille du 3 mai pour examiner le projet d’ordonnance amendant les articles 144 bis et 146 du code pénal procède, à coup sûr, de ce besoin éprouvé, conjoncture oblige, de mieux paraître aux yeux de la corporation de la presse et de la société en général. En fait, le pouvoir fait son mea-culpa d’avoir été liberticide. En 2001, en effet, le président Bouteflika a procédé à l’amendement du code pénal dans le sens du renforcement de la coercition à l’encontre des journalistes, faisant fi de la vague de protestation d’une corporation qui a payé un lourd tribut au terrorisme islamiste. Durant dix années entières, les articles 144 bis et 146 du code pénal étaient restés suspendus comme des épées de Damoclès au-dessus de la tête des journalistes.
De nombreux journalistes, soumis à la fréquentation des tribunaux du fait de la pénalisation du délit de presse, furent condamnés à des peines d’emprisonnement et à des amendes les plus lourdes. Il aura fallu que les vents du changement soufflent sur le monde arabe et sur le voisinage immédiat et que la bourrasque déboulonne successivement les présidents Ben Ali et Moubarak mais aussi une forte pression intérieure pour que le président Bouteflika daigne lâcher du lest.
Et certainement pour soigner son image d’un président qui a érigé le billot pour sacrifier l’expression libre auprès de la corporation des journalistes, il a opportunément choisi de commettre l’acte concret de dépénalisation du délit de presse à la veille du 3 mai. Mais s’il s’est résolu enfin à démolir ce qu’il a lui-même érigé, la pénalisation du délit de presse, le président Bouteflika tient toujours à l’exercice de quelques monopoles handicapant l’expression libre. Ainsi, il maintient de garder en l’état la situation de l’audiovisuel dont il ne juge pas arrivé le moment de l’ouvrir à l’investissement privé.
L’effort se trouve orienté vers le lancement de chaînes thématiques que d’aucuns appréhendent déjà comme des clones de l’Unique. Ceci même si les chaînes déjà existantes, en l’occurrence A3, Canal Algérie et la chaîne Tamazight, devront disposer de statut qui leur conférera une autonomie de gestion. Le Conseil des ministres du 2 mai examinera les textes y afférents. Comme il examinera aussi un projet portant dépénalisation du délit de gestion. Le Conseil des ministres examinera aussi le projet de loi de finances complémentaire.
S. A. I.